Nul ne conteste que face à une agression criminelle comme celle du 13 novembre, la défense est non seulement légitime mais nécessaire. Et il est vrai qu’on ne se défend pas contre des assassins organisés, les kalachnikovs, et les ceintures d’explosifs simplement avec des discours indignés. Après le massacre, le gouvernement a d’abord pris des mesures effectivement urgentes et qui se justifiaient. Mais il était infiniment moins évident de faire voter une loi qui prolonge cet état d’urgence pour trois mois. L’exécutif s’est ainsi doté dans la durée de pouvoirs exceptionnels, mettant sur la touche l’autorité judiciaire constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, au motif qu’elle serait trop lente, trop précautionneuse et sans doute un peu trop indépendante. Des milliers de perquisitions, la plupart de nuit, des centaines d’assignation à résidence très contraignantes ont été ordonnées. Le tout pour des résultats apparemment bien maigres.
Le gouvernement a décidé, comme l’avait annoncé François Hollande dans son discours au Congrès, d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, et de profiter de cette réforme pour y faire figurer la déchéance de nationalité de tout français ayant une autre nationalité et condamné pour terrorisme.
Origine et histoire de l’état d’urgence
Il faut pour bien mesurer les risques que fait courir à la société démocratique cet état d’urgence en connaître les raisons et l’histoire. C’est une séquelle de la guerre d’Algérie. L’insurrection avait débuté le 1er novembre 1954. Le ministre de l’intérieur François Mitterrand avait déclaré « l’Algérie, c’est la France !, la négociation avec les rebelles c’est la guerre ». Toutefois lui et le Président du Conseil Pierre Mendes- France envisageaient d’importantes réformes en Algérie, destinées à réparer un peu - évidemment trop tard - l’inadmissible injustice sociale et l’inégalité politique dont étaient victimes ceux qu’on appelait les « français-musulmans ». Ces projets firent tomber Mendes en février 1955.
Le gouvernement d’Edgar Faure et son ministre de l’intérieur, Maurice Bourgès-Maunoury, minimisent alors l’ampleur du soulèvement pour écarter les réformes envisagées, et leur discours, est ahurissant quand on connait la suite de l’histoire : « Le désordre en Algérie est actuellement le fait de quelques bandes organisées de hors-la-loi, numériquement peu importantes, dont le champ d’action semble se concentrer en ce moment dans des zones dont la structure naturelle est particulièrement propice à des actions de guérillas ». Pour mater ces bandes il suffit selon eux, de prévoir un régime d’exception momentané donnant de forts pouvoirs en Algérie à l’exécutif, à la police, et aux tribunaux militaires, sans recourir encore à l’état de siège qui aurait donné les pleins pouvoirs à l’armée. C’est la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence. Elle va être appliquée dans les seuls départements d’Algérie mais est susceptible d’être, si nécessaire, étendue sur tout le territoire de la République.
C’est aujourd’hui en vertu de cette loi à peine modifiée qu’a été proclamé l’état d’urgence actuel. Il faut d’écouter Edouard Depreux à la tribune de l’Assemblée en 1955, trois ans avant qu’il ne quitte la SFIO, au cours du débat législatif. Son discours est lucide et étrangement prémonitoire : « S’il est légitime qu’un gouvernement républicain demande et reçoive des armes pour lutter contre le terrorisme, faut-il pour autant recourir à des lois d’exception ? L’arsenal législatif était-il vraiment insuffisant ? Comment le gouvernement se servira-t-il des nouveaux moyens qui vont lui être accordés ? Un autre gouvernement ne sera-t-il pas tenté dans quelques années d’en user pour des desseins bien différents ? Autant de questions, autant de sujets d’inquiétude. L’Assemblée devrait se rappeler que les lois de 1893-1894 ont servi à bien autre chose qu’à la lutte contre l’anarchie. N’a-t-elle pas compris les sentiments des députés du deuxième collège ? N’a-t-elle pas pensé aux répercussions nationales et internationales de son vote ? L’urgence ? Pour l’application du statut de l’Algérie, pour la construction de barrages, de routes, d’écoles, pour l’élévation du niveau de vie, oui ! Mais sera-t-il dit que pour survivre la République doive se renier ». Renier la République ! Les mots sont forts et auraient pu être repris intégralement aujourd’hui au Parlement. Or six députés seulement n’ont pas voté le texte gouvernemental.
