Au-delà de la multiplication des attaques contre les droits des salarié-e-s, ce qui se joue à travers les ordonnances Macron est un changement complet du mode d’organisation des relations sociales, alignant la situation de la France sur celle de ses « partenaires »-concurrents européens…
Il est encore difficile, en cette fin juin, de mesurer l’ampleur exacte de la régression sociale que tente d’imposer Macron et son gouvernement pro-Medef via la procédure radicalement antidémocratique des ordonnances. Le flou calculé de la rédaction du « Projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour la rénovation sociale », le nombre de thèmes abordés et l’amplitude des possibilités ouvertes sur chacun d’eux laissent la place à des appréciations différentes sur la profondeur des modifications qui seront, au final, imposées.
Ce flou résulte à la fois de différenciations dans le camp patronal et d’indécisions dans le camp gouvernemental, le tout sur fond d’incertitude quant aux résistances que les travailleurs et travailleuses opposeront à ces attaques. L’attitude des directions syndicales est le reflet de ces confusions en même temps qu’elles les alimentent. Car malgré leur affaiblissement, leur quasi complète acceptation d’un dialogue social particulièrement indigent, leur poids dans la construction (ou non) d’un rapport de forces imposant des arbitrages, des reculs au pouvoir reste incontournable. Si la volonté et la capacité du mouvement syndical font partie des éléments décisifs dans cet affrontement, c’est aussi leur place dans l’agencement des rapports sociaux qui est en jeu.
Aux origines du syndicalisme
Dès ses débuts, le syndicalisme a été partie prenante d’un système de relations complexes entre les trois grands acteurs de la société capitaliste : l’Etat, le patronat, les salarié-e-s.
Pour le monde « occidental » on considère qu’à l’origine, se sont développés trois types de relations industrielles nées symboliquement en 1906 avec la création du Labour Party à l’initiative des syndicats britanniques, le congrès des syndicats allemands qui entérinait leur rapport avec le parti social-démocrate, et la Charte d’Amiens qui inscrivait dans le marbre la double « besogne » du syndicalisme français. [1]
Le modèle britannique s’est construit le premier, à l’image du capitalisme de ce pays, précurseur dans le monde. Basé sur les syndicats de métiers, il défend les qualifications et les salaires dans le cadre du closed shop (monopole d’embauche syndical) et l’amélioration de la situation sociale de ses membres grâce à des allocations compensatoires pour ceux en incapacité de travailler ou leur famille. Dans ce syndicalisme fortement centralisé, les frontières entre les différentes qualifications engendrent des conflits entre syndicats. Il prétend améliorer la situation de ses adhérents par la négociation plutôt que par la loi. C’est ainsi qu’il y a eu au Royaume-Uni très peu de grèves à portée directement politique, exception faite de mouvements, comme ceux des mineurs, dans les années 1970 et 1980.
Dans le nord de l’Europe, autour de l’Allemagne, la social-démocratie a développé un syndicalisme organisant les salarié-e-s par entités industrielles, en regroupant tous les métiers d’une même entreprise. Il vise l’amélioration des salaires, des conditions d’emplois, des conditions de vie par une négociation collective indépendante des partis et des revendications politiques. Il privilégie les négociations, préalables à une action revendicative. Les syndicats sont en même temps un des piliers essentiels des partis sociaux-démocrates. La législation du travail vise à étendre à toutes les entreprises, mêmes non syndiquées, les résultats de la négociation collective.
Enfin, les pays latins se caractérisent par une grande autonomie des structures de base, une faible syndicalisation et une importante activité revendicative. Le mouvement communiste y a imposé un lien politique et organisationnel fort entre syndicats et partis. Affirmant la complémentarité des types d’action, ces syndicats ont mené parallèlement luttes syndicales et luttes politiques, en tentant d’imposer un rapport de forces qui s’appuie sur la loi. Régulièrement, d’importantes grèves à caractère politique tentent de conforter le rapport de force. La négociation est moins développée. La loi ou les décisions gouvernementales sont les alternatives aux négociations entre syndicats et patronat.
