Une nouvelle fois, la Turquie a été frappée par un attentat à la bombe, en plein centre de la capitale. Mercredi 17 février, à proximité de ministères, de locaux militaires et du Parlement, la violente explosion d’une voiture piégée, au passage de cars de militaires, a causé la mort de 28 personnes et fait plus de 60 blessés, dont des civils...
Le Premier ministre turc s’est empressé d’attribuer l’attentat au PKK et aux YPG (Unités de protection du peuple), branche armée du PYD (Parti de l’union démocratique, parti frère du PKK en Syrie) en affirmant avoir identifié l’auteur, un jeune Kurde de Kobané réfugié en Turquie. Salih Müslim, président du PYD, a démenti toute implication des YPG. Dans un message plutôt ambigu, Le PKK a exprimé qu’il ignorait qui a pu commettre l’attentat, mais que ce pourrait être en représailles aux massacres commis par l’État turc dans le Kurdistan.
Finalement, les TAK (Faucons de libération du Kurdistan) ont revendiqué l’attentat. Et il s’est avéré que l’auteur était bien la même personne identifiée, mais sous un autre nom et originaire de la ville de Van en Turquie. Les informations concernant les TAK sont peu fiables : une obscure organisation qui se présente comme indépendante de PKK (jugé trop « humaniste »), mais reconnaissant Öcalan comme leader. Les TAK n’apparaissent que lorsqu’il est question d’attentats causant des morts civils et ainsi, il n’en n’a nullement été question lors de la résistance face à la violente répression de l’État dans les villes kurdes, qui durent depuis plusieurs mois.
Soulignons que, dix jours après la fin des opérations contre le PKK dans la ville de Cizre (dont près de 100 000 habitantEs – sur un total de 120 000 – ont déserté la ville en quelques mois), plus de 170 cadavres, dont plusieurs dizaines brûlés, ont été retrouvé sous les décombres. Alors que le quartier de Sur de Diyarbakir est actuellement soumis à la même sauvagerie, Erdogan explique que les forces spéciales sur le terrain mériteraient d’être nourries au caviar...
Erdogan à la manœuvre
Sans vouloir spéculer sur les commanditaires de cet attentat, le cinquième en 8 mois, il tombe une fois de plus à pic pour Erdogan qui bombardait depuis plusieurs jours les forces des YPG établies de l’autre côté de la frontière. Ces dernières, alliées à certains groupes arabes du nom de Forces démocratiques de Syrie et surtout avec le soutien de l’aviation militaire russe, avaient gagné du terrain face aux forces islamistes (se confondant parfois avec l’ALS) et surtout récupéré une base aérienne stratégique aux mains des dijhadistes d’El Nusra, au nord de Alep. Tout en continuant les tirs d’artillerie, l’État turc tentait de forcer les États-Unis à faire un choix entre eux et les YPG, essayant de les convaincre qu’il s’agit d’une organisation terroriste comme le PKK.
En attribuant l’attentat aux YPG, Erdogan a donc saisi l’occasion pour tenter de discréditer les YPG aux yeux des puissances occidentales et, pourquoi pas, obtenir un feu vert pour son intervention en Syrie afin d’empêcher la dernière partie de sa frontière de passer aux mains des forces kurdes. Mais conscient qu’il serait absurde pour les YPG – qui jouissent d’un prestige international – de perpétrer un tel attentat, et en l’absence de toute preuve crédible montrant l’implication des Kurdes syriens, ni les États-Unis ni les puissances européennes n’ont adhéré à la thèse turque. Cela montre bien la perte de crédibilité du régime d’Erdogan au niveau international.
Pendant ce temps, dans un tout autre coin du pays, sur les côtes de la mer Noire, le peuple d’Artvin, soutenu par les villes voisines, se mobilise contre un projet d’ouverture de mines d’or et de cuivre – dirigé par une entreprise proche d’Erdogan – qui sera un véritable massacre pour les montagnes, forêts et rivières de la région. Avec les femmes au premier rang, les habitantEs d’Artvin font preuve d’une résistance exemplaire face à une brutale répression...
D’Istanbul, Uraz Aydin