Une telle législation dont chacun sait qu’elle ne peut résoudre le problème qui l’avait suscitée ouvre pratiquement inéluctablement la voie à sa prolongation et à son renforcement dans une course à la surenchère sécuritaire et répressive. L’état d’urgence de 1955 n’a rien résolu en Algérie, la situation a empiré et les « bandes de hors-la-loi » sont devenues les combattants structurés du FLN. Mais du fait d’une disposition de la loi, sa mise en œuvre a été interrompue du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale. Les citoyens votent en janvier 1956 pour le Front Républicain qui s’est engagé à chercher une solution négociée, mais Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO devenu Président du Conseil, estimant l’état d’urgence dépassé et insuffisant va bien au-delà. Il fait voter en mars 1956 les Pouvoirs spéciaux qui donnent à l’exécutif et à l’armée des pouvoirs pratiquement sans limites pour intensifier la guerre. En avril 1961, De Gaulle, après avoir maté le « pronunciamiento » du « quarteron de généraux en retraite » d’Alger, met en œuvre l’état d’urgence dans la France entière. Il le fait en vertu des pouvoirs législatifs absolus qu’il tient de l’article 16 de la Constitution. Ce régime d’exception s’installera dans la durée jusqu’en 1963. C’est en vertu de cet état d’urgence que le préfet Maurice Papon en octobre 1961 ordonna le couvre-feu pour les Algériens qui voulaient manifester pacifiquement, et, le 17 octobre 1961, les fit massacrer. C’est aussi en vertu de l’état d’urgence que fut interdite la manifestation du 8 février 1962 organisée par les syndicats et les partis de gauche pour réclamer la fin de la guerre d’Algérie ; et le même Papon fit matraquer les manifestants et laisser la police se livrer à des violences qui provoquèrent les neuf morts du métro Charonne. En 1984 il fut instauré en Nouvelle Calédonie pour répondre aux graves troubles, et en 2005 en Ile-de-France pour juguler les émeutes de banlieue ; mais au bout d’un peu plus d’un mois Jacques Chirac le fit lever.
La proclamation et la prorogation de l’état d’urgence
Dès la soirée du 13 novembre François Hollande l’a annoncé ; le gouvernement l’a mis en œuvre pour douze jours, et le Parlement l’a prolongé pour trois mois. Cette loi du 20 novembre a retiré de la loi de 1955 le recours aux tribunaux militaires... qui n’existent plus et surtout, heureusement, la possibilité de prendre des mesures telles la censure contre les médias. Mais elle a repris tout le reste. Les motifs légaux de déclarer cet état d’exception sont en la circonstance : « l’état de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ». Les préfets et le ministre de l’intérieur peuvent porter atteinte à des libertés publiques essentielles : possibilité d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et à des heures fixés, de règlementer ou d’interdire de séjour des personnes dans des lieux déterminés, de perquisitionner, hors de l’autorisation d’un juge et même de nuit, de dissoudre des associations dont l’activité « faciliterait ou inciterait à commettre des actes portant gravement atteinte à l’ordre public », ce qui est particulièrement extensif, de fermer des salles de spectacles, les débits de boissons et lieux de réunion de toute nature...
L’assignation à résidence est considérablement élargie. Elle constitue une véritable privation de liberté, la personne devant ne pas sortir pendant douze heures et devant pendant le reste du temps pointer trois fois par jours dans un service de police situé parfois à plusieurs kilomètres. A ce sujet le gouvernement a manifesté son intention d’aller plus loin. En effet le législateur de 1955, dix ans après la libération des camps nazis, pensa à un risque de dérive et inscrivit dans la loi cette restriction : « En aucun cas, l’assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes ». On est alors sidéré quand on découvre la demande d’avis adressée au Conseil d’Etat et jointe au projet de loi constitutionnelle sans en faire partie. Elle expose qu’il est envisagé de priver de liberté dans des « centres de rétention prévus à cet effet » les personnes présentant des « indices de dangerosité », et ce sans aucune autorisation judiciaire. C’est à dire de faire des camps. Certes on ne dit pas que ce sera Buchenwald ou Guantanamo, mais le principe de cet enferment collectif de suspects est envisagé. On ne connait pas encore sur ce point la réponse de la haute juridiction administrative.