Le syndicalisme français
L’histoire de chaque pays a modelé spécifiquement les relations sociales. En France, dans la foulée de la révolution d’Octobre, la lutte contre le fascisme et le Front populaire a abouti à une relation étroite entre le PCF et la CGT qui a perduré jusqu’aux années 1980. C’est au sortir de la Deuxième Guerre mondiale que s’est consolidé un système de relations basé sur le rapport de forces international inscrit dans le marbre à Yalta. Cela a débouché sur une reconstruction de la société au travers de structures économiques et sociales assises sur le keynésiano-fordisme.
Complétant les délégués du personnel et les conventions collectives issus de 1936, la mise en place ou le développement des comités d’entreprise, du Conseil économique et social, de la Commission supérieure des conventions collectives, du conseil d’administration de la Sécurité sociale, structures paritaires multiples dans la fonction publique, ont accentué l’institutionnalisation de l’activité syndicale en même temps que la concurrence entre les confédérations.
En 1946, la CGT comptait 3,8 millions d’adhérents (moins qu’en 1936), avec un déplacement vers la fonction publique et un affaiblissement relatif dans le privé et chez les ouvriers. Même si la priorité donnée à la « production » par la CGT et le PCF pour assurer le redressement national suscitait des critiques, au congrès de 1946, leurs partisans obtinrent 90 % des mandats. Dans cette logique, jusqu’en 1947, les comités d’entreprises ont été d’abord un instrument au service de la « bataille de la production », produire étant selon Thorez « l’arme la plus élevée du devoir de classe ».
Après les grèves de 1947, le reflux de la syndicalisation se poursuivit jusqu’à 20 % au milieu des années 1970. La CGT suivait l’orientation du PCF, de la période sectaire et radicale des années 1950 au Programme commun des années 1970. Dans la logique du Conseil national de la résistance, le PCF visait à conquérir l’hégémonie dans la sphère politique via des alliances avec la social-démocratie, voire plus larges. La CGT était, de son côté, chargée d’occuper des positions fortes dans l’appareil productif.
De Mai 68 à Mitterrand
En Mai 68 la CGT, après s’être affrontée au mouvement étudiant, accompagna à contre-cœur le développement des grèves, alors que la CFDT était plus à l’écoute des revendications et des formes de lutte. Au total, Mai 68 ne déboucha pas sur un renforcement significatif et durable des organisations syndicales. Présenté comme un succès essentiel de 68, la reconnaissance du syndicat dans l’entreprise eut rapidement des effets pervers : captation de l’activité syndicale par les institutions représentatives du personnel et retrait du l’activité interprofessionnelle des unions locales. La pression des partis réformistes sur l’ensemble du mouvement social ne permit pas que les luttes de l’après-68 fécondent le syndicalisme.
Dès le milieu des années 1970, le revirement économique, instrumentalisé par le patronat et les gouvernements, a pesé sur la combativité ouvrière. Mondialisation, « libéralisation » des rapports sociaux dans les pays de l’Est de l’Europe ont accentué la concurrence à l’échelle planétaire. [2] Les effectifs syndicaux ont entamé la chute vertigineuse qui les a amenés de 25 % de syndiqués en 1975 à moins de 10 % dès la fin des années 1980.
Sur le front politique, le PCF a tenté de construire un nouveau Front populaire. L’Union de la gauche en a constitué l’apogée, avec le programme commun de gouvernement, dont le Parti socialiste s’est échappé à la veille de l’élection présidentielle de 1981.
La victoire électorale de 1981 a été comprise comme la possibilité de mettre un coup d’arrêt aux reculs, voire de reprendre le chemin des progrès sociaux. La retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, accompagnées de la suppression de la peine de mort, semblait le confirmer. Les nombreuses nationalisations ont conforté la politique du PCF et de la CGT, de grignotage de la société par le haut et le bas. Mais tout a basculé au bout de deux années. L’accompagnement d’une politique de régression sociale a entraîné pour la CGT, le cassage des luttes, au nom de la responsabilité gouvernementale. Avec la désindexation des salaires par rapport à l’inflation, l’accompagnement des restructurations en utilisant les nationalisations pour alléger les coûts pour le patronat, le bilan a été désastreux.
