Pourtant il ne faut pas croire que Ebola n’a pas intéressé ceux qui dirigent le monde. Il a intéressé... mais d’une manière très particulière. Dans la suite de l’effondrement du World Trade Center en 2001, des enveloppes remplies d’anthrax sont postées aux USA. Dans le cadre de la lutte contre le bio-terrorisme, le département d’État et l’armée américaine ont fait toutes les études préliminaires pour un candidat-vaccin contre Ebola. Une époque impérialiste et impériale, où la militarisation est une donnée constante, y compris dans le domaine de la santé ! Restait à faire tout ce que fait l’industrie pharmaceutique, c’est-à-dire les essais cliniques, le développement et la production. Ils n’ont jamais été faits... Une firme, GSK, Glaxo Smith Kline, a même été chargée de suivre ce candidat-vaccin. Mais aucun essai clinique n’a été effectué sur l’homme avec les molécules mises alors au point.
« Une maladie de pauvres dans des pays pauvres »
Marie-Paule Kieny, sous-directrice générale de l’OMS, en avoue les raisons : la fièvre Ebola est « typiquement une maladie de pauvres dans des pays pauvres, dans lesquels il n’y a pas de marché » pour les firmes pharmaceutiques. Trop cher et pas rentable pour les laboratoires pharmaceutiques. Ce qui fait dire à Marie-Paule Kieny que « d’un point de vue technique, nous ne sommes pas en train de parler de choses extrêmement difficiles. C’est un échec de la société basée sur le marché, celui de la finance et des profits »...
Cynisme ? Repentir ? Sur la BBC, en novembre 2014, le Professeur Ripley Ballou, chef du programme de recherche vaccinale Ebola pour GSK, avoue qu’en mars 2014, soit quatre mois après le début de l’épidémie, une réunion a eu lieu entre l’OMS et GSK. « Nous avons eu une rencontre avec l’OMS, et nous avons convenu qu’il n’était pas utile de développer le vaccin Ebola. (…) Nous en avons conclu à la nécessité d’une simple surveillance épidémiologique ». « Personne n’a anticipé qu’on allait avoir besoin d’un vaccin », a affirmé le Docteur Ballou. « Avec le recul, on aurait dû appuyer sur la détente plus tôt »... Personne ? Une maladie de pauvres dans un pays pauvre n’intéresse personne ! Mais quand l’épidémie devient hors de contrôle et menace les pays riches, les crédits affluent…
La bourse ou la vie ?
En août 2014, quand l’OMS a déclaré enfin l’épidémie d’urgence sanitaire mondiale, les start-up pharmaceutiques comme Sarepta, BioCryst, NanoViricides, Mapp Bio et autres Tekmira, qui possédaient des candidats-vaccins, des cocktails d’antiviraux ou des anticorps monoclonaux contre Ebola, ont vu le cours de leurs actions exploser en bourse.
Cependant, souvenons-nous de la déclaration de Peter Piot, le co-découvreur du virus Ebola : « Une fois l’épidémie terminée, il n’y aura plus d’efforts d’investissement dans la recherche sur les traitements et les vaccins. Lorsqu’une nouvelle épidémie surviendra, rien ne se sera passé. Après celle de 1976, l’OMS avait affirmé vouloir mettre sur pied une équipe d’intervention internationale. L’initiative est restée lettre morte ». Dans cette déclaration d’août 2014, il plaidait aussi pour un financement par l’aide au développement d’une recherche visant à fournir des traitements gratuits sous la responsabilité de l’OMS.
Frank Cantaloup