Alors que la Slovénie, nouvel épicentre du transit des migrants, demande jeudi 22 octobre de l’aide de l’UE, la République tchèque est critiquée par l’ONU pour son traitement « dégradant » des migrants et les autorités allemandes ont annoncé avoir déjoué des incendies criminels contre des foyers de demandeurs d’asile. Un sommet européen doit avoir lieu dimanche.
La Slovénie demande de l’aide à l’UE
Plus de 12 500 personnes sont arrivées en Slovénie au cours des dernières vingt-quatre heures : un record qui dépasse même ceux enregistrés en Hongrie au plus fort de la crise en septembre.
Ce petit pays de 2 millions d’habitants de l’espace Schengen est devenu un point de passage obligé pour tous ceux en route pour l’Autriche et l’Europe occidentale depuis que la Hongrie a fermé sa frontière avec la Croatie vendredi dernier. Quelque 38 000 personnes sont arrivées en Slovénie depuis.
L’extension mercredi des pouvoirs de l’armée afin qu’elle puisse prêter main-forte à la police dans la surveillance des frontières ne suffit pas. Le rappel de policiers à la retraite est envisagé. Le gouvernement slovène a donc adressé jeudi une demande d’aide à l’Union européenne pour la mise à disposition de policiers. Le commissaire européen chargé des affaires intérieures et des migrations, Dimitris Avramopoulos, s’est rendu en Slovénie jeudi pour évaluer les besoins du pays. Il a rappelé que tous les pays avaient le « devoir de protéger et accueillir ceux qui ont désespérément besoin d’aide » et assuré Ljubljana de l’assistance « technique et financière » de l’UE.
La Croatie, traversée depuis la mi-septembre par 217 000 migrants et réfugiés, a également sollicité une aide internationale en couvertures, tentes et lits de camp.
Prague critiqué pour le traitement « dégradant » des migrants
Moins soumise à la pression migratoire que les Balkans mais tenante d’une ligne de fermeté, la République tchèque a été tancée jeudi par l’ONU pour la détention « systématique » de migrants, enfants compris, dans « des conditions dégradantes ». Selon le Haut-Commissaire, M. Zeid Ra’ad Al-Hussein, les violations des droits humains des migrants « semblent faire partie intégrante de la politique du gouvernement tchèque pour décourager migrants et réfugiés d’entrer ou de séjourner dans le pays ».
La République tchèque est la seule, parmi les pays de transit, à soumettre « de façon routinière » les migrants à une détention pouvant aller « jusqu’à 90 jours », a aussi accusé le Haut-commissaire.
C’est la première fois que M. Al-Hussein se montre aussi sévère à l’encontre d’un gouvernement, épinglant aussi les « déclarations islamophobes » du président tchèque Milos Zeman. Premier président tchèque élu au suffrage universel, Milos Zeman n’hésite pas à jouer de la fibre populiste. Selon lui, les migrants « respecteront la loi charia et non la législation tchèque », et les « femmes infidèles seront lapidées et les voleurs se verront couper les mains ».
Selon un récent sondage, un Tchèque sur deux se montre réticent à l’accueil des réfugiés. Quelque 40 % d’entre eux s’y disent favorables, mais à condition que ceux-ci regagnent leur pays, une fois la guerre finie.
Incendies déjoués en Allemagne et attaque en Suède
En Allemagne aussi, les migrants qui affluent par centaines de milliers dans le pays suscitent le mécontentement d’une partie de l’opinion. Une forte augmentation des délits à l’encontre des foyers de réfugiés en Allemagne, signalée par la police allemande, atteste des résistances grandissantes à la politique d’accueil prônée le gouvernement d’Angela Merkel.
Des incendies criminels de foyers de migrants ont été déjoués par la police mercredi à Bamberg, dans le sud de l’Allemagne. Treize personnes, soupçonnées d’appartenance à la mouvance extrême droite, ont été interpellées. Samedi, c’est une responsable de la ville de Cologne pour les réfugiés et candidate à la mairie qui avait été grièvement blessée au couteau par un homme proche de l’extrême droite.
