Des milliers de Catalans sont descendus dans la rue mercredi 20 septembre, à la suite de l’arrestation d’une douzaine de membres du gouvernement régional. « Les forces d’occupation dehors ! », criaient certains manifestants à Barcelone. Scandant « Nous voterons ! » et chantant l’hymne catalan ou encore L’Estaca, hymne antifraquiste, des indépendantistes de tous bords ont afflué en particulier devant le département des affaires économiques de la Generalitat, l’exécutif catalan.
La tension entre le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy et l’exécutif séparatiste de Catalogne ne retombe pas. Ce dernier a décidé d’organiser coûte que coûte un référendum d’autodétermination le 1er octobre, ignorant son interdiction par la Cour constitutionnelle. La garde civile a arrêté, mercredi 20 septembre, Josep Maria Jove, secrétaire général de la vice-présidence de Catalogne. Il est l’adjoint d’Oriol Junqueras, vice-président et conseiller à l’économie et aux finances du gouvernement autonome de Catalogne.
Une porte-parole de la garde civile a confirmé « treize arrestations de hauts responsables du gouvernement de Catalogne et vingt-deux perquisitions ». Un porte-parole de la Generalitat (exécutif catalan) a évoqué les départements des affaires économiques, extérieures et de la présidence. Les motifs des arrestations n’ont pas été énoncés par la garde civile ni par le ministère de l’intérieur. On ignorait mercredi si elles dureraient uniquement le temps des perquisitions ou si elles seraient suivies de placements en garde à vue pour interrogatoire.
Par ailleurs, près de 10 millions de bulletins de vote qui devaient être utilisés pour le référendum d’autodétermination ont été saisis dans la localité de Bigues, à 45 km au nord de Barcelone, a annoncé le ministre de l’intérieur.
« Résistons pacifiquement »
Le gouvernement « a suspendu de facto l’autonomie de la Catalogne et appliqué de facto un état d’urgence », a déclaré le président catalan, Carles Puigdemont, après ces arrestations. Il a accusé le gouvernement de Mariano Rajoy d’être « totalitaire » et de violer les « droits fondamentaux ».
« Résistons pacifiquement. Sortons pour défendre nos institutions de manière non violente », a tweeté de son côté Jordi Sanchez, le président d’un des principaux mouvements indépendantistes issus de la société civile, l’Assemblée nationale catalane (ANC). « Ils ont commis une grande erreur. Nous voulions voter et ils ont déclaré la guerre », a-t-il aussi écrit.
« Nous sommes des milliers à défendre nos institutions !! Nous n’oublions pas de sourire, de chanter et d’agir pacifiquement. Nous sommes en train de gagner. Vive la démocratie. »
Même le FC Barcelone, club emblème de l’identité catalane, a pris position mercredi, condamnant toute forme d’entrave au « droit à décider » de la région. « Le FC Barcelone manifeste publiquement son soutien à toutes les personnes, structures et institutions qui travaillent pour garantir » la défense du pays, de la démocratie, de la liberté d’expression et du droit à décider, a annoncé le club, disant vouloir respecter « la volonté de la majorité du peuple de Catalogne ».
En France, Benoît Hamon est le seul responsable politique à avoir pris position pour l’instant, en déplorant l’attitude du gouvernement espagnol. « Le gouvernement espagnol [avait] tort d’attiser la tension », a-t-il déclaré dans un tweet.
Série de perquisitions
Madrid a décidé d’enquêter tous azimuts pour empêcher l’organisation du référendum d’autodétermination, jugé anticonstitutionnel par la Cour constitutionnelle. M. Rajoy a assuré qu’il ne faisait que « son devoir » et a exigé que « cessent les menaces des [indépendantistes] radicaux à l’encontre des maires, des conseillers et des fonctionnaires qui défendent la légalité ».
Ces perquisitions sont menées au moment où les opérations de police se sont intensifiées depuis le week-end, avec la multiplication de saisies de matériel électoral, notamment d’affiches et de matériel de propagande électorale.
