Le Ghana, le Nigeria, Maurice ou encore le Zimbabwe. La liste des pays africains qui utilisent déjà le yuan chinois comme monnaie de règlement et de réserve ne cesse de s’allonger. La semaine dernière, c’était au tour de Pretoria, le premier partenaire commercial de la Chine en Afrique, de donner son feu vert au billet rouge.
A l’occasion de la visite du ministre chinois des affaires étrangères, les deux pays ont lancé une première plate-forme d’échange entre leurs deux monnaies. Un mécanisme qui permettra de faciliter les transactions entre le yuan et le rand. Plus besoin de passer par le dollar – ou le dollar de Hong Kong –, petit à petit, la Chine internationalise sa monnaie.
L’annonce de la création prochaine de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), pilotée par Pékin, devrait donner un sérieux coup de fouet à cette monnaie longtemps cantonnée aux seules frontières de la Chine. Pékin souhaite en effet que les investissements financés par l’AIIB (50 milliards de dollars dès la première année), le soient en monnaie chinoise.
Les fluctuations du billet vert
Cinquante-sept pays font partie des membres fondateurs de cette nouvelle institution, dont l’Afrique du Sud et l’Egypte. Car la Chine est riche et veut désormais payer avec sa propre monnaie : elle dispose pour cela de l’équivalent de 3 700 milliards de dollars de réserves en devises étrangères. Mais les fluctuations du billet vert et la chute de l’euro inquiètent Pékin qui voudrait pouvoir financer directement ses projets avec son billet rouge.
Selon une étude de la banque HSBC, les échanges en yuan devraient compter d’ici 2020 pour la moitié des transactions réalisées par la Chine à l’étranger. L’an dernier, ils n’en représentaient que 20 %. En Afrique, la question du financement des échanges en yuan est l’un des piliers de la nouvelle « Chinafrique ». Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a été multiplié par vingt depuis 2000, atteignant plus de 200 milliards de dollars, soit près de deux fois ceux des Etats-Unis.
Une grande partie est libellée désormais en yuan via l’Exim Bank, la banque chinoise d’import-export. Selon l’outil de suivi du RMB Swift, plus de mille banques dans 85 pays se servent déjà du yuan pour leurs transferts. La banque sud-africaine Standard Bank, dont la banque chinoise ICBC est actionnaire à hauteur de 20 %, autorise déjà les règlements commerciaux en yuan dans seize pays du continent et prévoit qu’au moins 50 % des échanges entre la Chine et l’Afrique seront libellés en yuan d’ici l’an prochain.
Le yuan comme une monnaie étalon
« La forte hausse des investissements chinois à l’étranger – notamment en Afrique – est un facteur essentiel de cette internationalisation du yuan », explique l’économiste chinois Qu Hongbin. Actuellement, le yuan n’est que la cinquième monnaie la plus utilisée dans les échanges internationaux, loin derrière le dollar. Car dans l’ombre de cette montée du billet rouge, on retrouve le bras de fer sino-américain.
En finançant directement ses investissements, la Chine renforce ses capacités monétaires, impose le yuan comme une monnaie étalon et affaiblit d’autant le dollar. Depuis 2009, l’Afrique est au cœur de cette nouvelle stratégie monétaire menée par Pékin. Le Zimbabwe avait même envisagé un moment abandonner sa monnaie pour adopter le yuan. Une décision essentiellement politique.
Aujourd’hui, la Banque centrale du Zimbabwe a ajouté le yuan à la liste des monnaies de sa corbeille de devises, avec le yen japonais, le dollar australien et la roupie indienne. Le Zimbabwe rejoint ainsi une liste de plus en plus longue de pays africains qui utilisent la devise chinoise comme l’une de leurs monnaies officielles.
De nombreuses banques centrales africaines, comme celle du Nigeria, ont aujourd’hui l’équivalent de 10 % de leurs réserves en devises étrangères libellés en yuan. « Il est très clair qu’un nombre croissant de pays devrait choisir le RMB [la monnaie chinoise] pour éviter des pertes de change dans leurs échanges avec la Chine, explique un diplomate chinois. C’est une devise forte, déjà utilisée quotidiennement dans de nombreux pays asiatiques pour leurs transactions. En Afrique, plus les échanges augmenteront, plus la devise sera demandée. »
Sébastien Le Belzic