Les organisations communautaires juives et musulmanes de France s’inquiètent d’une flambée des actes (attentats, violences, incendies…) et des « menaces » (propos, gestes, écrits) antisémites et antimusulmans depuis janvier.
La France, où vit la plus grande communauté musulmane d’Europe, avec quelque cinq millions de membres, a ainsi connu 274 actes et menaces antimusulmans au premier semestre 2015, a annoncé l’Observatoire national contre l’islamophobie (ONCI) vendredi 17 juillet. Un chiffre en hausse de 281 % par rapport à la même période l’an dernier, au cours de laquelle 72 actes antimusulmans avaient été répertoriés.
Cette hausse spectaculaire serait, selon l’ONCI, en lien avec les attentats djihadistes de janvier contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo et le magasin Hyper Cacher, qui avaient fait 17 victimes et suscité une indignation mondiale.
« Depuis la mise en place de l’Observatoire, en 2011, nous n’avons jamais vu un phénomène aussi élevé. Cette explosion ne peut s’expliquer que par les actes terroristes commis depuis janvier, lesquels ne peuvent justifier la haine à l’égard de musulmans qui ne sont ni responsables ni coupables de tels crimes. »
Toutefois, une nette décélération au second trimestre 2015 est observable, avec 52 actes et menaces recensés, contre 222 au premier trimestre, dans la foulée des attentats de janvier.
Des chiffres qui ne surprennent pas le CRIF
Sur la même période, les actes antisémites ont également fait un bon significatif, de 84 % entre janvier et mai, et de 161 % par rapport à la même période de 2013, avait annoncé le 13 juillet le Service de protection de la communauté juive (SPCJ).
De janvier à mai, 508 actes et menaces antisémites ont ainsi été recensés, précise le SPCJ sur sa page Facebook, sous le titre « 2015 : l’antisémitisme a encore tué en France ». Il y en avait eu 276 en 2014 et 195 en 2013 au cours de la même période. Des chiffres en hausse qui ne surprennent pourtant pas le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) :
« L’antisémitisme de notre pays bénéficie en effet de leviers toujours aussi efficaces, grâce notamment à Internet, principal facteur de propagation des idées antisémites dans l’opinion publique, mais aussi à l’impunité récurrente dont bénéficie un certain nombre d’antisémites notoires. »
Le gouvernement a présenté à la mi-avril un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, doté de 100 millions d’euros en trois ans, pour faire face à la hausse « insupportable » des actes de haine. Le CRIF a demandé à l’exécutif d’aller plus loin en revoyant « le statut juridique des réseaux sociaux agissant en France (Twitter, YouTube, Facebook, Google) afin de les mettre civilement et pénalement face à leurs responsabilités ».
Comment les actes racistes sont-ils recensés ?
Le SPCJ et l’ONCI travaillent en coopération avec le ministère de l’intérieur pour récolter leurs chiffres. Les actes antisémites, antimusulmans ou les autres actes racistes recensés par ces rapports correspondent à l’ensemble des actes et des menaces qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’une main courante auprès de la police.
Une méthodologie qui a l’avantage d’être plutôt « rigoureuse », mais l’inconvénient d’écarter tous les actes qui restent en dehors des radars de la police. S’ils sont généralement corroborés par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans ses rapports annuels, ces chiffres seraient donc régulièrement sous-estimés.
Selon le président de l’ONCI, environ 15 % des actes antimusulmans ne feraient l’objet d’aucune démarche auprès des services de police ou de gendarmerie, et seraient donc impossibles à répertorier. Le CRIF, qui se fonde également sur les dépôts de plainte ou de main courante, affirme également que ces chiffres ne représenteraient « que partiellement la réalité de l’antisémitisme sur le terrain ».
A la difficulté d’obtenir des chiffres exacts s’ajoute en outre la complexité d’une définition juridique des actes racistes. Le caractère raciste est ainsi lié à « l’appartenance réelle ou supposée » à une ethnie, une race ou une religion. Un acte manifestement antimusulman peut donc tout à fait être comptabilisé même si la victime n’est en réalité pas musulmane.
Le Monde.fr