Naissance et développement du dialogue social
Dans la foulée de l’élection de 1981, s’engage la mise en place d’une régulation « pacifiée » des relations sociales. Les lois Auroux de novembre 1982, saluées par l’ensemble des organisations syndicales, en fixent les premières règles.
Leur philosophie consiste à magnifier l’entreprise, à la réhabiliter dans l’esprit de la population. Cela annonce le véritable culte dont elle fera ensuite l’objet, avec la mise en scène du brigand Bernard Tapie comme modèle d’entrepreneur et d’Yves Montand, la « personnalité de gauche », prônant l’individualisme et le libéralisme les plus exacerbés dans ses émissions télé « Vive la crise ». Pour Auroux, l’entreprise doit devenir citoyenne : « il importe que les uns prennent davantage conscience de sa dimension sociale et les autres de sa dimension économique. »
La seconde anticipation concerne l’institution des accords dérogatoires, qui enfonce un (premier) coin dans l’ordre public social avec la possibilité de déroger aux dispositions législatives et conventionnelles, incluant déjà des formes de modulation du temps de travail, s’il n’ y a pas d’opposition des syndicats représentants 50 % des voix aux élections professionnelles.
Et enfin la tentative, vite tombée en désuétude, de contourner les institutions représentatives du personnel et les syndicats avec les « groupes Auroux », regroupant maîtrise et salarié-e-s et appelés à discuter de tout sauf de salaires. Est aussi instituée l’obligation de négocier chaque année les salaires et l’organisation du temps de travail.
En 1986, la loi Séguin ouvre la voie aux plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Autrement dit, une sorte de cogestion des plans sociaux est instaurée, et les élu-e-s des salarié-e-s se retrouvent partie prenante de décisions douloureuses. Parallèlement font florès des expressions comme « partenaires sociaux » ou « concertation », que les syndicats eux-mêmes ont fini par intégrer. La multiplication des négociations, appels aux cabinets d’expertise, aux avocats, vont absorber une grande partie de l’énergie et de l’activité des militant-e-s syndicaux. La judiciarisation, l’individualisation des rapports sociaux amplifient la coupure des syndicats avec les travailleurs, tout en réduisant toujours davantage les ripostes collectives.
Les années de cohabitation et de gestion de la crise par la gauche plurielle (1997-2002) accroissent de façon continue le désarroi des équipes militantes et le recul de l’action revendicative collective. Appareils et militants vieillissent et se coupent des travailleurs. [3]
Le mouvement de 1995, limité pour l’essentiel au secteur public, a tenu autant à la volonté de riposte des travailleurs et travailleuses concerné-e-s qu’à celle d’organisations syndicales telle que FO, soucieuse de conserver la gestion de la Sécurité sociale, ou la CGT au travers des professions principalement visées par la réforme des retraites (EDF-GDF, RATP, SNCF), qui ont mis tout le poids de leurs appareils dans la bataille. Le résultat a été un demi-succès sur les retraites, mais des reculs maintenus sur la Sécurité sociale.
La mise en place de la réduction du temps de travail à la sauce Aubry a ensuite combiné la multiplication des négociations au long cours et des reculs décisifs en matière de flexibilité et de décompte du temps de travail effectif. Et encore accru la défiance des salarié-e-s vis-à-vis des organisations syndicales.
Institutionnalisation
Malgré des tentatives de rénovation par les directions syndicales ou des oppositions internes ou externes, tout concourt à une adaptation toujours plus profonde à la société capitaliste.
Les syndicats sont matériellement intégrés par des milliers de liens à la gestion de l’Etat et des entreprises. Si certaines activités militantes restent proches des salarié-e-s (délégués du personnel, CHSCT), d’autres (CE, CCE, comités de groupe, comités de groupe européen, conseils d’administration) contribuent à structurer la collaboration de classe.
