Derrière l’unanimité autour de la Journée de lutte contre le sida, le 1er décembre, certaines décisions gouvernementales sont, en réalité, contraires à l’intérêt des malades. Ainsi, en France, la prison reste toujours une zone de non-droit. Il est impossible pour les détenus malades d’être considérés comme des patients. Les traitements sont souvent mal prescrits, toujours difficiles à obtenir, et les moyens de prévention, comme les préservatifs et les seringues, absents. Le ministre de la Justice, Pascal Clément, a fait adopter une loi qui rend les conditions d’obtention des suspensions de peine pour raisons médicales tellement draconiennes, que seules quelques dizaines de dossiers ont pu aboutir cette année, certaines personnes étant décédées dans les jours suivant leur libération.
Hors des prisons, la situation n’est guère meilleure. Depuis 1998, les étrangers dont l’état de santé exige un traitement indisponible dans leurs pays d’origine sont inexpulsables et peuvent bénéficier d’une carte de séjour d’un an. On a appris que le ministère de l’Intérieur préparait une circulaire remettant cela en cause. Il suffirait que le traitement soit disponible, en théorie, dans le pays d’origine, quels qu’en soient son coût et sa disponibilité réelle.
Chirac a lancé une centrale d’achat de médicaments anti-sida pour les pays du Sud, dont le financement serait assuré par une taxe sur les billets d’avion. Cette initiative répond à un besoin criant, 77 % des Africains malades du sida n’ayant toujours pas accès aux trithérapies. Mais elle fait oublier que la France n’a jamais tenu ses engagements internationaux, sa contribution pour juguler la pandémie est six fois moindre que celle de la Grande-Bretagne. Par ailleurs, ce programme de coopération profitera largement aux multinationales détentrices des brevets sur les médicaments anti-sida, car il fera appel à leurs services plutôt que d’acheter des médicaments génériques qui permettraient de soigner plus de malades. La mobilisation aux côtés des associations de lutte contre le sida, lors de la manifestation du 30 novembre, comptait bien faire prendre à l’état la mesure de l’épidémie.