Réacteur EPR : premier round judiciaire
Ouest France
Basse-Normandie
Paru dans l’édition du mercredi 25 octobre 2006
Me Alexandre Faro, avocat de Greenpeace, et Emmanuel Guillaume, avocat
d’EDF, hier, au tribunal administratif de Caen : ils s’affronteront à
nouveau en décembre.
Hier, le tribunal administratif de Caen a examiné le recours contre le
permis de construire des travaux préparatoires au réacteur de Flamanville.
Le permis de construire accordé par le préfet de la Manche est-il illégal ?
C’est la question à laquelle doit répondre le rapporteur du tribunal
administratif de Caen, Henri Dubreuil. Hier, au cours d’une audience en
référé, il a entendu les avocats des différentes associations (Réseau sortir
du nucléaire, Crilan, Greenpeace, Confédération paysanne, France Nature
environnement, UFC Que choisir Saint-Lô et Grape), celui d’EDF ainsi que le
représentant du préfet, Philippe Baffert de l’Équipement.
Pour les premiers, Me Benoist Busson s’étonne « que ce permis de construire
ait été délivré alors que le décret du Premier ministre autorisant la
construction de l’EPR n’a pas encore été signé ». L’avocat des écologistes
estime que cet arrêté contrevient à la loi Littoral en autorisant une
construction favorisant le mitage de la côte.
Pas du tout rétorque, le représentant du préfet. « Le décret pris en 1977
par Raymond Barre prévoyait une plate-forme pour quatre réacteurs. Nous ne
sommes donc pas sur un site vierge. » Alexandre Faro, l’avocat de
Greenpeace, est, pour sa part, « frappé par la précipitation avec laquelle
le dossier EPR est mené ». Il cherche, vainement, les motifs d’une
effervescence que dénie l’avocat d’EDF. Pour Me Emmanuel Guillaume, le
permis contesté, « ne concerne que des travaux préparatoires. Contrairement
à ce qui est prétendu, ce ne sont pas des centaines de milliers de tonnes de
béton qui vont être coulées, mais 93 000 m3 ».
Le rapporteur a mis l’affaire en délibéré à jeudi matin. Quelle que soit sa
décision, l’affaire sera à nouveau plaidée sur le fond en décembre prochain.
Pour mémoire, le premier permis de construire de la centrale nucléaire de
Flamanville avait été annulé après un recours du Crilan. Cette décision de
justice n’avait eu aucun effet sur la poursuite du chantier.
Cette fois, la Verte Dominique Voynet a « bon espoir que le recours soit
entendu. L’argumentaire juridique est solide : le permis de construire,
délivré cinq jours après la clôture de l’enquête publique, sans même
attendre le rapport du commissaire enquêteur, est en contradiction avec le
Code de l’urbanisme ; il ignore les dispositions de la loi Littoral et
s’affranchit de la réglementation administrative sur l’usage du domaine
public maritime.
« Le jugement du Tribunal administratif de Caen ne comptera pas seulement
pour les écologistes. Il dira également si un lobby industriel dispose en
France des moyens de mépriser à ce point et en toute liberté, non seulement
le débat public, mais la loi, le droit et la règle commune », estime la
candidate aux élections présidentielles. Hier la commission européenne a
accordé son feu vert à la France pour la construction de l’EPR. Coïncidence
?
Jean-Pierre BUISSON
EPR : la justice ne suspend pas les travaux
Ouest France
Basse-Normandie
Paru dans l’édition du vendredi 27 octobre 2006
EDF peut continuer ses travaux de terrassement et de préparation de
l’implantation du réacteur nucléaire EPR à Flamanville.
La requête des associations réclamant l’arrêt des travaux engagés sur le
site de Flamanville a été rejetée par le tribunal administratif de Caen.
Henri Dubreuil, juge des référés du tribunal administratif de Caen, a rendu
son ordonnance hier. Il juge qu’il n’y a pas urgence à arrêter les
terrassements engagés par EDF sur le site de la centrale de Flamanville.. «
Les travaux autorisés par le permis de construire attaqué (celui accordé par
le préfet de la Manche) se situent sur un espace qui avait été aménagé dès
l’origine, en vue de permettre l’implantation des deux tranches (nucléaires)
futures. Dans ces conditions l’instruction ne fait apparaître aucun élément
qui permettrait de conclure, du fait des seuls travaux autorisés, à des
risques sérieux et nouveaux pour l’environnement. »
Le béton peut donc continuer de couler à flot sur la future plate-forme du
réacteur EPR dont le Premier ministre n’a toujours pas signé le décret de
création. Pour les associations (Réseau « Sortir du nucléaire » -
Greenpeace - Confédération paysanne - Crilan - UFC Que Choisir Saint-Lô -
Grape Basse-Normandie) qui avaient engagé ce recours, c’est la déception.