La participation aux organismes étatiques ou paritaires pléthoriques offre des milliers de postes : prud’hommes, sécurité sociale, mutuelles, assurance chômage, fonds de pension, organismes paritaires de négociation des conventions collectives, entreprises publiques, organismes de formation, etc. 14 000 fonctionnaires sont mis à plein temps à disposition des différents syndicats. Chaque confédération compte environ 10 000 permanents dont la moitié ne sont pas payés par les organisations mais par les entreprises ou l’Etat.
Le tout constitue une source essentielle de revenus, les cotisations ne représentant qu’à peine un tiers des ressources des syndicats. Des centaines de millions d’euros sont versés par l’Etat au titre de missions d’intérêt général, dont la formation professionnelle. L’Etat n’est pas seul à mettre la main à la poche : AXA, Saint-Gobain, La Poste, France Télécom, Casino, Renault distribuent aussi de larges subventions.
Les gouvernements de droite n’ont infléchi ces orientations qu’à la marge, avec une réduction des droits syndicaux des institutions représentatives du personnel et la multiplication des avantages accordés au patronat. Mais la loi sur la représentativité de 2008 a même visé à conforter ce système.
Changement de paradigme ?
Les violentes attaques antisociales et antisyndicales ont été initiées dans le monde par Reagan et Thatcher, au tournant des années 1970/1980. En Italie, le Jobs Act de Renzi a profondément modifié au détriment des travailleurs les conditions d’embauche et de licenciement. En Allemagne, les lois Hartz ont fait passer le système social allemand d’un régime de prévoyance bismarckien qualifié de corporatiste, centré sur les statuts professionnels et la continuité du contrat salarié, à celui d’un Etat-providence libéral dont les prestations sociales visent l’intégration dans le marché du travail et la lutte contre la pauvreté.
Ce sont de telles mesures que contient le « projet Macron », dont l’objectif est de modifier de fond en comble l’architecture des relations du travail telle qu’elle s’est construite depuis plus d’un siècle. Si l’on a souvent craint dans le passé une telle remise en cause du droit du travail, la conjonction de la crise politique, de l’effondrement des partis de « gauche », de l’affaiblissement militant et des reculs idéologiques des principales organisations syndicales offrent une marge de manœuvre importante aux projets les plus réactionnaires. Ces projets se déclinent sous le drapeau de la « libération du travail », cher au patronat. Ce qui est à l’ordre du jour n’est même plus la flexisécurité mais la flexibilité, la mobilité, mettant les salarié-e-s entièrement à disposition de l’« entrepreneur ».
Le premier axe concerne la mise cause du contrat à durée indéterminée, en fixant les règles de recours au CDD au niveau de la branche, voire de l’entreprise (y compris par referendum à l’initiative du patron) et en étendant le contrat de projet, véritable CDD de longue durée, sans même ses contreparties. Le second vise à faciliter les licenciements en en rendant les règles négociables par accord d’entreprise, en réduisant le champ de responsabilité des entreprises liées à des groupes, et surtout en réduisant les possibilités de contestation ou de compensation pour les salarié-e-s.
Les ordonnances contiennent le projet de réduire considérablement la place et le rôle des IRP et même des représentant-e-s des syndicats. La généralisation de la possibilité de fondre les trois principales IRP (délégués du personnel, délégués syndicaux, élus CHSCT) en une seule, aux prérogatives et moyens obscurs, ôterait des moyens considérables aux organisations syndicales et affaiblirait leur capacité d’information, de contestation des décisions patronales.
Significative est leur réduction au seul comité d’entreprise – des CE déjà bien plombés par la gestion d’œuvres de moins en moins sociales et par des réunions, des négociations qui paralysent le plus souvent l’activité syndicale revendicative. Exit les délégués du personnel revendicatifs, les comités d’hygiène-sécurité-conditions de travail trop fouineurs.
Enfin, pour chapeauter le tout, le projet prévoit l’extension des prérogatives des accords d’entreprises, associée à la possibilité de contourner les organisations syndicales par le biais de referendum organisés y compris par l’« entrepreneur ».