Mardi, la garde civile s’est félicitée d’avoir saisi 45 000 convocations destinées aux assesseurs des bureaux de vote qui doivent être en place pour le référendum prévu le 1er octobre. Selon un communiqué diffusé mardi soir, cela représente « 80 % des convocations nécessaires » pour doter les bureaux d’assesseurs. Ces saisies ont eu lieu dans plusieurs locaux de l’entreprise de courrier privé Unipost, a précisé la garde civile.
Les séparatistes sont majoritaires en sièges au Parlement régional depuis septembre 2015. Mais la société catalane est très partagée sur la question de l’indépendance, selon les sondages. Aux élections régionales de 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,6 % des suffrages et le camp soutenant le maintien en Espagne, 51,28 %. Plus de 70 % des Catalans souhaitent, cependant, pouvoir s’exprimer à travers un référendum en bonne et due forme, selon tous les sondages.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
* Le Monde.fr | 20.09.2017 à 09h59 • Mis à jour le 20.09.2017 à 18h49 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/09/20/referendum-en-catalogne-la-garde-civile-perquisitionne-l-executif-separatiste_5188273_3214.html
En Espagne, l’offensive judiciaire de Madrid ressoude les partisans d’un référendum en Catalogne
La garde civile a saisi plus de 1 million de tracts en faveur de l’indépendance, alors que des centaines de personnes ont manisfesté à Barcelone et à Madrid.
Près de Barcelone, plus d’un million de tracts en faveur du référendum d’autodétermination convoqué le 1er octobre en Catalogne ont été saisis par la garde civile espagnole, dimanche 17 septembre. Mais l’offensive judiciaire de Madrid ne fait pas reculer le gouvernement régional. Pis, elle semble donner des ailes aux indépendantistes, prompts à se poser en martyrs.
Samedi, plusieurs milliers de personnes se sont réunies sur la place Sant Jaume de Barcelone pour dénoncer la « persécution judiciaire des élus ». Ils ont acclamé en héros les quelque 700 maires catalans (sur 948) cités à comparaître par le parquet pour avoir accepté de collaborer à l’organisation du vote, jugé illégal par la Cour constitutionnelle espagnole.
Ces derniers, tenant à la main el baston de mando, le bâton de commandement, qui symbolise le pouvoir du maire et se transmet à chaque passation de pouvoir, ont d’abord été reçus par la maire de Barcelone, Ada Colau, qui n’appelle pas à voter pour l’indépendance. Puis ils ont traversé la place, serrant des mains, saluant la foule qui les applaudissait, pour se rendre au palais de la Généralité, siège du gouvernement catalan.
Soutenir la « liberté d’expression »
Loin de faire fléchir les indépendantistes, les avertissements du chef du gouvernement, Mariano Rajoy, qui, vendredi, les a appelés à ne « pas sous-estimer la force de la nation espagnole », ont attisé la confrontation. Le président catalan, Carles Puigdemont, a répondu à M. Rajoy qu’il ferait mieux de « ne pas sous-estimer la force du peuple catalan… »
Début septembre, les indépendantistes catalans avaient été très critiqués, y compris par leurs propres sympathisants, pour avoir bafoué la loi et les droits des partis minoritaires au Parlement régional afin d’approuver deux lois, celles du référendum et de transition juridique, élaborées en secret et votées par voie urgente, en moins de 24 heures. La réponse judiciaire de Madrid semble les avoir plus que jamais ressoudés.
A Madrid, c’est l’interdiction d’une réunion publique en faveur du « droit à décider » qui a mobilisé la gauche radicale aux côtés des indépendantistes. Dimanche, des centaines de personnes se sont rassemblées devant le Teatro del Barrio, petite salle de théâtre engagée située dans le quartier populaire de Lavapiés, pour soutenir le référendum catalan et la « liberté d’expression ».