« Nous allons nous pourvoir en cassation devant le Conseil d’État », indique
leur avocat, Me Benoist Busson.
Sur le fond, les opposants au réacteur nucléaire ne perdent toutefois pas
espoir. « L’affaire doit revenir devant le tribunal administratif de Caen en
décembre comme l’a indiqué le juge des référés. Il devra alors répondre si,
oui ou non, il y a violation de la loi Littoral. ». De façon plus générale,
les associations dénoncent « la tentative de passage en force d’EDF et du
gouvernement qui voudraient rendre irréversible la construction de l’EPR
avant les prochaines échéances électorales ».
Chez EDF, on ne fait aucun commentaire. « C’est une tradition, EDF ne
commente jamais une décision de justice », indique Philippe Legrand, chargé
de la communication du chantier du futur réacteur EPR.
Jean-Pierre BUISSON
3 500 manifestants contre la ligne THT
Ouest-France - Dimanche 29 octobre 2006
Jean-Jacques Lerosier
« Nous gagnerons notre combat contre le projet nucléaire EPR de Flamanville et les lignes très haute tension », assuraient, hier, les manifestants dans les rues de Saint-Hilaire-du-Harcouët (Manche). Ils étaient, hier, à Saint-Hilaire-du-Harcouët, dans la Manche, pour dire « non » au projet de ligne très haute tension entre le Cotentin et le Maine.
Son inséparable casquette et son pull bleu marine, il est de tous les rassemblements antinucléaires, depuis près de trente ans. Didier Anger a connu bien des combats. Pourtant, hier, dans les rues de Saint-Hilaire-du-Harcouët, dans le Sud-Manche, le militant Vert du Cotentin avait retrouvé des accents de jeunesse. « Ce qui est formidable dans ce mouvement, c’est la mobilisation de plus de 80 associations locales. Regroupées en collectifs, Manche sous tension, Ille-et-Vilaine sous tension et Mayenne survoltée, elles font un super boulot de terrain. EDF a engagé des travaux préparatoires à Flamanville. Mais, ils ne sont pas irréversibles. » Porte-parole des Bretons, André Robinard, de Parigné, acquiesce : « Les jeux ne sont pas faits, dit-il. Le combat est bien engagé. Cette manifestation de 3 500 personnes en est la preuve. »
« Oui au solaire »
L’ambiance est bon enfant... avec de nombreux enfants dans les rangs. La banderole de son petit garçon, « Oui au solaire », joue à cache-cache avec un soleil d’hiver. Rémi est venu du Cotentin. « EDF veut aller trop vite dans cette affaire qui coûte des milliards. Que sait-on des nuisances engendrées par les lignes 400 000 volts ? Je manifeste pour sauvegarder notre santé. » Son voisin, un Vert du Calvados, assure que « dans tout autre domaine industriel, le projet EPR ne serait pas pris au sérieux ». La Mayenne fournit de gros bataillons. « La lutte contre la ligne THT, on est à fond dedans », clame André, de Saint-Pierre-la-Cour.
Ceint de son écharpe tricolore, Jean-Claude Bossard, maire du Chefresne, dans le Sud-Manche, « agriculteur sans étiquette politique et je n’en veux pas » est là « pour défendre le développement durable ».
« Maintenons la pression »
Un peu plus loin, des conseillers municipaux socialistes du Sud-Manche. Mais, les élus ne sont pas légion. La présence de Yannick Soubien, vice-président Vert du conseil régional de Basse-Normandie et maire de Taillebois dans l’Orne, est d’autant plus remarquée. « Nous sommes une délégation du canton d’Athis-de-l’Orne, explique-t-il. Nous nous mobilisons contre un projet d’enfouissement de déchets radioactifs dans le granit à Ségrie-Fontaine. »
Juché sur un camion, Didier Anger parle politique, justement. « Pas question d’accorder une seule voix à celui ou celle des candidats à la présidentielle qui ne dira pas clairement non au projet EPR et aux couloirs de ligne. Les deux projets sont liés. Maintenons la pression d’ici les élections. Pour cela, nous organisons cinq grands rendez-vous le 17 mars à Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon et Toulouse. »