Affrontements entre la police et des manifestants anti-G20 à Hambourg
A la veille de la réunion, ces violences ont fait 76 blessés légers parmi les forces de l’ordre et au moins deux parmi les protestataires, selon le dernier bilan de la police.
La police a chargé le cortège de 12 000 personnes pour en faire partir plusieurs centaines d’extrémistes encagoulés et habillés de noir et des affrontements ont éclaté dans la foulée.
Depuis vingt-quatre heures, les mêmes formules tournaient en boucle sur les sites d’information allemands : « Hambourg retient son souffle », « le calme avant la tempête », « une ville en état de siège »… Jeudi 6 juillet, vers 20 heures, ce à quoi tout le monde s’attendait a fini par arriver, mais beaucoup plus tôt que prévu : une heure à peine après avoir commencé, la manifestation « Welcome to hell » (« Bienvenue en enfer »), organisée par les opposants au G20 à la veille de l’ouverture du sommet, a rapidement donné lieu à des affrontements violents avec la police, les tirs de canons à eau et de gaz lacrymogènes répondant aux jets de canettes de bière sur la place du marché aux poissons, au bord de l’Elbe.
Ces violences ont fait 76 blessés légers parmi les forces de l’ordre et au moins deux parmi les protestataires, selon un nouveau bilan donné dans la nuit de jeudi à vendredi par la police, qui a interpellé cinq personnes.
Conséquence, au bout de quelques minutes, le cortège s’est disloqué et de petits groupes de manifestants se sont engouffrés en courant dans les rues adjacentes, jouant au chat et à la souris avec la police et scandant « anti ! anti ! anticapitaliste » ou « Tout Hambourg hait la police ».
Depuis, la plus grande confusion règne dans le quartier de Saint-Pauli, assourdi par le bruit des sirènes et des pétards, survolé d’une poignée hélicoptères et hérissé de quelques barricades, le tout sous le regard mi-étonné mi-apeuré de rares touristes qui tentent de profiter des terrasses de ce quartier alternatif de Hambourg connu pour ses bars branchés et ses sex shops.
Très rapidement dispersée par les forces de l’ordre — 20 000 policiers ont été mobilisés pour ce sommet du G20 — la manifestation avait pourtant commencé pacifiquement, autour de 19 heures.
Des profils très différents
Parmi les participants, 10 000 selon les organisateurs, des profils extrêmement différents. En tête de cortège, des militants autonomes habillés en noir de la tête aux pieds, portant cagoules, casquettes et lunettes de soleil. Ailleurs, des drapeaux rouges, noirs ou arc-en-ciel disaient la variété de préférences militantes, certains manifestants se présentant spontanément comme « anarchistes », d’autres comme « antifascistes », « marxistes-léninistes » ou « anti-impérialistes ».
Tout comme les dizaines de pancartes reflétant toute la diversité des combats, des idéaux et des colères que peut susciter un sommet comme le G20 : « A mort le capitalisme », « La liberté meurt avec la sécurité », « La politique tue », « Amour, paix, justice ». Sans oublier quelques cibles nommément désignées, comme le président turc, Recep Tayipp Erdogan, conspué comme « dictateur » ; mais surtout le président américain, Donald Trump, représenté ici sous la forme d’une cuvette de WC, représenté ailleurs en cochon coiffé d’une houpette jaune citron avec ce slogan : « Qui est le plus gros porc ? »
Si un grand nombre de manifestants — pour la plupart âgés de moins de 30 ans — s’étaient rassemblés selon leur appartenance à différents groupes d’extrême gauche, beaucoup étaient aussi venus d’eux-mêmes, seuls ou avec quelques amis, de Hambourg ou d’ailleurs en Allemagne.
