Comme aux heures les plus sombres de la dictature en Argentine dans les années 70, les termes de « disparition forcée » ressurgissent. Un groupe de personnalités exige auprès du gouvernement argentin la « réapparition » du jeune activiste solidaire de la cause autochtone mapuche, Santiago Maldonado.
Santiago Maldonado, 28 ans, a été vu pour la dernière fois le 1er août dernier, lorsque la gendarmerie argentine menait une énième opération de répression contre la communauté autochtone mapuche en lutte (« Lof » en Résistance du Cushamen, « Lof » étant un terme indien qui désigne une communauté indigène) qui manifestait sur la route nationale n°40, dans la province du Chubut, dans le Sud du pays, sur une propriété de la multinationale Benetton, territoire revendiqué par les Mapuches.
Jeune activiste solidaire de la cause autochtone, des témoins oculaires affirment qu’il aurait été capturé, frappé puis chargé à bord d’une camionnette aux insignes de la gendarmerie argentine. Depuis cette date, le discours du gouvernement argentin a changé à de multiples reprises, niant tout d’abord toute responsabilité de la gendarmerie dans la disparition du jeune activiste solidaire de la cause mapuche. L’affaire, néanmoins, a été requalifiée par la justice comme un cas de « disparition forcée », un terme qui, en Argentine, évoque les heures les plus sombres de l’histoire du pays.
Il s’agit donc de la première disparition d’un activiste sous la présidence Mauricio Macri qui était pourtant récemment félicité par le vice-président états-unien Mike Pence, lors de sa tournée latino-américaine, pour sa bonne gestion du pays.
La méthode de la disparition forcée a été introduite dans les années 1970 par les forces de répression argentines, instruites notamment par d’anciens officiers français ayant servi en Indochine et en Algérie. C’est en faisant « disparaître » les militant-e-s, activistes et opposant-e-s que la dernière dictature argentine a mené sa sale guerre qui a fait 30 000 victimes entre 1976 et 1983.
L’affaire Santiago Maldonado, dont personne n’a aujourd’hui de nouvelles, est en train de générer, en Argentine, une crise politique majeure. Le 2 septembre, une énorme manifestation, à Buenos Aires, et d’autres, en province, de même que plusieurs rassemblements organisés devant les ambassades et consulats d’Argentine dans les Amériques et en Europe ont réclamé, à nouveau, « l’apparition » de Santiago Maldonado, sain et sauf. L’avant-veille, des perquisitions étaient conduites contre des locaux de partis politiques de gauche à Córdoba, en raison de liens avec la résistance mapuche, qualifiée de « terroriste » par les autorités, alors que des membres du gouvernement continuaient à véhiculer l’idée selon laquelle Maldonado serait « passé à la clandestinité », voire aurait été assassiné par les Mapuches de Cushamen. Ce discours et ces pratiques ne sont pas sans rappeler la façon dont les autorités de la dictature se couvraient pour occulter les enlèvements de militant-e-s dans les années 1970 et justifier la répression.
En ce douzième anniversaire de la disparition de Julio López, ancien détenu disparu sous la dictature et enlevé à nouveau, le 18 septembre 2006, alors qu’il avait témoigné dans un procès intenté pour crime contre l’humanité contre des responsables de la police sous le régime militaire, nous joignons aux voix à celles de centaines de personnalités du monde de la culture, des idées, de l’art, de la politique et du mouvement social, comme Miguel Ángel Estrella, Noam Chomsky, Adolfo Pérez Esquivel ou Piedad Córdoba, pour demander au gouvernement argentin qu’il fasse toute la lumière sur cette affaire et pour exiger la réapparition, sain et sauf, de Santiago Maldonado.