Le 20 août dernier, information révélée ce mercredi 14 août par le journal 20 minutes, le Tribunal de Grande instance de Tours a pris acte, à la demande d’une personne intersexuée, de « l’impossibilité de rattacher l’intéressé à tel ou tel sexe », ce qui revient en réalité à accepter l’idée qu’il n’existe pas seulement deux sexes, deux catégories bien distinctes, mais au moins un troisième le « neutre » puisque c’est ce qui sera apposé sur l’Etat civil de cette personne. Enfin, pas immédiatement, car le parquet de Tours a aussitôt fait appel de la décision du TGI par peur que ce jugement ne vienne entâcher la sacro-sainte différence des sexes.
Car, pour l’Etat français, il n’existe que deux sexes : homme et femme, et chaque personne doit pouvoir y être rattaché : la mention de femme ou d’homme figure sur votre état civil ; pas moyen d’y échapper même si comme 1,7% de la population vous êtes néE intersexuéE, c’est-à-dire que votre sexe ne peut pas être déterminé sur le plan biologique de façon unilatérale, que votre développement sexuel chromosomique, gonadique et anatomique est atypique et que les marqueurs de la différenciation sexuelle ne sont pas tous clairement masculins ou féminins, que votre génotype (la composition génétique) ne correspond pas à votre phénotype (l’apparence physique). Dans ce cas bien précis, le médecin décidera pour vous si vous êtes un homme ou une femme. Depuis 2011, une circulaire lui permet un délai de deux années de plus pour décider si l’enfant est de sexe masculin ou féminin. Mais assigner un sexe n’est pas suffisant, cette assignation s’accompagne d’opérations chirurgicales pour enlever tout organe qui ne correspondrait pas à votre sexe, c’est-à-dire qu’on opère sans raisons médicales à priori, ce qui de fait revient à la mutilation de corps d’enfants parce qu’ils ne correspondents pas à cette binarité soi-disant biologique.
Au-delà de l’intersexuation, le problème est bien qu’aujourd’hui les sexes hommes et femmes, soi-disant vérités biologiques, sont très difficile à définir biologiquement, comme on a encore pu le voir récemment sur les compétitions sportives. En vérité nous sommes toutEs porteurSEs à la fois de caractéristiques mâles et femelles. Les tests de féminité mis en place par les compétitions sportives qui veulent prendre des critères objectifs (hormones, morpphologie, chromosomes, etc.) se retrouvent avec des résultats démontrant la difficulté de classer l’ensemble des êtres humains en seulement deux sexes distincts. La catégorification en deux sexes biologiques différents (et donc soi disant complémentaires) conduit à penser que tout ce qui se trouve entre les deux serait « raté » au regard de la norme lié à la faculté de reproduction, et donc à corriger, à mutiler. Mais, plus la science avance, plus on commence à découvrir que ce qu’on croyait une vérité immuable — la division des sexes — est elle aussi une construction sociale, puisque nous sommes touTEs à un certain degré intersexuéEs, par notre système endocrinien par exemple Parce qu’il y aurait en réalité un large spectre avec des variations différentes. Donc, oui il y a une différence des sexes, mais il n’y a certainement pas deux sexes, mais bien des dizaines. C’est évidemment important puisque c’est sur cette binarité de sexes qu’est fondée la binarité de genre (les catégories sociales hommes et femmes) et donc la justification idéologique du système patriarcal.
Si le jugement n’est pas modifié par la cour d’appel, il s’agira d’une première étape dans la reconnaissances des personnes intersexes, mais il faudra aller plus loin : l’arrêt des mutilations sur les enfants, le droit à l’auto-détermination des personnes intersexes à choisir et non à être assignéE par d’autres (corps médical ou parent) et à terme c’est bien la disparition des catégories « hommes » et « femmes » qui ne se justifient pas biologiquement et encore moins ne devraient se justifier socialement.
Mimosa Effe