Les élections législatives du 7 octobre 2016 ont confirmé :
– que le mécanisme politique du régime (ses pseudo conseils « représentatifs » et ses différentes institutions, ...) semble bien efficace dans son rôle de maquiller le despotisme, et concrétiser l’alliance de la monarchie avec des forces politiques représentant les classes dominantes ;
– que l’expérience acquise du régime en matière d’intervention dans l’arène politique a donné son efficience, que ce soit à travers ses anciens instruments (Union constitutionnelle (UC), Rassemblement national des indépendants (RNI), Mouvement populaire (MP)...) ou nouveaux (le PAM, Parti authenticité et modernité) qui ont raflé, réunis, 48% des sièges du Parlement. Alors que les partis descendant du mouvement national bourgeois ont récolté environ 20% des sièges, et le parti de Benkirane environ 32%.
Les partis du mouvement national (qui ont constitué l’opposition historique, dont sa dernière configuration était la « Koutla » (Alliance démocratique) au début des années 1990), ont capitulé et dégénéré. Leurs lignes de démarcation des autres partis créés par le régime ne cessent de disparaitre, ce qui donne au régime une majorité de 68%. De son côté, le Parti de la justice et du développement (PJD) a démontré son attachement aux constantes du régime, et sa prédisposition à se résigner et à mettre en œuvre la politique qu’on lui dicte. Ceci donne au régime une majorité de près de 100% dans la Chambre des représentants.
Il est clair que le Parti de la justice et du développement représente une partie de cette vague d’islamisation qui a déferlé sur la région, et s’est développée sur les ruines de la gauche historique. Une vague qui même si elle entre en conflit, ou plus se heurte, avec le régime, elle n’est pas porteuse d’alternative au capitalisme dépendant, et sur le plan politique, ne peut aboutir qu’à une autre forme de tyrannie.
Le constat le plus flagrant est cependant l’absence totale d’une voix qui représente la classe ouvrière. Les travailleur.s.es, et les autres couches laborieuses sont alors divisées, soit en votants hébétés qui soutiennent tel ou tel parti de la bourgeoisie, ou en individus enfermés chez eux, désintéressés de la politique, mais qui bouillonnent de rage d’impuissance.
Le régime a bien huilé sa machine politique et y a changé certaines pièces pour poursuivre ses attaques violentes contre les quelques acquis qui nous restent et resserrer l’étau autour des libertés démocratiques.
Après le renouvellement de sa façade gouvernementale, le régime ne tardera pas à attaquer sur d’autres fronts :
– la restriction du droit de grève au point de le rendre impossible ;
– le démantèlement du système de la Fonction publique ;
– la généralisation de la flexibilité et de la précarité en recourant au système contractuel à durée déterminée dans la fonction publique ;
– la révision du droit du travail pour le rendre encore plus flexible répondant aux intérêts du capital local et étranger ;
– la réduction des dépenses sociales ;
– le paiement de la dette en vue de la ramener à un niveau qui satisfait les institutions financières mondiales.
En bref, une politique d’austérité rigoureuse dont la lourde facture devra être payée par ceux d’en-bas, à savoir les masses de travailleurs, de chômeurs et de petits producteurs...
La classe ouvrière et les classes populaires opprimées ne sont pour la plupart pas du tout organisées ou sont très mal organisées avec une conscience politique très faible et des formes de résistance fragmentées et isolées. C’est la conséquence d’une domination historique de forces bourgeoises non conséquentes dans leur revendication de démocratie, de l’anéantissement de la gauche révolutionnaire et ses difficultés subjectives -.
Cette situation impose des tâches colossales pour la gauche socialiste révolutionnaire. A commencer par l’engagement dans la lutte quotidienne des travailleurs, et dans les mobilisations populaires, pour les enrichir de l’expérience historique du mouvement ouvrier, que ce soit en termes de formulation des revendications, ou de construction des divers outils de lutte, l’organisation démocratique des luttes, ou la liaison des tâches immédiates aux tâches stratégiques. Au centre de cet engagement quotidien s’exerce la majestueuse tâche d’organiser les meilleures forces de lutte dans un parti politique totalement indépendant, avec une base programmatique et une bannière révolutionnaire exprimant les intérêts historiques de la classe ouvrière.
Ce sont des tâches pour sortir de l’abîme, de nager à contre-courant, qui nécessitent une forte détermination, et un travail patient et de longue haleine. Quoiqu’elles apparaissent immenses ses tâches sont le seul moyen pour se libérer complètement de la tyrannie, de l’exploitation et de toutes les formes d’oppression.