Dans un premier temps, cette réunion avait été convoquée dans l’espace culturel municipal du Matadero. Mais, saisi par le Parti populaire de Madrid, un juge l’a interdite, le 12 septembre, au motif que son intention était « de réaliser des actes publics en faveur d’un référendum illégal, suspendu par la Cour constitutionnelle et qui porte atteinte directement, clairement et gravement à l’unité de l’Espagne ».
« Virage autoritaire »
La polémique a enflé autour d’une décision perçue comme une atteinte à la liberté d’expression par la gauche radicale. La mairie de Madrid, dirigée par l’ancienne juge Manuela Carmena, a protesté, en vain, estimant que la décision du juge violait « le droit à exprimer et diffuser librement les pensées, celui de réunion et d’association ».
La réunion a finalement été organisée par un théâtre privé. A l’intérieur de la petite salle, des représentants de la Gauche républicaine catalane (ERC), du courant anticapitaliste de Podemos, des séparatistes anarcho-socialistes du parti indépendantiste catalan, la CUP, et des associations indépendantistes de Catalogne, prennent la parole pour critiquer le « virage autoritaire » du gouvernement de Mariano Rajoy. « La question de la Catalogne n’est pas nationale, elle ne l’a jamais été. C’est une question de démocratie. Et ce n’est pas une crise territoriale, c’est une crise de démocratie », assure une dirigeante de Podemos, Isabel Serra.
« Je suis venu montrer qu’une grande partie du peuple espagnol pense que l’on ne peut pas bloquer les droits et libertés, explique Manuel Lopez, un retraité de 73 ans, qui n’a pas pu rentrer dans la salle faute de place. Je ne voudrais pas que la Catalogne devienne indépendante. J’ai appris beaucoup sur la démocratie avec les écrivains catalans des années 1950 et 1960. Je ne défends pas le référendum sans garanties qu’ils sont en train d’organiser mais tôt ou tard, il faudra qu’ils votent. »
Catalogne : le chemin de l’indépendance en dates
iLe président du gouvernement de Catalogne, Carles Puigdemont, a annoncé vendredi 9 juin la tenue d’un référendum d’autodétermination unilatéral le 1er octobre. Les indépendantistes font ainsi un nouveau pas vers la sécession de la région, plongée depuis 2012 dans une grave crise politique avec Madrid.
Retour sur ce qui a conduit les nationalistes catalans, jusque-là prompts à demander toujours plus d’autonomie mais dans un cadre espagnol, à se rallier à l’indépendantisme. Quitte à défier les lois espagnoles…
Sandrine Morel (Barcelone, envoyée spéciale)
Catalogne : le chemin de l’indépendance en dates
2006 : un nouveau statut d’autonomie
L’Estatut, le nouveau statut d’autonomie qui reconnaît notamment la « Nation » catalane est approuvé au Parlement espagnol et validé par référendum en Catalogne. Mais le Parti populaire (PP, droite) dépose un recours devant le Tribunal constitutionnel.
10 juillet 2010 : première grande manifestation
Première grande manifestation à Barcelone en faveur du « droit à décider » des Catalans, en réponse à la décision du Tribunal constitutionnel de raboter une partie de l’Estatut. Plus d’un million de personnes sortent dans la rue sous le slogan « Som una Nació. Nosaltres decidim » (« Nous sommes une Nation, nous décidons »).
11 septembre 2012 : demande de référendum
Plusieurs centaines de milliers de personnes défilent pacifiquement à Barcelone en faveur d’un référendum d’indépendance et du « pacte fiscal » demandé par le président catalan, Artur Mas, c’est-à-dire de la capacité de la Catalogne à gérer les impôts prélevés dans la région.
25 novembre 2012 : élections régionales anticipées
Après le rejet du pacte fiscal par le chef du gouvernement Mariano Rajoy, des élections régionales anticipées sont convoquées. Convergence et Union, la formation d’Artur Mas, perd des voix, mais remporte l’élection avec une nouvelle feuille de route : la construction d’un Etat catalan souverain.