En Suède, une école fréquentée par des jeunes issus de l’immigration à Trollhättan, a été prise pour cible jeudi par un jeune sympathisant de l’extrême droite qui a tué au sabre un enseignant et un élève. L’agresseur a été blessé mortellement par la police suédoise.
Des démocraties « déstabilisées »
Mercredi, le président de la Commission de Bruxelles, Jean-Claude Juncker, a convoqué pour dimanche un sommet réunissant les dirigeants de huit pays de l’Union (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Croatie, Grèce, Hongrie, Roumanie et Slovénie) et ceux de la Serbie et de la Macédoine.
Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, a lancé un appel aux dirigeants européens pour qu’ils changent leur politique en matière d’immigration.
« Cela déstabilise les démocraties européennes. (…) Nous devons ouvrir un débat honnête sur l’avenir de notre continent, sans le bâillon du “politiquement correct”, sans fausse excuse, en parlant franchement. »
Réunis en congrès à Madrid, les partis conservateurs de l’Union réunis au sein du Parti populaire européen (PPE – droite) ont réaffirmé la nécessité de renforcer les frontières extérieures de l’Europe.
Jean-Claude Juncker y a aussi souligné « l’urgence » d’une solution humanitaire : « Nous avons besoin aussi en Europe des valeurs du cœur que nous oublions très souvent », a-t-il insisté.
Un nouvel afflux en Grèce
A l’entrée de l’UE, en Grèce, le nombre d’arrivées sur des embarcations de fortune depuis les côtes turques a connu une nouvelle accélération ces derniers jours. Du 16 au 18 octobre, près de 28 000 personnes ont débarqué sur les côtes grecques, souligne l’Organisation internationale pour les migrations.
C’est plus que lors du pic de l’été, qui avait forcé les Etats européens à prendre des premières mesures. Quelque 502 000 personnes ont emprunté cette voie depuis janvier, soit la grande majorité des entrées de migrants dans l’UE (643 000 au total), qui cherchent à rallier le nord et l’ouest de l’Europe.
La crainte d’une fermeture de toutes les frontières européennes, un temps calme sur la mer Egée, ainsi que, selon les Nations unies, l’offensive de l’armée syrienne, appuyée par l’Iran et par la Russie, contribuent à ce nouvel afflux. D’après l’ONU, environ 35 000 personnes ont fui la région d’Alep ces derniers jours.
* AFP et Reuters | 22.10.2015 à 17h43 • Mis à jour le 23.10.2015 à 08h16 :
http://lemonde.fr/europe/article/2015/10/22/depassee-par-l-afflux-de-migrants-la-slovenie-sollicite-l-aide-de-l-union-europeenne_4795176_3214.html
Les conditions de vie indignes des réfugiés en Slovénie
Des migrants enfermés qui dorment à même le sol sans matelas. Des couvertures en nombre insuffisant pour se tenir au chaud, des vêtements et des bouteilles en plastique brûlés pour se réchauffer un peu. Les conditions de vie dans le camp slovène de Brezice, à la frontière avec la Croatie, sont « inhumaines », selon la photographe française Anne A-R, qui a pu y pénétrer mardi 27 octobre au soir. Choquée, elle a envoyé ses images au Monde [1].
Principal lieu d’accueil des migrants en Slovénie, ce camp est situé à une dizaine de kilomètres de la frontière croate, d’où arrivent les réfugiés en route pour l’Autriche. Plusieurs milliers de réfugiés y étaient jusqu’à mercredi enfermés en permanence, en attendant d’être enregistrés par la police. Depuis, les migrants sont orientés dans un nouveau camp, à Dobova.
Même si celui-ci est mieux équipé, des affrontements avec les forces de l’ordre y ont été filmés par les bénévoles présents sur place. Comme à Brezice, la police slovène en interdit l’accès à la presse et les migrants n’ont pas le droit d’en sortir, sauf pour monter dans les bus à destination de l’Autriche. Selon les bénévoles, les migrants sont toutefois désomais amenés directement en train à Dobova et n’ont plus à marcher au milieu des champs.
Plusieurs centaines de migrants étaient cependant encore retenus mercredi soir à Brezice, dans l’attente d’un bus.
