ISLAMABAD
CORRESPONDANTE EN ASIE DU SUD
Après l’Assemblée nationale, le Sénat pakistanais a voté, jeudi 23 novembre, une nouvelle loi de protection des femmes qui assouplit quelque peu les « ordonnances Hudood » sur le viol et l’adultère, adoptées en 1979, sous la dictature militaire du général Zia ul-Haq, dans le cadre de l’islamisation du Pakistan.
Comme à l’Assemblée, la coalition des partis religieux regroupée dans le MMA (Muttahida Majlis-e-Amal) s’est abstenue. L’un de ses chefs au Sénat, Khurshid Ahmed, a condamné cette loi, affirmant qu’il s’agissait « d’une tentative de promouvoir le sécularisme et une culture étrangère au Pakistan ».
Alors que la nouvelle loi était lue à la tribune, les sénateurs du MMA se sont levés pour chanter : « Qui est un ami de l’Amérique est un traître ! » Sous les « ordonnances Hudood », pour voir un viol reconnu, la femme devait produire, devant une cour islamique, les témoignages de quatre hommes, « bons musulmans », faute de quoi elle se retrouvait souvent accusée d’adultère, un crime puni alors de la peine de mort.
La nouvelle loi supprime la nécessité des quatre témoins et prévoit que le juge décidera si un procès pour viol aura lieu devant un tribunal civil ou une cour islamique. L’adultère, décrit comme un acte « lubrique », demeure un crime mais n’est plus puni de la peine de mort. Il est désormais passible de cinq ans de prison et d’une amende de 10 000 roupies (140 euros). De plus, une fausse accusation d’adultère contre une femme sera punie de dix ans de prison.
La commission nationale sur le statut de la femme avait réclamé, dès 2003, l’abrogation pure et simple des « ordonnances Hudood ». Tout en considérant qu’il s’agit d’« un pas en avant », les militants des droits de l’homme maintiennent cette revendication.
Le gouvernement avait essayé à plusieurs reprises, cette année, d’introduire des amendements aux « ordonnances Hudood », avant de reculer à chaque fois devant l’opposition des religieux. Les amendements votés représentent un compromis voulu aussi par le président du parti gouvernemental, la Ligue musulmane (Q), Chaudhry Shujaat Hussain, qui a menacé de démissionner si cette nouvelle loi était contraire au Coran et à la Sunna (actes et dits du Prophète).
De son côté, le MMA a annoncé que ses députés démissionneraient de l’Assemblée le 7 décembre.