Cent jours ont passé depuis le vote de confiance pour le gouvernement dit « d’unité nationale ». La propagande qui accompagnait sa mise en place prétendait qu’il avait vocation à pallier aux carences et dysfonctionnements des gouvernements précédents, qu’il allait favoriser le développement économique pour réduire les problèmes sociaux des classes populaires, et améliorer la sécurité du pays.
Le Front populaire avait alerté sur la nature de ces allégations, des promesses qui répondaient juste aux caprices du palais de Carthage et aux préoccupations de la nouvelle famille régnante.
Après 100 jours de gouvernement, une durée qui constitue une référence non pas pour évaluer les résultats d’un gouvernement mais pour juger de son sérieux, en fonction des objectifs annoncés et pour lesquels il a été élu, et ce à travers les dispositions prises pour mettre en exécution son plan.
Aujourd’hui nous pouvons nous demander quel est le bilan de ce gouvernement ? et à quel point peut-on lui faire confiance pour sortir le pays de la crise.
Cependant, nous ne pouvons aucunement évaluer la situation sur la base du « pacte de Carthage », présenté à l’époque comme une référence et un programme gouvernemental. Alors qu’il n’était en réalité qu’une déclaration générale consensuelle. Il convoitait la satisfaction des différentes parties réunies autour de l’initiative Essebssi, pour faire passer l’idée « d’union nationale », congédier Essid et investir « l’enfant de la famille ».
Pour juger réellement le gouvernement Echahed, il faut évaluer sa capacité à :
Sortir l’économie de sa stagnation et de sa crise profonde.
Trouver des solutions aux fléaux sociaux dont souffre la population : le chômage, la pauvreté, la dégradation des services de santé, du logement, de transport, de l’éducation…
Améliorer la sécurité et progresser dans la lutte contre le terrorisme.
Prendre des mesures sérieuses contre la corruption, la contrebande, l’évasion fiscale et l’économie parallèle.
Renforcer les acquis et protéger les libertés, mettre fin au flou politique régnant et améliorer l’image du pays à l’étranger.
Améliorer les prestations de l’administration, des médias, des forces de sécurité et de toutes les institutions de l’état.
C’est à travers ces critères, avec d’autres, que l’on peut juger le bilan du gouvernement pendant la période précédente. Ce n’est point exagéré de considérer que son bilan est médiocre voire négatif.
– Sur le plan économique, les indicateurs généraux n’ont connu aucune amélioration. Bien au contraire le taux de croissance prévu à 2,5 % ne dépassera guère 1,5 %.
Le déficit budgétaire sera au dessus de 5 % alors que les prévisions le donnait à 3 %. Le déficit de la balance des paiements va encore augmenter, tout comme l’inflation, les réserves de devise baissent, ainsi que l’épargne et l’investissement alors que le taux d’endettement augmente et atteint 63,9 %…
– Sur le plan social, le chômage, la pauvreté, l’analphabétisme et la rupture scolaire s’intensifient. Le pouvoir d’achat baisse, le service public, santé, éducation, transport, s’est dégradé plus que l’année précédente.
– Une situation qui a comme conséquence une tension sociale grandissante, ainsi que la propagation de fléaux sociaux comme le crime, l’immigration, l’alcoolisme et la drogue y compris dans les milieux scolaires.
– Sur le plan de la sécurité, le terrorisme est devenu la préoccupation des tunisiennes et des tunisiens, notamment depuis les opérations terroristes de Sbiba, Nabeul, Zormdine…
– En parallèle, la pratique de la torture est de retour, mais également la criminalisation des mouvements sociaux, les atteintes aux libertés et les procès montés de toutes pièces.
Supposons que le gouvernement n’a pas eu assez de temps pour réaliser certaines avancées, il n’en demeure pas moins que l’ensemble de ce qu’il a entrepris, en particulier la loi de finances 2017, ne peut que conforter le jugement que nous avons porté sur son travail lors de la période précédente.
– Cette loi de finances, proposée au vote des parlementaires, engage ouvertement le pays vers plus d’endettement.
– Elle protège les grosses fortunes, facilite l’évasion fiscale et ignore la lutte contre la corruption et l’économie parallèle. En contrepartie, les classes modestes vont pâtir du gel des salaires et de la hausse des prix (élargissement de la TVA), ainsi que des différentes mesures fiscales, sans compter le gel des recrutements dans la fonction publique.
En réalité les différentes classes sociales et professionnelles n’ont pas attendu longtemps pour exprimer leur avis sur ce gouvernement.
– Les salariés, les avocats, les médecins, les patrons, les chômeurs, les élèves, les enseignants, les intellectuels, ont tous exprimé leur colère et leur désaccord.
– Les habitants de plusieurs régions ont aussi fait part de leur refus des orientations de ce gouvernement : Fernana, Makther, Kerkena, le bassin minier, Gabès…
– Il n’est pas exclu que les dispositions anti sociales et anti populaires, provoquent une explosion sociale dans les prochaines semaines.
Nombreux sont les indicateurs, qui présagent que l’hiver 2017 sera encore plus chaud que les précédents, probablement à des degrés beaucoup plus élevés.