En mai 1990, pour combattre la progression du Front national, dont « les avancées sont faites de nos reculs », l’Appel des 250 rassemblait des personnalités qui appelaient à « passer à la contre-offensive contre le fascisme et le racisme ». Ce texte annonçait la création de Ras l’front, il était rédigé par Gilles Perrault qui présidait au lancement de cette action militante qui allait jouer un rôle important dans la lutte contre ces fléaux.
Ras l’front, qu’est-ce que c’est ? Un rendez-vous permanent avec plus de cent collectifs « RLF », réunis sur la base d’une charte. C’est aussi un rendez-vous régulier avec son journal. « Présents sur tous les terrains où se développe l’idéologie des droites extrêmes, ces comités, réseaux ou simples équipes militantes ont choisi de lutter en toute indépendance et sans concession aucune. Car il nous semble, pour combattre efficacement le poison fasciste, qu’il faut analyser les raisons de cette montée en puissance du Front national. Comprendre pour expliquer, convaincre et mieux passer à la contre-offensive, tous ensemble ».
A l’enseigne du triangle rouge
Ras l’front c’est aussi l’invitation à porter un signe, le triangle rouge, celui-là même que les nazis ont fait porter aux prisonniers politiques, femmes et hommes, dans leurs camps de concentration et d’extermination. Ces prisonniers furent arrêtés en raison de leurs opinions et de leur résistance au fascisme. Aujourd’hui, plus de cinquante ans plus tard, cette résistance s’impose à nouveau. C’est pourquoi nous avons choisi le triangle rouge comme symbole, pour honorer la mémoire des résistant-e-s d’hier et affirmer la volonté de celles et de ceux d’aujourd’hui.
Le biologiste Jacques Testart, Directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), exprimait ainsi son appel à montrer son hostilité au FN. Non seulement pour marquer la fraternité humaine, mais aussi pour proclamer des conceptions politiques qui refusent tout compromis avec les idéaux opposés à ceux de la République et de la démocratie.
Il faut rappeler qu’en France, la puissante poussée électorale du Front national exprimait la première manifestation d’un phénomène nouveau que captait, dès les années 1980, ce parti de nostalgiques de l’Etat français de Pétain et des meurtrières aventures coloniales auxquelles nombre d’entre eux s’étaient associés.
Rien d’étonnant, dans ce contexte, que Ras l’front lui aussi rassemble plusieurs générations. Celle des résistants qui avaient rejoint le maquis contre la Collaboration et le 3e Reich, puis la génération pour qui la solidarité avec les peuples luttant pour s’arracher à l’enfer colonial prolongeait les combats pour la Libération de la France, les adversaires des colonels grecs et des dictateurs portugais, les adversaires du général Franco, puis de leurs émules latino-américains, les Pinochet, les Videla, etc.
Non à l’exploitation de l’angoisse sociale !
Plus récemment, nous avons vu se multiplier, en Autriche, en Belgique, au Danemark, mais aussi en Italie, et en Suisse évidemment, ces grandes formations conservatrices qui, sans être de tradition fasciste, recourent au populisme raciste. Ces formations se reconnaissent dans les rangs des puissances financières et industrielles qui multiplient les friches industrielles qu’elles justifient comme une fatalité de la « mondialisation ». Elles se nourrissent de leurs dégâts en capitalisant des électorats en déréliction, choqués par les effondrements sociaux et politiques qu’ont produits les désastres économiques.
L’élection présidentielle française de 2002 a marqué le partage des eaux. Jean-Marie Le Pen, poussé par cette vague, était parvenu à se hisser au premier tour et, pour la première fois dans l’histoire de la 5e République, à évincer tout candidat de gauche au second tour. Jacques Chirac tirait les marrons du feu, engrangeant un électorat qui, pour voter contre Le Pen, ne pouvait que voter pour lui. Fort d’une triomphale majorité, il voyait naître dans ses rangs des ambitions politiciennes prêtes à récupérer pour le compte de la droite conservatrice le discours sécuritaire et raciste qui avait jusque-là fait la bonheur de Le Pen et de son Front National.
Ras l’front travaille aujourd’hui à relancer la mobilisation contre toutes les opérations politiques qui manipulent l’angoisse sociale et le racisme pour consolider leur pouvoir antisocial.
Ce débat nous concerne directement, en Suisse romande, où nous connaissons nous aussi des politiciens tentés par de telles dérives, que ce soit en vue des échéances électorales locales du printemps prochain ou dans la perspective des élections nationales de l’automne 2007.