Dérapages
Comme il fallait s’y attendre les bavures se sont multipliées en particulier lors des perquisitions de nuit et des assignations à résidence. Plus de 500 assignations à résidence ont été prononcées et plus de 4.000 perquisitions administratives, la plupart de nuit. Le bilan est pourtant bien maigre. Certes des armes ont été saisies mais essentiellement des fusils de chasse ou des armes blanches, quelques dizaines d’armes qualifiées d’armes de guerre (vraisemblablement des armes de poing de gros calibre), mais aucune n’a été rattachée au terrorisme Il est grotesque de se justifier en disant que le trafic des armes et des stupéfiants est lié au terrorisme. Ce qui est vrai, c’est que, lorsque des opérations de police de cette envergure sont déclenchées, les trafiquants ou/et les délinquants qui ne s’y attendaient pas sont surpris, et la police profite de ses pouvoirs accrus pour effectuer des opérations contre le milieu, voire contre le petit trafic qui alimente l’économie souterraine des quartiers. Depuis un mois ces vastes opérations de police n’ont pu amener devant les juges antiterroristes qu’un seul suspect qui a été mis en examen. Aucun assigné à résidence ne s’est vu reprocher des indices graves ou concordants de participation à une entreprise terroriste qui aurait débouché inéluctablement sur une mise en examen. Et si quelques suspects de liens avec le terrorisme sont arrêtés, c’est avec les méthodes classiques du Renseignement ou de la Direction nationale antiterroriste (DNAT). Ces vastes opérations dans des quartiers marqués par l’ostracisme, la pauvreté et la discrimination risquent plus de semer des germes de révolte que de juguler des menaces terroristes.
L’utilisation de ces pouvoirs exceptionnels contre les militants écologiques au moment de la COP 21, voire des militants d’extrême-gauche, est très préoccupante quoi qu’en pense le Conseil constitutionnel, comme souvent trop protecteur du législateur dans les situations tendues. Il vient en effet, le 22 décembre, de donner son aval au gouvernement sur la Question prioritaire de constitutionalité qu’un militant écologiste assigné à résidence et la Ligue des droits de l’‘homme (LDH) avaient posé à ce propos. Manuel Vals avait bien tort de se faire du souci en suppliant les députés de ne pas faire contrôler la loi par le Conseil.
Evolution et réforme constitutionnelle
Une lueur tout de même : Le Parlement s’est couché mais a voté une disposition utile, sans doute pour se donner un reste de bonne conscience. Il a obtenu qu’un contrôle sur l’application de la loi lui soit accordé. L’article 4-1 de la loi précise que « l’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». Jean- Jacques Urvoas, président de la Commission des lois de l’Assemblée a créé une commission parlementaire spéciale qui s’est mise au travail et demande des comptes-rendus au ministère de l’intérieur, vérifie les cas qui sont signalés par la presse (et ils sont nombreux), ou par les associations et syndicats qui siègent à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) Il faudra bien qu’un jour il rende public ses travaux trop confidentiels, ne serait-ce que lorsque le gouvernement demandera la prolongation de l’état d’urgence après le 26 février 2016 ou au moment du débat sur la réforme constitutionnelle.
Notons que l’état d’urgence ne suffit pas aux thuriféraires de la sécurité absolue. Un nouveau projet de loi renforçant encore les pouvoirs, les moyens et prérogatives de la police et du parquet dans la lutte antiterroriste, hors même état d’urgence, est annoncé.