A l’instar de Marcus, 25 ans. « Je tenais à venir car j’estime que le G20 est une tragédie autant qu’une farce. Une tragédie, car à cause de tous ces dirigeants le monde sombre dans l’impérialisme néocolonial de la pire espèce. Une farce, car leur petit théâtre où ils affichent leurs bonnes intentions pour l’avenir de la planète est d’une hypocrisie totale », explique cet étudiant en philosophie à Francfort.
Militant d’aucun parti politique, le jeune homme, qui se définit comme « anticapitaliste et anti-impérialiste », ne surestime pas l’importance de ce genre de manifestation. « Etre contre le G20, en soi ça n’est pas très constructif, mais c’est quand même important d’être là pour montrer que tout le monde ne pense pas d’une seule voix ». Et la violence ? « Je suis contre la violence, mais il ne faut pas renverser les choses : si la police nous provoque tout à l’heure pour nous interdire de manifester, alors il faudra recourir à la violence, mais j’estime que ce sera plutôt de la résistance que de la violence. »
Alors que la nuit tombait, jeudi, un peu avant 22 heures, plusieurs policiers postés sur Reeperbahn, l’une des principales artères du quartier de Saint Pauli, où de petits groupes continuaient à défiler, reconnaissaient que la situation n’était pas encore maîtrisée.
A l’origine, la manifestation prévue jeudi après-midi — la première grande manifestation anti-G20 avant celles de demain et de samedi — devait avoir pour point d’arrivée les abords de la Hamburg Messe, où doit s’ouvrir le sommet vendredi matin. Mais après sa dispersion précipitée, la police redoutait des actions violentes dues à des black blocs anarchistes plus tard dans la soirée et dans la nuit.
Thomas Wieder (Hambourg, envoyé spécial)
* LE MONDE | 06.07.2017 à 20h45 • Mis à jour le 07.07.2017 à 17h35 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/07/06/allemagne-la-police-met-fin-a-la-manifestation-anti-g20-a-hambourg-apres-des-affrontements_5156968_3214.html
Hambourg en proie à une deuxième journée de violences en marge du G20
Le sommet est un échec pour les autorités allemandes, qui se sont montrées incapables de maintenir l’ordre public dans la deuxième ville du pays.
La police elle-même, qui jusqu’alors multipliait les messages rassurants, a fini par l’admettre : « La situation est très grave », a-t-elle tweeté, vendredi 7 juillet, un peu après 22 heures. Au terme du premier jour du G20, Hambourg a été plongée dans le chaos le plus total. Pas toute la ville, en réalité, mais un quartier précis, le Schanzenviertel, voisin du centre des congrès qui abrite le sommet. A la nuit tombante, plus d’un millier d’opposants au G20 ont pris le contrôle de ces quelques rues où se trouve notamment l’ancien théâtre Rota Flora, devenu le quartier général des autonomes.
Des barricades ont été dressées, des voitures brûlées, des vitrines brisées, des boutiques pillées, des cocktails Molotov tirés, et ce n’est qu’au bout de quatre heures et après l’envoi d’un groupe d’intervention spécialisé (Sondereinsatzkommando) que les forces de l’ordre ont pu reprendre le contrôle de la zone.
Depuis jeudi soir, les mêmes images tournent sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux : celles de petits groupes de manifestants surchauffés, jouant au chat et à la souris avec des policiers qui tentent en vain de les maîtriser à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes.
En vingt-quatre heures, le bilan s’est alourdi : vendredi matin, il était question de 76 policiers blessés ; ils étaient 200 samedi. Dans le même temps, des dizaines de manifestants ont été hospitalisés, et plus de 70 ont été arrêtés.
Plus d’une trentaine de rassemblements ont eu lieu, vendredi, à différents endroits de la ville. En début de soirée, une importante manifestation était prévue sur la Reeperbahn, une large avenue touristique bordée de sex-shops, de salles de jeu et de bars située à quelques encablures de la nouvelle Elbphilharmonie, vitrine culturelle de Hambourg, où les chefs d’Etat et de gouvernement et leurs conjoints assistaient à un concert. Un concert qu’ont tenté de perturber, en amont, des militants de différentes organisations, dont Greenpeace.