9 novembre 2014 : premier référendum sur l’indépendance
Malgré l’interdiction du Tribunal constitutionnel et l’opposition de Madrid, une consultation sur l’indépendance, présentée comme un « processus participatif » sans conséquence légale, est organisée en Catalogne : 80 % des votants expriment leur soutien à l’indépendance, mais le taux de participation se limite à 33 % des inscrits.
27 septembre 2015 : Junts Pel Si en tête
Les nationalistes de Convergence démocratique de Catalogne (CDC) et les indépendantistes de la Gauche républicaine catalane (ERC), ainsi que des membres d’associations indépendantistes forment une liste commune, Junts Pel Sí (« Ensemble pour le oui »), lors de nouvelles élections anticipées qualifiées de « plébiscitaires » par le gouvernement catalan. La liste remporte 39,6 % des voix et 62 députés.
9 janvier 2016 : vers l’indépendance unilatérale
Grâce au soutien du mouvement séparatiste, europhobe et anticapitaliste Candidature d’unité populaire (CUP), qui a totalisé 8 % des voix et 10 députés, les indépendantistes obtiennent une majorité parlementaire qui leur permet de lancer une nouvelle feuille de route visant à déclarer l’indépendance dans les dix-huit mois. Ils affirment qu’ils n’obéiront qu’à la « légalité catalane ». La CUP a obtenu en échange le retrait d’Artur Mas. Carles Puigdemont est élu nouveau président de la Catalogne.
13 mars 2017 : la justice condamne Artur Mas
L’ancien président catalan Artur Mas est condamné à deux ans d’interdiction d’exercer toute fonction publique élective et à une amende de 36 500 euros pour avoir organisé, le 9 novembre 2014, la « consultation populaire » sur l’indépendance de la région, malgré l’interdiction prononcée, cinq jours plus tôt, par la Cour constitutionnelle. L’ancienne vice-présidente du gouvernement catalan, Joana Ortega, et l’ancienne ministre régionale de l’éducation, Irene Rigau, ont également été condamnées à six mois d’inéligibilité, en tant que « collaboratrices nécessaires ». Le vice-président Francesc Homs, quant à lui, est condamné plus tard à un an et un mois d’inéligibilité.
9 juin 2017 : annonce d’un nouveau référendum
Le président du gouvernement régional, Carles Puigdemont, annonce qu’un référendum d’autodétermination unilatéral sera organisé le dimanche 1er octobre, malgré l’opposition ferme du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Les Catalans devront répondre à la question : « Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat indépendant sous la forme d’une république ? »
6 septembre 2017 : Barcelone vote la loi approuvant le référendum
La majorité indépendantiste du Parlement catalan valide le projet de loi sur le référendum d’autodétermination, prévoyant que ce dernier sera contraignant quel que soit le taux de participation. Le lendemain, la Cour constitutionnelle espagnole, saisie par le gouvernement espagnol, suspend le texte pour un délai de cinq mois renouvelable, mais les indépendantistes maintiennent leur projet de référendum.
* LE MONDE | 18.09.2017 à 11h02 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/09/18/en-espagne-l-offensive-judiciaire-de-madrid-ressoude-les-partisans-d-un-referendum-en-catalogne_5187173_3214.html
Catalogne : Madrid s’attaque aux maires favorables au référendum sur l’indépendance
Le parquet espagnol a cité à comparaître les 712 édiles catalans. Les élus qui ne souhaitent pas participer à l’organisation du vote subissent également des pressions.
Le front judiciaire ouvert par Madrid pour freiner les séparatistes catalans est passé, mercredi 13 septembre, à la vitesse supérieure. Le procureur général de l’Etat a cité à comparaître, en qualité de « mis en examen », 712 maires et présidents de communautés de communes catalans. Ceux qui se sont engagés à céder des locaux municipaux pour le référendum unilatéral d’autodétermination en Catalogne, jugé illégal par la Cour constitutionnelle espagnole, prévu le 1er octobre.