Les réponses syndicales
Face à de tels enjeux, à ce véritable coup d’Etat antisocial, la surprise le dispute à la consternation devant l’attitude des directions syndicales. Pas de réel étonnement en ce qui concerne la CFDT, qui avait déjà largement soutenu la loi Travail, après avoir apporté son soutien aux différentes réformes des retraites. Du côté de FO, plus rien ne paraît poser vraiment problème alors que seule la place des branches dans la hiérarchie des normes semble devoir être confortée. Barémisation des indemnités prud’homales, inversion des normes, fusion des IRP, pour Mailly rien n’est figé, tout est négociable et « la concertation va dans le bon sens ». [4]
En ces temps de crise économique, politique, écologique, la bourgeoisie se propose de changer fondamentalement les rapports sociaux. Pour évoluer de façon significative vers une cogestion à l’allemande, il faut bien sûr un patronat suffisamment homogène pour présenter un front commun. Mais il faut surtout des organisations syndicales contraintes ou prêtes à se prêter à ce dialogue social à une seule voix, celle du patronat.
Depuis longtemps, la CFTC, la CGC et FO ne vivent que des rapports complaisants et complices avec le pouvoir politique et douteux avec le patronat, comme l’avait révélé l’affaire des échanges de bons procédés avec l’UIMM (Union des industries minières et métallurgiques). C’est ce genre de syndicalisme que cherche à renforcer les quelques contreparties présentes dans le projet d’ordonnances. Chèque syndical payé par les employeurs, renforcement de la place des syndicalistes spécialistes de la négociation, ouverture de davantage de places dans les conseils d’administrations, prises en compte de l’expérience syndicale dans les déroulements de carrière des élu-e-s, autant de gestes de bonne volonté en direction des syndicats complaisants. En ces temps de disette du côté des syndiqué-e-s et des cotisations, c’est parfois la survie de certains syndicats qui est en jeu. Certains évoquent également le chantage au retour à la surface du rapport Perruchot dénonçant des pratiques condamnables de syndicats patronaux et de salarié-e-s.
Pour la CGT, les choses sont plus complexes. Sa direction, qui s’était engagée avec difficulté dans la mobilisation contre la loi Travail, justifie sa politique par l’attentisme des salarié-e-s et l’impossibilité de construire une unité syndicale. Elle est tétanisée par l’échec, au printemps dernier, d’une tactique dont elle ne tire aucun bilan et qui s’inscrit dans la continuité des échecs des précédentes grandes mobilisations, notamment sur les retraites. Là aussi pèsent la baisse régulière du nombre des adhérent-e-s, la perte d’influence dans des secteurs eux-mêmes en « crise » (métallurgie, sidérurgie, etc.) et la politique de privatisation de larges portions du secteur nationalisé – une politique largement accompagnée par la CGT à EDF-GDF, Air France, La Poste, etc. [5] Autant de pertes de moyens, de positions d’influence qui créent des difficultés voir des crises internes.
La direction confédérale pensait s’en sortir par le maintien de liens, certes conflictuels, avec la CFDT, au travers notamment de l’accord sur la représentativité de 2008. Mais sur ce terrain la CFDT, largement favorisée par les employeurs, s’est avérée plus performante. Comme cela s’est produit en Italie avec la CGIL [6], le positionnement confédéral peut être source d’une crise profonde. L’équipe de Philippe Martinez a construit sa reconnaissance au sein de la confédération en opposition à la politique largement décriée de Thierry Lepaon, dans la suite de celle déjà contestée de Bernard Thibault (cf. l’épisode du Traité constitutionnel européen de 2005, auquel Thibault ne voulait pas s’opposer mais y a été contraint par son comité confédéral).
D’un côté, une adaptation qui suppose une bien conflictuelle restructuration interne (réduction du nombre de fédérations lié à la réduction du nombre de branches, constructions de directions régionales mieux contrôlables que des UL voire des UD). De l’autre, l’engagement sur la voie de la construction des mobilisations dont le succès est rendu aléatoire par la dégradation durable du rapport de forces en défaveur des salarié-e-s. La voie choisie par la direction confédérale pourrait engager de façon durable l’ensemble du mouvement syndical dans une domestication définitive.
Robert Pelletier