« De la fumée toxique partout »
Anne A-R, qui mène un projet artistique baptisé « I am with them » sur les migrants, a pu prendre des images dans ce camp installé près d’un commissariat en cachant son appareil et en se réclamant de l’Unicef, qui finance son projet. « Les migrants sont parqués dans un enclos qui est un terrain vague derrière le commissariat. Il n’y a pas assez d’eau ni de nourriture. Mardi, il a fallu attendre 23 heures pour que des couvertures soient distribuées », assure-t-elle. Après avoir marché sous escorte policière depuis la frontière, « les migrants restent ici au moins vingt-quatre heures, sans tente ».
Ses images montrent des hommes, des femmes et des enfants tentant de dormir à même le sol. Certains ont allumé des feux pour se réchauffer un peu. « Ils brûlent des vêtements et du plastique, du coup, il y a de la fumée toxique partout. »
Le camp a subi un violent incendie la semaine précédente. Mardi soir, un enfant s’est brûlé avec du plastique fondu, selon la photographe. Il aurait été à peine soigné par les infirmières de la Croix-Rouge présentes en marge de l’enclos. « Les volontaires n’ont pas le droit d’entrer dans l’enclos ou de distribuer de la nourriture quand ils le veulent. En fait, ils n’ont le droit de rien faire à part aider au regroupement des familles séparées », assure Anne A-R. Comme à Dobova, le camp est constamment sous surveillance de policiers antiémeutes et de militaires. Des cas de gale ont été signalés par des médias croates.
« Ahuris d’être là »
Depuis lundi 19 octobre, la Slovénie fait face à l’arrivée massive de migrants qui souhaitent rejoindre l’Allemagne. Ce petit pays des Balkans de 2 millions d’habitants a fait les frais de la fermeture de la clôture installée à la frontière entre la Croatie et la Hongrie, le 17 octobre. En dix jours, le pays a accueilli près de 95 000 migrants. Le premier ministre slovène, Miro Cerar, a rapidement expliqué que les autorités étaient débordées. S’il a appelé à l’aide les autres pays européens, le gouvernement slovène a assuré, lundi 26 octobre, qu’il faisait tout pour gérer les arrivées « de manière sûre et humaine ».
Sur la route des Balkans, les camps slovènes sont pourtant les seuls à être complètement fermés et interdit d’accès aux journalistes. « Cet enfermement et le contrôle de l’accès des volontaires rendent les conditions de vie des migrants encore plus difficiles, estime Anne A-R, qui assure n’avoir pas vu de conditions aussi difficiles depuis le début de son périple, en Grèce. Il y a un état de tension, j’ai vu des gens se battre pour une couverture. Mais dans l’ensemble, les réfugiés sont résignés et épuisés, comme ahuris d’être là ». La plupart sont surtout pressés de quitter au plus vite ce pays pour rejoindre l’Autriche.
Jean-Baptiste Chastand
Journaliste au desk Europe do Monde
* Le Monde.fr | 29.10.2015 à 10h28 • Mis à jour le 29.10.2015 à 15h36 :
http://lemonde.fr/europe/article/2015/10/29/les-conditions-de-vie-indignes-des-refugies-en-slovenie_4799003_3214.html
La frontière croato-slovène, nouvel abcès de la route des migrants
En distribuant des verres d’eau aux migrants qui traversent son village, Alan (qui n’a pas voulu donner son nom de famille) rigole : « Il y a deux jours j’ai dit aux gens du village voisin que Kljuc Brdovecki était devenu le centre du monde. » Qui aurait cru que ce petit village croate situé juste avant la frontière slovène allait voir subitement passer des milliers de migrants par jour ? Personne, pas même le doyen du village, qui se glisse dans la discussion pour rappeler qu’il a en pourtant vu d’autres : « Ici, les partisans ont assassiné des Oustachis dans les champs en 1945. Et dans les années 90 tout le village a accueilli des réfugiés de Bosnie. »
Kluj Brdovecki et sa jumelle slovène, Rigonce, sont devenus le nouvel abcès de la route des Balkans, dérivée ici depuis que Viktor Orban, le premier ministre hongrois, a décidé de fermer totalement sa clôture anti-migrants avec la Croatie, samedi 17 octobre. Un mois après avoir bloqué la section à la frontière serbe. Dès lundi, les premiers migrants sont amenés en Slovénie dans la plus grande confusion par les autorités croates qui comptent désormais sur ce petit pays alpin de 2 millions d’habitants, pour les emmener en Autriche. Plus de 60 000 migrants sont entrés dans le pays en une semaine. Alors que cette arrivée était prévisible, le chaos s’installe à la frontière et la tension monte entre les deux pays.