Cette procédure répond à une enquête ouverte pour des délits présumés de « désobéissance, abus de pouvoir et malversation de fonds publics ». L’ordre du procureur précise que les maires qui refuseraient de comparaître seront « arrêtés et présentés devant le parquet » par les Mossos d’Esquadra, la police catalane, qui agiront comme « police judiciaire ».
Bien décidés à braver la justice
Loin de reculer, les maires indépendantistes semblent au contraire bien décidés à braver la justice. La formation anticapitaliste et séparatiste d’extrême gauche, la CUP, partisane de la désobéissance civile, a immédiatement annoncé que ses seize maires « ne comparaîtront pas » devant les magistrats. « J’ai beaucoup de travail et je ne peux pas m’occuper de ces bêtises. S’ils veulent parler avec moi, ils savent où me trouver », a nargué sur Twitter le maire d’Argentera, Eudald Calvo.
Plus modérés dans la forme mais tout aussi déterminés, les maires de la Gauche républicaine catalane (ERC) et du Parti démocrate de Catalogne (PdeCAT) assurent qu’ils « iront jusqu’au bout » pour défendre le référendum.
« Je n’ai aucun problème à comparaître devant la justice : je n’ai commis aucun délit. La loi catalane encadre le référendum et ces menaces vont sans doute faire augmenter l’adhésion au vote », assure Miquel Buch, maire de Premia de Mar (PdeCAT) et président de l’Association catalane de municipalités (ACM), qui regroupe 928 des 948 mairies de Catalogne.
A l’exception du maire de Pons, dans la province de Lleida, Francesc Garcia (ERC), qui a démissionné de ses fonctions lundi 11 septembre, officiellement pour des raisons qui tiennent à « sa vie professionnelle et personnelle », aucun maire n’avait, mercredi soir, fait marche arrière. « Si quelques maires reculent, nous n’aurons aucun mal à trouver pour les remplacer un élu disposé à prendre le risque de défendre la démocratie, ajoute M. Buch. Nous avons reçu beaucoup de messages d’encouragements et de soutien des citoyens. Notre force, ce sont les gens… »
« Nous n’avons pas peur »
Marié et père d’une petite fille de 3 ans, Joan Ramon Casals (PdeCAT), maire de Molins de Rei, dans l’ère métropolitaine de Barcelone, se dit « convaincu de ne commettre aucun délit pour mettre à disposition des citoyens des urnes et des bulletins de vote. Mais si un tribunal m’arrête et me condamne, je porterai cela devant les tribunaux des droits de l’homme internationaux qui sans aucun doute me donneront raison. » Soutenu « moralement » par sa femme, il entend aller « jusqu’au bout » de ses « convictions profondes ».
« Ils ne se rendent pas compte que nous n’avons pas peur et que s’ils m’arrêtent, cela ne changera rien : tout est prêt pour que dans ma ville les écoles municipales ouvrent pour héberger les bureaux de vote. Je préfère en assumer les conséquences plutôt que de vivre dans un Etat qui veut me contrôler par la peur », conclut-il au sortir d’une réunion tardive avec d’autres maires indépendantistes de la zone métropolitaine. Et de trancher : « Aucun ne va céder. »
« Qui pense, dans le monde occidental, qu’en arrêtant 75 % des maires, on règle un problème, s’est indigné pour sa part le président catalan Carles Puigdemont. Ce n’est pas propre d’une démocratie. » Un commentaire qu’il a répété pour dénoncer la fermeture sur ordre d’un juge du site Internet officiel du référendum catalan, cependant transféré quelques heures plus tard à une autre adresse et hébergé sur des serveurs à l’étranger.
