Les pertes subies par les habitants de la Nouvelle-Orléans n’avaient rien d’une catastrophe naturelle. En dépit de la sévérité de l’ouragan, la plupart des dégâts étaient le résultat des inondations qui ont eu lieu une journée après l’arrivée de la tempête - des inondations dues aux défaillances des digues censées protéger la ville qui se trouve en dessous du niveau de la mer. Bush prétend que personne ne s’attendait à ce que les digues cèdent de cette façon. Le chef de la sécurité intérieure, Michael Chertoff, a assuré que « cette “tempête parfaite ” - une combinaison de plusieurs catastrophes - a dépassé de loin les prévisions des experts ».
Mais selon le journal Times Picayune, le directeur du Centre national de prévision des ouragans, Max Mayfield, a garanti que des représentants des organisations fédérales concernées - dont Chertoff et le directeur de l’Agence fédérale des secours d’urgence (Fema), Michael Brown1 - avaient assisté à des briefings avant l’ouragan. « Nous les avions prévenus - ce n’est pas comme si c’était une surprise. »
Les autorités fédérales n’avaient rien fait pour préparer une évacuation à grande échelle. Elles ont effectivement abandonné à leur sort des dizaines de milliers de personnes - essentiellement des pauvres et des Noirs. Le chef de la Fema a néanmoins accusé les habitants d’être responsables de la catastrophe humaine, parce qu’ils « n’avaient pas écouté les avertissements ».
Depuis des années, des scientifiques - y compris des experts de l’administration Bush - mettent en garde les autorités contre les destructions qu’engendrerait ce type d’ouragan à la Nouvelle-Orléans.
En 2001, un journaliste du Houston Chronicle interrogeait des responsables de la Fema sur les trois catastrophes les plus probables aux États-Unis. L’une d’elles était un ouragan de la catégorie 4 ou 5 à la Nouvelle-Orléans. « Avec l’approche d’un ouragan, 250 000 personnes seraient bloquées sur les voies d’évacuation de la ville, qui sont largement insuffisantes. De ceux qui resteraient dans la ville, une personne sur dix serait noyée sous six mètres d’eau. Des milliers de réfugiés arriveraient à Houston. »
Situés dans une cuvette, près de 80% de la ville se trouve jusqu’à deux mètres en dessous du niveau de la mer. Un système de pompage évacue les eaux de pluie vers le Lac Pontchartrain situé en amont de la ville, mais ce pompage aggrave à son tour la situation en provoquant un affaissement. C’est la raison pour laquelle les digues, construites pour protéger la ville du Mississippi au sud et du Lac Pontchartrain au nord, sont si importantes. Mais l’administration Bush a réduit le budget nécessaire à leur amélioration.
La spéculation immobilière a également joué un rôle, en réduisant la superficie des marais naturels qui diminuent la hauteur des vagues et l’impact des inondations en les absorbant. Selon le National Geographic, la Louisiane perd environ 65 kilomètres carrés chaque année du fait de l’érosion provoquée non seulement par un système inadéquat de digues, mais aussi de la construction de canaux pour le trafic maritime et des opérations d’exploration pétro-lière.
Même si les mécanismes sont sujets à débat, des scientifiques sont convaincus que le réchauffement de la planète intervient dans ce type de phénomènes climatiques. Selon le climatologue Kerry Emanuel, les tempêtes dans l’océan Atlantique et dans le Pacifique ont augmenté en durée et en intensité de 50 % depuis les années 1970 - le résultat, en partie, d’une augmentation des températures moyennes de l’air et de l’eau. Et avec l’augmentation du niveau de la mer, suite à la fonte de la calotte glaciaire, des zones côtières de faible altitude comme la Nouvelle-Orléans sont de plus en plus menacées.
1. Federal Emergency Management Agency. Michael Chertoff et Michael Brown ont tous les deux été limogés.