De vieux conflits autour du tracé frontalier
Mercredi, sous la pluie, des migrants traversent à la nage la petite rivière glaciale qui marque la frontière. Ces images font le tour du monde. La Slovénie accuse depuis les policiers croates de les avoir délibérément envoyés dans l’eau. Des accusations retournées par le gouvernement croate, qui a reproché aux Slovènes de manquer d’humanité en annonçant le déploiement de l’armée. Même si le soleil est revenu et la tension a baissé, cet épisode reste dans les têtes des deux côtés de la frontière, où les vieux conflits autour d’un tracé toujours contesté ne sont pas difficiles à ranimer. « Les Slovènes racontent n’importe quoi, ce sont eux qui n’ont pas empêché les migrants d’aller dans le fleuve », peste Alan. « Les Croates nous envoient les migrants pour se venger », grogne en face un Slovène venu voir de ses propres yeux le flot d’arrivées des réfugiés.
Les migrants continuent d’être conduits par train entier, jour et nuit, depuis la Serbie. Huit mille devaient encore passer ici pour la seule journée de samedi. Mais, sur le terrain, les polices des deux pays semblent désormais se coordonner pour réguler les arrivées. Les migrants doivent descendre du train côté croate, marcher 2 kilomètres jusqu’en Slovénie, attendre, puis marcher à nouveau vers plusieurs camps successifs, qui sont autant de moyens de réguler le flux, avant d’être enregistrés officiellement, puis d’embarquer dans des trains ou dans des bus pour l’Autriche. Samedi soir, près de 40 000 migrants avaient ainsi quitté la Slovénie pour l’Allemagne.
« Les policiers nous interdisent de monter dans les voitures »
Même s’il fait très froid la nuit, les réfugiés semblent par ailleurs désormais disposer de nourriture et de couvertures en quantité suffisante. « Maintenant, c’est beaucoup mieux organisé, la situation est sous contrôle et le travail entre les ONG mieux coordonné. Les réfugiés peuvent voir des médecins s’ils le souhaitent », témoigne Mario Belovic, journaliste pour le quotidien Delo, qui a décidé de poser des congés toute la semaine pour venir distribuer de la nourriture et de l’eau aux migrants. Un camp avec des tentes chauffées et des matelas est même en cours de construction et devrait être terminé dans les tout prochains jours.
Malgré cette organisation, il faut toujours plusieurs heures pour passer toutes ces étapes, les autorités slovènes enregistrant tous les migrants. En pleine campagne, les migrants marchent d’un camp à l’autre encadrés par des CRS et des policiers à cheval. Les femmes, les enfants et les personnes âgées ont souvent du mal à suivre. Mustafa, un Irakien de 35 ans qui avance très lentement avec sa mère, âgée de 58 ans, qui éprouve le plus grand mal à marcher, assure qu’il ne regrette rien. « Elle a beaucoup de palpitations cardiaques et c’est difficile, mais la situation est tellement plus dure en Irak », explique cet orthopédiste qui compte sur ces économies pour lui payer dès que possible un taxi. « Le problème est que les policiers nous interdisent de monter dans les voitures. »
Autour d’eux, des dizaines de villageois viennent observer la situation et se demandent combien de temps cela peut-il bien durer. « Au moins des mois », pense Anka, qui habite la première maison côté slovène et qui vient chaque soir apporter des vêtements en famille. Même si elle les aide volontiers, cette assistante sociale de 42 ans ne sait pas trop encore quoi penser de tous ces migrants. « L’autre jour, je n’ai même pas pu aller au travail car ils étaient trop nombreux et je suis un peu inquiète pour mes trois enfants », observe-t-elle. D’autres ne cachent pas leur hostilité envers ces réfugiés très majoritairement musulmans. Tous se demandent si l’hiver et la neige vont ralentir les arrivées.
