Manuel Valls, a sévèrement critiqué, lundi 18 janvier, lors d’une conférence des Amis du Conseil représentatif des institutions juives de France, les responsables de l’Observatoire de la laïcité – organisme rattaché à Matignon –, estimant que cette instance « ne peut dénaturer » les principes qu’elle doit défendre. Le rapporteur général de cet observatoire, Nicolas Cadène, s’en était pris à la philosophe Elisabeth Badinter, qui avait affirmé sur France Inter début janvier qu’il ne fallait pas avoir peur de se faire taxer d’islamophobe pour défendre la laïcité :
« Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe. A partir du moment où les gens auront compris que c’est une arme contre la laïcité, peut-être [qu’] ils pourront laisser leur peur de côté pour dire les choses. »
A cette intervention, Nicolas Cadène avait répondu par un tweet : « Quand un travail de pédagogie de trois ans sur la laïcité est détruit par une interview à France Inter d’une personne. A quand un vrai débat clair ? »
Son message lui avait valu une vive riposte des opposants à la ligne qu’il défend avec le président de l’Observatoire, l’ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, tous deux accusés par leurs détracteurs de « repli communautariste au détriment de l’esprit d’une véritable République laïque ». Manuel Valls a affirmé lundi soir quelle était la ligne du gouvernement [« intransigeante »]. Le premier ministre juge qu’en s’opposant à l’interprétation combative, voire « islamophobe », d’Elisabeth Badinter, l’Observatoire de la laïcité « dénature » le concept :
« [Nicolas Cadène], un collaborateur d’une organisation de la République, ne peut pas s’en prendre à une philosophe comme Elisabeth Badinter ; pas parce qu’elle est philosophe ni parce qu’elle s’appelle Elisabeth Badinter, mais à partir de ses propos : c’est une défense intransigeante — que je partage d’ailleurs — de la laïcité dans bien des domaines. Et ça, ça doit être rappelé à chacun. »
Manuel Valls s’apprête d’ailleurs à rappeler les deux responsables de l’Observatoire à l’ordre sur ce point : « Je verrai bientôt Jean-Louis Bianco. L’Observatoire de la laïcité, placé d’ailleurs sous ma responsabilité – je lui rappellerai –, ça ne peut pas être quelque chose qui dénature la réalité de cette laïcité », a-t-il dit lundi soir. Le premier ministre reproche notamment à l’instance d’avoir signé une tribune intitulée « Nous sommes unis » dans Libération, alors que celle-ci avait également reçu le soutien de plusieurs personnalités, dont des militants réputés proches des Frères musulmans. Mardi, les signataires du collectif ont demandé à rencontrer Manuel Valls pour une « explication ».
Le président de l’Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, a lui aussi réagi aux propos du premier ministre mardi, affirmant que le rapporteur général de l’instance, auteur du tweet au sujet d’Elisabeth Badinter, se « born[ait] à rappeler le droit existant ».
Présentation tirée de :
La réponse de Jean-Louis Bianco
Paris, le 19 janvier 2016
Objet : Communiqué de presse
Je découvre avec stupeur les propos tenus hier soir par le Premier Ministre à mon encontre et à l’encontre de Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité. Ces propos appellent de ma part les observations suivantes.
Premièrement, le Premier Ministre reproche au rapporteur général un tweet qu’il n’a manifestement pas lu dans lequel Nicolas Cadène se bornait à rappeler le droit existant.
Deuxièmement, le Premier Ministre s’en prend à l’appel « Nous sommes unis » que j’ai signé avec 80 autres personnalités dont la présidente de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, l’ancien président du conseil économique, social et environnemental, la présidente d’ATD quart monde, le président de la fondation Abbé Pierre, le président de l’Uniopss, le Président de la ligue de l’enseignement, le président des semaines sociales de France, des responsables syndicaux de la CFDT, de la FSU, de l’Unsa Education, le pasteur Clavairoly, président de la fédération protestante de France, le président du conseil français du culte musulman, le secrétaire général de l’enseignement catholique et le grand rabbin de France. C’est donc à ces personnalités aussi qu’il s’adresse en disant : « On ne peut pas signer des appels, y compris pour condamner le terrorisme, avec des organisations que je considère comme participant du climat que l’on a évoqué tout à l’heure ».
Troisièmement, il méconnait la réalité des institutions indépendantes dans la République. L’Observatoire de la laïcité n’est pas placé sous sa responsabilité.
Quatrièmement, sur le plan humain, un minimum de respect aurait justifié qu’il m’appelle avant qu’il s’exprime publiquement.
L’Observatoire de la laïcité continue son travail avec sérénité et détermination.
Jean-Louis Bianco, Président de l’Observatoire de la laïcité