Les déclarations du président de la république lors de sa dernière visite à Bruxelles ont suscité une vague d’indignation dans les différents milieux démocratiques et populaires.
Interrogé sur le retour des tunisiens impliqués dans les opérations terroristes, particulièrement en Syrie, Irak et Libye, le président a répondu que la constitution ne permettait pas l’interdiction de leur retour, précisant qu’ils seront mis sous surveillance, mais qu’ils ne seront ni jugés ni emprisonnés, prétextant que l’état ne disposait pas de suffisamment de prisons.
Ce n’est pas la première fois que cette question est posée, et ce n’est pas non plus la première fois que les déclarations des responsables provoquent la colère.
– Le président d’En-nahdha avait évoqué il y a un peu plus d’un an, « la repentance » des personnes revenues des zones de conflits.
– L’ancien ministre des affaires étrangères Tayeb El Baccouche, avait laissé entendre que la coalition d’Ennahdha et Nidaa, cherchait un compromis pour le retour des milliers de jeunes envoyés dans ces zones.
A l’époque la polémique n’avait pas duré, car la question de leur retour ne se posait pas autant qu’aujourd’hui, ce qui explique l’ampleur des récentes réactions suite aux dernières déclarations d’Essebssi.
Et quand la présidence de la république a, dans un deuxième temps, précisé qu’ils seront soumis à la loi sur le terrorisme, cela n’a pas suffi à convaincre l’opinion publique, ce qui est compréhensible !
Il ne s’agit pas d’une erreur d’appréciation ou d’incompréhension des propos du président de la république, il est probablement question d’une manœuvre qui se met en place au pays et depuis l’étranger pour la réintégration des groupes terroristes selon le principe de la « repentance », au détriment de la souveraineté du pays, de ses intérêts, de sa sécurité peut être aussi de celle de la région.
Pour mieux comprendre la situation, il faut remonter aux circonstances dans lesquelles ces jeunes devenus tueurs et terroristes ont été envoyés.
Il est vrai que certains tunisiens étaient impliqués dans des actes terroristes au pays et à l’étranger depuis le temps de Ben Ali, mais leur nombre n’était pas aussi important. Ils partaient en secret, ou alors rejoignaient les zones de tensions depuis leur pays de résidence à l’étranger.
Après la révolution, précisément sous le gouvernement de la Troïka, la configuration a changé. Ces voyages sont devenus quasi-officiels, les autorités étaient au courant, y incitaient, sans compter les appels au djihad en Syrie lancés depuis les mosquées, voire même depuis l’enceinte de l’assemblée constituante.
Certaines associations organisatrices de ces voyages, travaillaient au vu et au su de tous. Moncef Marzouki, président de la république par intérim de l’époque, ne s’était pas gêné pour organiser un congrès « des amis de la Syrie » sous la houlette du Qatar, de l’Arabie Saoudite et de la Turquie pour comploter contre le peuple syrien. Cette conférence internationale a encouragé des milliers de jeunes à partir, ils étaient accueillis par des instances officielles, qui les acheminaient par la suite en Irak ou en Syrie.
Le plan prévu était clair : recomposer la région sur des bases ethniques et religieuses et ruiner les aspirations des peuples à la libération. Il fallait les maintenir sous domination, pour perpétuer les régimes autoritaires arobo-islamiques réactionnaires et garantir la sécurité de l’entité sioniste.
Dans la région, ce sont le Qatar, L’Arabie Saoudite et la Turquie qui soutenaient ce plan, en assurant le financement, les entraînements et les armes.
Les pays occidentaux dont les états unis, planifiaient, fournissaient les armes et permettaient une couverture politique internationale.
Les événements n’ont pas tourné au profit de l’axe du Qatar - Arabie Saoudite - Turquie et leurs maîtres, le régime syrien a repris les rênes avec le soutien de la Russie et de l’Iran, les militaires ont pris le pouvoir en Égypte après l’éviction des islamistes, et le chaos s’est installé en Lybie et en Irak entraînant ses conséquences dans des pays de la région comme la Turquie et dans certains pays occidentaux (actes terroristes, réfugiés…).
Sur un autre plan, des changements politiques profonds sont en train de se produire, avec la montée des droites conservatrices souverainistes, animées par d’autres priorités.
Une situation nouvelle, où les besoins en groupes terroristes - venus mettre en place le plan décrit ci-dessus - ne sont plus les mêmes. D’où l’amorce des réflexions récentes sur leur retour.
C’est dans ce cadre qu’il faut placer la question du retour des tunisiens armés de Syrie, Irak et Libye. Il n’est pas de l’intérêt d’Ennahdha et de ses alliés de la Troïka (en particulier les amis de Marzouki) que ce retour se fasse selon la loi. Ils savent que les instructions mèneront certains à reconnaître que En-nahdha est derrière leur départ. Ils dévoileront les organisations qui les ont reçus, entraînés et infiltrés en Syrie… c’est pourquoi Ennahdha tente de contenir ce dossier épineux par « le système de repentance ».
La dimension régionale et internationale explique quant à elle la position d’Essebsi. Il n’est pas exclu que les pays financeurs du terrorisme, exercent des pressions sur les dirigeants tunisiens pour accueillir ces fuyards, en échange de soutien financier dans cette période de crise profonde en Tunisie. Ces pays ont peut-être de nouveaux plans dans l’avenir, comme introduire le chaos dans les pays du Maghreb, pour les assujettir. Dans ce cas notre pays sera le premier à être impacté, mais l’Algérie aussi peut constituer une des principales cibles de ce projet colonialiste réactionnaire.
Face à la gravité de la situation, les forces démocratiques et progressistes doivent faire preuve de vigilance. Elles doivent dénoncer les visées de la coalition de droite dirigeante.
Il ne s’agit pas de « personnes repenties » de retour de zones de conflits, mais bien de groupes vaincus, contraints à la fuite. Il ne s’agit pas non plus de personnes embrigadée à leur insu et adoptant une lecture religieuse extrémiste, mais bien de terroristes armés ayant commis des crimes horribles (assassinats, viol, pillage, destruction de l’unité des peuples, destruction de sites historiques et culturels…). La gestion de ces groupes doit se faire sur des bases claires selon la loi de lutte contre le terrorisme.
C’est une occasion pour montrer à l’opinion publique toute la vérité sur cette période de l’histoire de la Tunisie gouvernée par la Troïka, une période où le terrorisme s’est installé coûtant dizaines de vie, dont les martyrs du Front populaire Chokri et Brahmi.
L’envoi de milliers de jeunes dans les zones de conflits, a eu pour conséquences de classer notre pays comme le plus grand exportateur de terroristes, ceux-là que les forces colonialistes réactionnaires utilisent pour parvenir à leurs fins au détriment de la liberté, de la sécurité et de la prospérité des peuples.
Nous devons garder en mémoire l’exemple de l’Algérie qui a pâti du retour des djihadistes d’Afghanistan, au début des années 90.