Embarrassant pour les autorités
A ces images s’en sont ajoutées d’autres, moins violentes mais fortes symboliquement : celle de convois officiels retardés, ce matin, à cause de rues bloquées par les protestataires ; celles, aussi, de plusieurs rencontres parallèles au sommet du G20, organisées à différents endroits de la ville et auxquelles certaines personnalités invitées n’ont pu se rendre, au dernier moment, pour des raisons de sécurité, à l’instar du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, ou de l’épouse du président américain, Melania Trump.
Ces affrontements sont d’autant plus embarrassants pour les autorités que celles-ci, en amont du sommet, avaient abondamment communiqué sur les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité du G20, en annonçant notamment que 20 000 policiers venus d’Allemagne et même d’Autriche seraient déployés dans la ville.
Mardi, trois jours avant le début du sommet, la police avait également annoncé avoir saisi des battes de baseball, des lance-pierres, des masques à gaz, des couteaux et des matraques appartenant à des groupes d’extrême gauche de Hambourg et de la région.
De leur côté, la chancelière Angela Merkel et son ministre de l’intérieur, Thomas de Maizière, avaient assuré qu’aucune manifestation violente ne serait tolérée. « Je comprends parfaitement qu’il y ait des manifestations pacifiques. Mais des manifestations violentes mettent en danger des vies humaines, elles mettent les gens en danger, mais aussi les forces de police et de sécurité, ainsi que les habitants, et c’est inacceptable », a une nouvelle fois déclaré Mme Merkel, vendredi en fin d’après-midi.
Thomas Wieder (Hambourg, envoyé spécial)
* LE MONDE | 07.07.2017 à 10h54 • Mis à jour le 08.07.2017 à 09h58 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/07/07/allemagne-nouveaux-heurts-en-marge-du-g20-a-hambourg_5157199_3214.html#WPWxz8Q6WZgVTh6H.99
G20 : des milliers de manifestants à nouveau dans les rues de Hambourg
Après les heurts survenus jeudi et vendredi, la police craint que des casseurs et militants violents ne se glissent à nouveau dans le cortège.
Des milliers de manifestants — 20 000 selon la police allemande — sont de nouveau mobilisés samedi 8 juillet dans les rues de Hambourg contre le sommet du G20, laissant craindre des heurts avec les forces de l’ordre, comme ce fut le cas jeudi et vendredi.
Le rassemblement, organisé à l’appel d’organisations altermondialistes et de la gauche radicale, doit rejoindre le quartier Sankt Pauli, théâtre de violences ces derniers jours. Des pancartes brandies dans le cortège — « Les pierres non », « Notre arme c’est la sagesse » — appellent cependant les participants au calme. Mais la police n’exclut pas que des casseurs et militants violents se glissent à nouveau dans le cortège.
« Solidarité sans frontières au lieu du G20 »
La manifestation, dont le mot d’ordre est « solidarité sans frontières au lieu du G20 », vise à « dénoncer les noyades de migrants en Méditerranée, les immenses dépenses d’armement et pour la guerre, les inégalités sociales et les mensonges sur le changement climatique », selon le site des organisateurs.
Le quartier voisin du centre des congrès qui abrite le sommet a été particulièrement touché par la violence depuis jeudi soir : des barricades y ont été dressées, des voitures brûlées, des vitrines brisées, des boutiques pillées, des cocktails Molotov lancés.
Les mêmes images tournent sur les chaînes de télévision et les réseaux sociaux : celles de petits groupes de manifestants surchauffés, jouant au chat et à la souris avec des policiers qui tentent en vain de les maîtriser à coups de canon à eau et de gaz lacrymogènes. Selon les forces de l’ordre, près de 200 policiers ont été légèrement blessés.