Dès le premier jour s’est posé le problème de l’éventuelle pérennité de l’état d’urgence, car quel gouvernement aura le courage un jour de dire que la menace terroriste a disparu au point qu’il convient d’abandonner cette protection qu’on a proclamé comme indispensable à la sécurité des citoyens et qu’il convient de prolonger tant que subsiste la menace terroriste ? François Hollande a cru trouver la solution en même temps qu’il opérait une stratégie politique très risquée. Au Congrès il a annoncé, le 16 novembre, une réforme de la Constitution, y introduisant l’état d’urgence et y plaçant de surcroît une mesure purement symbolique en ce qui concerne la lutte contre les terroristes : la déchéance de nationalité pour tout français possédant une autre nationalité et ayant été condamné pour des comportements en relation avec le terrorisme. Cette mesure, en contradiction ouverte avec la tradition républicaine française, est une très ancienne revendication de l’extrême-droite et particulièrement des Le Pen, père et fille, reprise par Nicolas Sarkozy, notamment dans son discours de Grenoble en 2010 inspiré par Patrick Buisson et vilipendé alors par la gauche.
L’avis du Conseil d’Etat
Le projet de révision constitutionnelle soumis pour avis au Conseil d’Etat allait dans ce sens : son article 1er transfère dans la Constitution l’énoncé des circonstances dans lesquelles peut être mis en œuvre l’état d’urgence. Il précise quelles mesures de police administrative peuvent être prises, « sous le contrôle du juge administratif », qui entreraient ainsi dans la Constitution. Cela évidemment pour éviter que ne soit invoqué dorénavant l’article 66 qui fait de la seule « autorité judiciaire » la gardienne de la liberté individuelle. Puis le projet tente de répondre à l’interrogation sur le risque de transformation de ce régime d’exception en régime permanent, en faisant une distinction absconse entre la « cessation du péril » et le « risque d’actes terroristes » qui permettrait de maintenir les mesures prises pendant une période de six mois encore renouvelable. Ainsi ce régime d’exception pourrait, de fait, durer jusqu’à ce qu’un gouvernement le dise et qu’il n’existe plus aucun risque d’acte terroriste. C’est l’urgence continue, l’exception pérenne. Le Conseil d’Etat, manifestement empêtré dans ses contradictions va rendre, un des arrêts les plus alambiqués de son histoire. Il est évidemment ravi de l’entrée du juge administratif dans la Constitution. Il dit, en termes polis, qu’il trouve complétement idiote l’idée tarabiscotée de la prolongation des mesures quand a cessé le « péril » mais que subsiste un « risque », et propose que, en ce cas, ce soit une nouvelle loi qui prolonge éventuellement l’état d’urgence.
Pour ce qui est de la disposition de l’article 2 permettant la déchéance de nationalité pour les français de naissance qui ont été condamnés pour terrorisme, le Conseil d’Etat considère tout d’abord avec raison que cette éventuelle déchéance n’est pas compatible avec la Constitution mais le deviendrait ... si elle y était inscrite. Il fait observer en effet, avec sa prudence sibylline, que cette disposition « pourrait se heurter à un éventuel principe fondamental reconnu par les lois de la République » qui veut de la nationalité soit « un élément constitutif de la personne » dont on ne peut être privé. Il fait observer aussi que la Cour de Justice de l’Union européenne ou la Cour européenne des droits de l’homme, saisies de recours sur des décisions de déchéance, pourraient considérer que la nouvelle loi ne serait pas conforme aux engagements internationaux de la France. Et après avoir constaté que cette mesure serait de peu d’intérêt pratique, il estime finalement que ces objections ne paraissent pas suffisantes pour lui permettre de conclure que cette déchéance « ne serait pas opportune ou qu’elle ne serait pas appropriée à l’objectif poursuivi par le Gouvernement ».
En un mot cette mesure n’est conforme ni aux principes fondamentaux ni à nos engagements internationaux, mais il n’est pas prouvé qu’elle n’est pas utile. Et donc finalement l’avis est favorable. Comprenne qui pourra. Voilà du grain à moudre pour les professeurs de droit public.
Après cet avis tarabiscoté le gouvernement est entré dans les palinodies confuses au point que la malheureuse Christiane Taubira a cru pouvoir dire, alors qu’elle était en voyage officiel en Algérie, que cette disposition serait abandonnée. La droite a hurlé à la promesse non tenue. Mais surtout, les principes fondamentaux, les engagements internationaux, les protestations des Cassandres « droits-de -l’hommistes » et les murmures de la gauche qui résiste, pèsent moins lourd qu’un bon coup politique tactique ; et le Président de la République a tranché en faveur du projet dans son intégralité.