Remous à Madrid
La réponse judiciaire au référendum a aussi provoqué des remous à Madrid. Au Parlement espagnol, six formations, dont le Parti nationaliste basque (PNV, modéré) et le parti de la gauche radicale Podemos, ont demandé la comparution du procureur général de l’Etat pour qu’il donne des explications.
Seuls les maires qui n’ont pas répondu à la requête de la Généralité de céder des espaces municipaux, et ceux qui ont refusé de le faire ne sont pas inquiétés par la justice. Mais ils se plaignent de souffrir de la pression de citoyens qui exigent de pouvoir voter.
Nuria Marin, maire socialiste de la seconde ville catalane, L’Hospitalet de Llobregat, a demandé droit dans les yeux à Carles Puigdemont de « laisser les maires en paix » le 11 septembre, après que celui-ci a conseillé aux Catalans « d’interpeller » les élus en leur demandant s’ils pourront voter, provoquant plusieurs manifestations contre les élus dans différentes localités gouvernées par les socialistes. « La pression faite sur les maires n’était pas nécessaire puisque la Généralité dispose de locaux propres pour organiser le vote si elle le souhaite : les lycées, les centres de santé ou les maisons de retraite par exemple », assure Mme Marin.
Lorsqu’elle a reçu la requête de la Généralité, envoyée dans la nuit du 6 septembre, la maire de L’Hospitalet – comme tous les maires socialistes – a demandé un rapport à ses services juridiques. Ceux-ci ont eu connaissance dans la soirée de la suspension de la loi de référendum par la Cour constitutionnelle et ont tranché, le lendemain, que la participation à l’organisation du vote était illégale. Les mairies indépendantistes avaient, elles, très majoritairement, déjà donné leur avis : un autre courrier de l’Association de municipalités pour l’indépendance (AMI) leur avait demandé de répondre dans les plus brefs délais, ce qui leur évitait d’avoir à examiner la suspension.
« Insultes », tentative d’« agression », « graffitis menaçants »
A L’Hospitalet, commune ouvrière de la banlieue de Barcelone, où s’est installée massivement une main-d’œuvre venue d’Andalousie ou d’Estrémadure dans les années 1950 et 1960, l’indépendantisme ne dépasse pas les 30 % et Mme Marin n’a eu affaire « qu’à quelques insultes » sur les réseaux sociaux et des interpellations, polies, dans la rue. « Mais dans les villages et les villes plus petites, la pression est plus forte, raconte-t-elle. Près de Tarragone, l’épouse d’un maire socialiste a évité de peu une agression. A San Pere de Ribes, des graffitis menaçants ont été tagués sur les murs de la mairie. Sans parler de ce qu’a raconté le maire de Terrassa… »
Jordi Ballart, le maire de Terrassa, n’a pas souhaité répondre au Monde, mais il renvoie à son compte Facebook, où il fait le récit des derniers jours. « Ils m’ont dit que je suis un vendu, un lâche, un merdeux et un traître. On m’a aussi dit que je suis un socialiste de merde, un mauvais catalan, une poubelle. On m’a suggéré de quitter Terrassa, que je ne me réveillerais plus jamais, que je suis un imbécile, indigne, une merde et un pédé dégueulasse, entre autres choses », y raconte-t-il. Et d’expliquer que « la mairie de Terrassa ne mettra pas en danger la sécurité juridique des travailleurs publics », raison pour laquelle il ne cédera pas de locaux municipaux pour le vote, avant d’appeler au « calme » pour stopper « un climat de tension et d’affrontement ».
« Les maires catalans, d’un côté comme de l’autre, ne peuvent pas régler cette guerre politique, conclut Nuria Marin. C’est à Mariano Rajoy et Carles Puigdemont de dialoguer et de trouver un accord… »
Sandrine Morel (Barcelone, envoyée spéciale)
* LE MONDE | 14.09.2017 à 06h45 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/09/14/catalogne-madrid-s-attaque-aux-maires-favorables-au-referendum-sur-l-independance_5185320_3214.html