Pour rassurer la population, des centaines de militaires et de policiers ont été déployés. Mais le gouvernement slovène assure ne pas avoir les moyens de continuer comme ça longtemps. Des matchs de foot ont dû être suspendus ce week-end faute de forces de l’ordre disponibles, et la Slovénie assure dépenser 770 000 euros par jour. Le gouvernement espère bien obtenir de l’aide de l’Europe dimanche 25 octobre, lors du sommet extraordinaire sur les migrants organisé à Bruxelles. Pour autant, personne ne croit que le pays serait prêt à fermer la frontière avec une clôture, comme l’a pourtant laissé entendre le premier ministre slovène. « Ce serait impossible, il y a 600 kilomètres de frontière, dont des parties en montagne, on aura jamais assez de policiers pour la surveiller », explique Mario Belovic.
Jean-Baptiste Chastand (Kljuc Brdovecki, Croatie, envoyé spécial)
Journaliste au desk Europe du Monde
* Le Monde.fr | 24.10.2015 à 22h46 • Mis à jour le 25.10.2015 à 14h33 :
http://lemonde.fr/europe/article/2015/10/24/la-frontiere-croato-slovene-nouvel-abces-de-la-route-des-migrants_4796470_3214.html
L’Europe sous pression face à un nouvel afflux de réfugiés dans les Balkans
L’Europe n’en a pas fini avec la crise des réfugiés. La crainte d’une fermeture de toutes les frontières européennes, un temps calme sur la mer Egée, ainsi que, selon les Nations unies, l’offensive de l’armée syrienne, appuyée par l’Iran et par la Russie, contribuent à un nouvel afflux. D’après l’ONU, environ 35 000 personnes ont fui notamment la région d’Alep ces derniers jours.
Du 16 au 18 octobre, près de 28 000 personnes sont arrivées sur les côtes grecques, souligne l’Organisation internationale pour les migrations. Sur les 643 000 migrants qui ont rejoint le territoire de l’UE par la mer depuis le début de l’année, plus de 500 000 sont arrivés en Grèce, selon des chiffres publiés mardi 20 octobre par l’ONU. C’est plus que lors du pic de l’été, qui avait forcé les Etats européens à prendre des premières mesures.
Sur la route des Balkans, empruntée par les réfugiés qui veulent gagner l’Autriche, la Suède et, surtout, l’Allemagne, la situation s’est encore compliquée. La fermeture par la Hongrie de sa frontière avec la Croatie, le 16 octobre, un mois après celle de la frontière avec la Serbie, a provoqué un effet domino similaire à celui observé durant l’été.
La Slovénie est désormais en première ligne. Selon un communiqué du gouvernement, le pays a accueilli 19 500 personnes depuis vendredi – dont 5 % de malades. La plupart des demandeurs d’asile évitaient les postes-frontières officiels saturés et se débattaient dans le froid et la pluie.
Situation « sous contrôle »
Les autorités slovènes, qui en appellent au soutien de l’UE, affirmaient, mardi soir, avoir la situation « sous contrôle » et démentaient la fermeture de leur frontière, même si le ministre de l’intérieur l’avait évoquée. Les pouvoirs d’intervention de l’armée, actuellement limités à une assistance logistique, ont été accrus. Le premier ministre centriste, Miro Cerar, a assuré que « cela ne signifie pas un état d’urgence ». Mais, a-t-il souligné, « il est illusoire d’attendre d’un pays de 2 millions d’habitants qu’il puisse arrêter, gérer et résoudre ce que des pays beaucoup plus grands n’ont pas réussi à faire ».
Au moins 12 100 migrants se trouveraient dans le même temps en Serbie, et 10 000 en Macédoine. Une nouvelle perspective se dessine : l’ouverture d’une route partant de la Grèce vers les côtes dalmates, via l’Albanie et le Monténégro.
La situation inquiète fortement les responsables européens à peine remis de leurs discussions houleuses sur le partage de 160 000 réfugiés et espérant, au moins, le soutien de la Turquie. Des négociations sont en cours pour éviter que cette dernière ne laisse partir vers l’Union « ses » 2 millions de réfugiés syriens en échange d’une aide de 3 milliards d’euros, de la promesse d’une reprise des négociations d’adhésion et d’une libéralisation des visas pour certains citoyens.