Le projet de loi constitutionnelle
Le projet de loi constitutionnelle est mieux écrit que celui qui a été soumis au Conseil d’Etat. Mais cela ne change rien au fond qui reste détestable.
• S’agissant de l’état d’urgence, s’il dégraisse le texte de son inutile référence au juge administratif et de son imbécile distinction entre le péril et le risque, il inscrit dans le marbre de la Constitution que la loi pourra toujours en proroger la durée. Ainsi, de constats de péril en constats de péril, l’urgence pourra devenir pérenne et l’exception sera la règle. Rappelons que l’article 16 donne toujours au Président de la République le droit de se transformer en monarque absolu édictant seul les lois comme le fit de Gaulle en 1961 prorogeant l’état d’urgence de 1961 à 1963. N’oublions-nous pas un peu trop facilement que, toutes proportions évidemment gardées, quand Hitler arriva au pouvoir il n’eut, en matière de libertés publiques, qu’à enfiler les bottes législatives que lui avaient fabriquée ses prédécesseurs.
• Quant à la déchéance de nationalité, l’atteinte aux principes fondamentaux, la menace de sanctions lors de son application concrète par la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour européenne des droits de l’homme n’a rien changé à la détermination présidentielle, sauf qu’elle ne s’appliquera que pour les crimes, ce qui en réduit encore la mise en œuvre concrète. Nous sommes évidemment dans le symbole, mais c’et un symbole qui « renie la République » comme disait Depreux.
Où allons nous ?
Les terroristes auront ainsi réussi à nous faire modifier notre loi fondamentale. C’est pour eux une victoire plus importante que d’avoir réussi à assassiner 130 personnes. Hollande n’est pas un dictateur certes, mais qui lui succèdera ? Contre les armes nous devons nous défendre, y compris par la force, mais ce n’est ni les bombes en Syrie ni le recul des libertés qui nous permettront de vaincre ces assassins obscurantistes qui préfèrent la mort à la vie. Ce qu’il nous faut avant tout, c’est comprendre pourquoi plus de mille jeunes français ont été à ce jour identifiés comme étant partis faire le Jihad. Comprendre, répondent avec mépris les fanatiques de la seule répression, ce serait excuser. C’est ridicule. Il faut bien sûr juger et punir ceux qui sont coupables quand ils sont pris. Avec tout de même cette réserve qu’on ne peut, comme le réclament à mots couverts certains, ni les condamner à mort, ce dont ils se fichent d’ailleurs, ni les soumettre à des traitements inhumains et dégradants comme l’on fait les américains à Guantanamo (créé par la loi répondant aux terroristes du 11 novembre 2001, le Patriot Act, et que depuis sept ans, malgré ses promesses Obama n’a pas eu la force de supprimer). Si nous ne comprenons pas pourquoi ils sont partis et si nous continuons à dresser des murs sociaux autour des populations pauvres, ostracisées, nous leur ouvrons la porte de la fuite vers des lieux absurdement rêvés comme des lieux de fraternité.
Ces jeunes, dont les parents ou les grands-parents sont souvent venus des anciennes colonies françaises et dont la religion n’est le plus souvent qu’un vague repaire identitaire, voient bien qu’ils sont suspects, regardés avec méfiance ou avec crainte, et si ceux qui gouvernent ne se donnent pas comme tâche primordiale de les intégrer pleinement dans la société française, il les enfonceront dans la révolte et la résistance radicale qui, quand elle se pare des oripeaux de la religion, devient redoutable. De perquisitions brutales en assignations à résidence, jusqu’à la stigmatisation du statut de binational de ceux qui n‘ont pas voulu ou souvent pu renier leurs origines, si nous sommes incapables de nouer un dialogue, alors les voies sont ouvertes pour que nous subissions toujours plus de crimes, avec à chaque fois, comme réponse, plus de recul de la société démocratique. C’est hélas cette voie qu’ouvre la réforme constitutionnelle proposée.
Henri Leclerc