* LE MONDE | 08.07.2017 à 15h15 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/07/08/g20-des-milliers-de-manifestants-a-nouveau-dans-les-rues-de-hambourg_5157915_3214.html
G20 : polémique sur la sécurité après les violences à Hambourg
La CDU met en cause le maire SPD, mais le choix de la ville, par Angela Merkel, pour accueillir le sommet est également vivement critiqué.
Comment de tels débordements ont-ils été possibles ? Et qui en sont les responsables ? Ces deux questions dominent l’actualité allemande après le G20 organisé vendredi 7 et samedi 8 juillet à Hambourg. Un sommet qualifié par toute la presse d’« échec », de « fiasco » et de « désastre » en raison des scènes de violence qui ont plongé certains quartiers de la ville dans un chaos total entre jeudi soir et dimanche matin.
Pour le gouvernement, la réponse est claire : les seuls coupables de ces violences – qui avaient déjà conduit, dimanche, à l’interpellation d’environ 150 personnes – sont les manifestants d’extrême gauche. « La terreur semée par l’extrême gauche à Hambourg est répugnante et aussi grave que celle semée par l’extrême droite et les islamistes. Merci à Hambourg. Merci à la police », a ainsi tweeté, samedi, le ministre de la chancellerie Peter Altmaier, bras droit d’Angela Merkel.
Il n’est pas sûr que cette explication suffise. Durant tout le week-end, les critiques se sont multipliées à l’égard d’Olaf Scholz, le maire social-démocrate (SPD) de Hambourg. Avant le sommet, celui-ci s’était voulu rassurant : « soyez tranquilles : nous pourrons garantir la sécurité », avait-il déclaré à ses administrés. Dimanche soir, sur le plateau de la chaîne ARD, M. Scholz a été pris à partie par un responsable de la police de Hambourg : « le fait est que la protection des participants au sommet était la priorité numéro un et que la protection des habitants de la ville n’est venue qu’en second », a-t-il lancé. « Ce n’est pas comme ça que je vois les choses », a répliqué le maire.
Des failles aussi imputables à l’Etat fédéral
Officiellement, Angela Merkel soutient Olaf Scholz. Samedi, après le sommet, les deux dirigeants ont affiché leur unité en posant côte à côte, entourés de policiers, devant les photographes. Localement, les amis de la chancelière jouent toutefois un autre jeu, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de Hambourg ayant réclamé la démission du maire. Ce que celui-ci a fermement exclu dimanche.
Si l’affaire intéresse autant la presse, c’est que l’avenir de M. Scholz ne concerne pas que les Hambourgeois. Ministre du travail d’Angela Merkel de 2007 à 2009, puis maire de la deuxième ville la plus peuplée d’Allemagne depuis 2011, Olaf Scholz ne cache pas ses ambitions nationales. En cas de défaite de Martin Schulz aux élections législatives du 24 septembre, il est considéré comme un des rares dirigeants du SPD à pouvoir assurer la relève à la tête du parti.
Si elle a tout intérêt à affaiblir M. Scholz, la CDU doit cependant veiller à ne pas en faire trop, au risque de fragiliser la chancelière. A gauche et parmi les éditorialistes, certains estiment en effet qu’elle a sa part de responsabilité dans ce qui s’est passé, à la fois parce que les failles en matière de sécurité sont autant imputables à l’Etat fédéral qu’aux autorités locales, mais aussi parce que c’est elle qui a souhaité que le G20 se tienne dans sa ville natale, malgré ceux qui pensaient que ce choix était risqué en raison de la présence d’une extrême gauche très active à Hambourg. Des critiques que la chancelière a, jusque-là, balayées d’un revers de main.
Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
* LE MONDE | 10.07.2017 à 10h48 • Mis à jour le 10.07.2017 à 14h07 :
http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/07/10/g20-polemique-sur-la-securite-apres-les-violences-a-hambourg_5158403_3214.html#I1OouOsTceV912mu.99