De l’Afghanistan à la Syrie, en passant par le Yémen et les territoires occupés palestiniens, les attaques contre les installations médicales et leur personnel sont devenues quasi systématiques ces dernières années, de la part des forces armées des Etats impérialistes et de leurs relais régionaux.
Le droit international humanitaire protège bien officiellement les infrastructures médicales et les écoles, mais ces dispositions, comme bien d’autres d’ailleurs, sont constamment foulées au pied. En mai 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté une résolution réaffirmant l’obligation de protéger les hôpitaux et le personnel médical dans les zones en guerre, mais qui reste bien sûr lettre morte.
Présente lors de l’adoption de la résolution, Joanne Liu, présidente internationale de MSF, avait en effet dénoncé le fait que « quatre des cinq membres permanents de ce Conseil ont, à des degrés divers, participé à des coalitions responsables d’attaques contre les structures de santé au cours de cette dernière année : celle dirigée par l’OTAN en Afghanistan, celle menée par l’Arabie saoudite au Yémen, ou celle menée par les autorités syriennes avec le soutien de la Russie ». Pour MSF, ces attaques systématiques contre les civils constituent une stratégie délibérée des Etats engagés dans la soi-disant « lutte contre le terrorisme ». L’hypocrisie est totale à tous les niveaux.
Commençons par le bombardement des forces aériennes étasuniennes sur l’hôpital de MSF à Kunduz, en Afghanistan, en octobre 2015, alors même que l’ONG avait fourni ses coordonnées aux belligérants. Résultat : 42 mort·e·s, dont 24 patient·e·s, 14 membres du personnel de MSF et quatre accompagnateurs, sans parler des milliers de personnes privées de soins médicaux d’urgence. Une enquête interne des Etats-Unis a conclu à une série d’erreurs qui ont débouché sur le ciblage de l’hôpital, excluant ainsi une attaque délibérée qui constitue un crime de guerre.
Plus récemment, le 8 octobre 2016, la coalition emmenée par l’Arabie Saoudite et soutenue par les Etats-Unis a causé la mort de plus de 140 personnes en bombardant des funérailles dans la ville de Sanaa, au Yémen. Riad a déclaré, après une semaine, que ces frappes étaient le résultat d’une « information erronée ». Depuis, le début, en mars 2015, cette intervention a fait au moins 6000 mort·e·s ; deux hôpitaux de MSF ont été visés par des bombes saoudiennes à Taïz, en décembre 2015, et à Abs, en août 2016. Après cette dernière attaque, MSF a suspendu ses activités dans six hôpitaux du nord du Yémen, relevant que les Saoudiens ne pouvaient fournir aucune garantie contre le ciblage des hôpitaux de l’ONG, alors que MSF a systématiquement communiqué les coordonnées GPS des installations sanitaires où ses équipes travaillent.
En Syrie, les forces aériennes du régime Assad, puis celles de la Russie se sont également spécialisées, depuis le début du soulèvement populaire, en mars 2011, dans la destruction des installations médicales. Ainsi, de mars 2011 à juin 2016, 382 attaques ont frappé des infrastructures sanitaires, dont 90% du fait de Damas et de Moscou. Elles ont tué plus de 700 membres du personnel soignant, sans oublier les multiples frappes sur des éléments de la défense civile, connus sous le nom de « casques blancs », des boulangeries, etc. Depuis 3 ans, le bombardement systématique d’Alep Est par le régime Assad – tenue par l’opposition syrienne non djihadiste – appuyé dès octobre 2015 par les forces aériennes russes, est symptomatique de la barbarie déployée pour mettre fin à toute résistance populaire dans le pays. La population des quartiers libérés de la ville d’Alep est ainsi passée d’un effectif de quelque 1,3 million d’habitant·e·s, au début l’été 2013, avec une société civile riche d’organisations populaires, à 250 000 aujourd’hui, qui manquent absolument de tout.
La barbarie des Etats impérialistes et de leurs suppôts régionaux doit être condamnée de la même manière que celle des groupes terroristes comme l’Etat islamique, bien qu’en termes absolus, le terrorisme d’Etat cause beaucoup plus de mort·e·s et de blessé·e·s. De plus, les bombardements indiscriminés alimentent la propagande des groupes djihadistes les plus réactionnaires. Il est aussi important de dénoncer l’indignation sélective de certains courants politiques de gauche, qui opposent aux « mauvaises bombes » des Etats-Unis les « bonnes bombes » de la Russie.
Notre boussole politique ne doit pas être aimantée en continu par les capitales des grandes puissances internationales comme Washington ou Moscou, mais par le courage, l’indignation et la résistance des peuples en lutte. Comme le disait Che Guevara : « Si tu trembles d’indignation à chaque injustice, alors tu es l’un de mes camarades ».
Ilir Ahmeti et Joe Daher