Lorsque les horaires sont irréguliers, que la charge professionnelle est importante, que l’activité est faite principalement de gestes répétitifs, ou que les travailleurs·euses sont exposés à des substances dangereuses, le travail peut être source de maladies parfois très graves. Les maladies professionnelles les plus fréquemment observées sont les troubles musculo-squelettiques, les maladies cardio-vasculaires, et les atteintes psychologiques. Certains cancers peuvent également être causés par le milieu professionnel. Diverses enquêtes rapportent que les femmes sont spécifiquement touchées par une augmentation de la prévalences de ces maladies professionnelles.
Maladies professionnelles : spécificités chez les femmes
Par exemple, selon une étude de l’Institut de recherche sur le Travail et la Santé du Canada datant de 2012, le stress et le manque d’autonomie au travail, en lien avec les professions peu qualifiées ou en bas de l’échelon hiérarchique, seraient des facteurs favorisant le diabète chez les femmes. Un travail de recherche mené en France et publié dans l’International Journal of Cancer en 2012, rapporte que pour les femmes le travail de nuit est à risque cancérigène. En effet, il provoque une perturbation du rythme circadien (veille-sommeil), créant des déséquilibres hormonaux qui seraient la cause d’une augmentation de 30% des risques de cancer du sein.
L’Office fédéral de la statistique indique dans un rapport sur la santé et le travail que les risques d’atteinte à la santé physique sont plus fréquents dans des métiers tels que l’agriculture ou la construction. Mais ils sont également fréquents dans le secteur des services, comme la restauration, les transports, le commerce, ainsi que la santé et le social.
Ainsi, les professions de soins à la personne et du social, dans lesquelles travaillent majoritairement des femmes, sont aussi particulièrement exposées aux dangers professionnels. Alors que pour les risques physiques, les hommes semblent statistiquement plus atteints, les femmes déclarent être plus touchées par les risques psycho-sociaux, comme une forte pression temporelle, des violences ou menaces, un harcèlement moral ou mobbing, et en bien plus grande mesure une forte charge émotionnelle.
Crises et austérité : les femmes doublement pénalisées
Les mutations du marché du travail, en lien avec les politiques néolibérales, et les crises économiques sont les causes de la précarisation parfois violente ou parfois plus pernicieuse des travailleuses. Comme le disait Christine Poupin dans un précédent numéro de ce journal [1], les femmes en ressortent doublement pénalisées. Premièrement, les emplois majoritairement occupés par les femmes sont touchés de plein fouet par les politiques d’austérité. En effet, les mesures visant à une réduction des dépenses sociales et à des coupes budgétaires dans les services publics touchent aux secteurs de la santé et du social, et donc attaquent principalement les travailleuses. Et deuxièmement, les prestations qui ne sont plus prises en charge par l’Etat se reportent de la sphère publique vers la sphère privée. Les femmes devront assumer au sein de leur ménage ce que ne prendra plus en charge la société.
Effectivement, après une journée de travail, les femmes doivent encore bien trop souvent assurer le travail domestique. Pour rappel, en Suisse en 2014, le travail domestique est effectué par les femmes dans 67% des couples, et cette proportion grimpe jusqu’à 77,6% pour les couples avec enfants. C’est une contrainte supplémentaire qui pèse sur leur santé. De plus, la pénibilité du travail domestique, qu’il soit rémunéré ou non rémunéré, est souvent invisible, mise de côté.
La lutte anti-austérité : une lutte féministe
L’austérité a pour effet d’accroître les inégalités sociales et de santé dans toute la société. Dans Le Monde Diplomatique d’octobre 2014, Sanjay Basu et David Stuckler avancent que l’adoption de politiques d’austérité pour faire face à la récession est un véritable danger pour la santé publique. Mais ils évoquent à peine la dimension de genre. Or, il y a un creusement des inégalités spécifique entre les hommes et les femmes.
Nous assistons à une féminisation de la pauvrete : les femmes sont plus touchées par la précarisation du marché du travail, par le chômage, par le temps partiel subi, et par conséquent par une péjoration de leur santé. Ainsi, les luttes contre les mesures d’austérité se doivent d’intégrer les spécificités des problèmes auxquels les femmes sont confrontées.
Nos batailles, en Suisse et en solidarité avec toutes et tous les travailleurs·euses d’Europe et du monde, doivent intégrer les enjeux de santé pour les femmes. L’égalité des droits entre les genres, et l’accès à la santé pour toutes et tous les travailleurs·euses doit être au cœur de nos luttes contre l’austérité.
Julien Nagel