Les autorités de l’Union tentent aussi d’amener Ankara à accepter des accords de réadmission. La clause d’un accord de 2013 conclu avec Bruxelles et visant au renvoi à la Turquie de ressortissants non turcs devrait s’appliquer avant la date prévue (2017) et des accords semblables, conclus entre la Turquie et la Grèce, ainsi qu’entre la Turquie et la Bulgarie, devraient enfin produire leurs effets.
C’est du moins l’espoir de la Commission européenne. Qui en a un autre : que les plans de répartition de réfugiés qu’elle a difficilement fait accepter fonctionnent. Or, aujourd’hui, un élément clé du dispositif est remis en question : les « hot spots ». Ces centres d’enregistrement et d’identification sont confrontés aux réticences des réfugiés. « Si cela continue, tout ce que nous avons fait n’aura servi à rien et le système s’effondrera », explique au Monde un responsable de haut rang.
Lire aussi : Comment fonctionneront les « hot spots » censés gérer l’accueil des migrants en Europe ?
Pays « de première ligne »
Destinés à aider les pays dits « de première ligne », les « hot spots » centralisent l’action de diverses agences européennes (Frontex, Eurojust, Europol, Bureau d’asile) et sont censés accélérer les procédures d’asile. L’un d’eux fonctionne à Lampedusa, en Italie, l’autre à Mytilène, en Grèce. Trois autres centres doivent ouvrir en Italie, quatre en Grèce.
Problème : en Grèce, où ont désormais lieu la plupart des arrivées, de très nombreux demandeurs refusent de se soumettre aux procédures conduisant à l’obtention du statut de réfugié. Ils redoutent de devoir rester dans ce pays ou d’être relocalisés dans un Etat où ils ne veulent pas se rendre. Le Luxembourg, par exemple, peine à trouver la… cinquantaine de réfugiés qu’il a accepté d’héberger. L’immense majorité des Syriens, Erythréens ou Irakiens veut se rendre en Allemagne ou en Suède. Ils sont conscients que, de toute façon, seulement 70 000 d’entre eux feront l’objet d’une répartition, alors qu’ils sont sept fois plus à avoir accosté sur les côtes helléniques. Ils préfèrent donc tenter leur chance en embarquant pour le Pirée depuis les îles grecques, puis en empruntant la route des Balkans.
Leur refus de demander la protection internationale empêche l’accord politique conclu entre les Etats d’être appliqué et rend illusoire toute idée d’un mécanisme permanent de relocalisation. « Il faut leur faire passer le message que, grâce à la relocalisation, ils pourront recommencer une nouvelle vie et que c’est seulement par le biais d’une demande d’asile qu’ils y parviendront », explique le ministre luxembourgeois Jean Asselborn, actuel président du conseil des affaires étrangères. De nombreux réfugiés savent toutefois qu’ils seront privés des droits liés à leur statut (logement décent, éducation pour leurs enfants, aides sociales…) s’ils refusent le pays qui leur est désigné. Mais ils préfèrent tenter d’obtenir ces droits dans le pays de leur choix. A condition, désormais, d’y arriver.
Un sommet consacré à la question des migrants le 25 octobre
Un sommet consacré à la question des migrants, en présence des chefs d’Etat ou de gouvernement d’Autriche, de Bulgarie, de Croatie, de Macédoine, d’Allemagne, de Grèce, de Hongrie, de Roumanie, de Serbie et de Slovénie, ainsi que de la Commission européenne aura lieu dimanche 25 octobre.
« Etant donné la situation d’urgence que connaissent les pays situés sur l’itinéraire des migrants à travers les Balkans, il importe de coopérer beaucoup plus, d’avoir davantage de consultations approfondies, et des mesures d’action immédiate », Jean-Claude JUncker, président de la Commission.
Benoît Vitkine
Journaliste au Monde
Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Journaliste au Monde
* LE MONDE | 21.10.2015 à 11h47 • Mis à jour le 21.10.2015 à 16h23 :
http://lemonde.fr/europe/article/2015/10/21/les-refugies-toujours-plus-nombreux-dans-les-balkans_4793863_3214.html