C’est la traduction de ce que l’on ressentait pendant la campagne : les meetings athéniens de la gauche montraient une mobilisation en baisse, 1 000 à 2 000 pour Antarsya-EEK et 5 000 à 6 000 pour Unité populaire. Si le KKE et Syriza ont rempli la place Syntagma, eux aussi ont réuni moins de monde qu’en janvier.
Syriza renforcé
Les perspectives étaient peu radieuses : face à Tsipras qui demandait avant tout une seconde chance, il a manqué une logique unitaire convaincante pour offrir des perspectives même électorales. Dans ce climat, le risque était grand d’une victoire de la droite et d’un renforcement de l’ensemble des partis promémorandum.
Dimanche, dans les urnes, Syriza a obtenu 1,926 million de voix, 35,5 %, et 145 sièges (en janvier : 2,246, 36,3 et 149) ; Nouvelle Démocratie (la droite) : 1,526 million, 28,1 % et 75 sièges (1,717, 28,1 et 76) ; Aube dorée (de véritables nazis) : 379 500, 7 %, et 18 sièges (388 000, 6,3 % et 17) ; le Pasok : 341 400, 6,3 %, et 17 sièges (289 500, 4,7 % et 13) ; le KKE : 301 600, 5,5 %, et 15 sièges (338 000, 5,5 %, 15) ; Potami (droite ultra libérale) : 222 200, 4,1 %, et 11 sièges (374 000, 6 % et 17) ; Unité populaire : 155 300 voix, 2,9 % ; Antarsya-EEK : 46 100, 0,9 % (42 000, 0,6 %).
Adoucir le mémorandum ?
Les raisons de la victoire de Syriza, incertaine il y a deux semaines, tiennent à plusieurs causes. En positif, il y a d’abord un réflexe anti-droite, la droite voulant revenir sur les quelques acquis des 8 mois écoulés. Mais il y a aussi de la résignation : la nécessité de subir le mémorandum, avec l’espoir que les promesses de Syriza d’adoucir les mesures imposées seront tenues… En tout cas, il est clair que Syriza continue à recueillir un suffrage populaire et ouvrier.
Le vote Aube dorée est en fait en baisse, et cela depuis 2012 (où ils recueillaient 426 000 voix). Mais cette tendance à la baisse est contrée par leurs scores importants sur des îles où affluent les réfugiés : 7 200 voix dans le Dodécanèse (5 600 en janvier) ; 4 200 à Mytilène sur l’île de Lesbos (2 800 en janvier)... Quoi qu’il en soit, un tel score est une horreur, une semaine après que leur chef a revendiqué la « responsabilité politique » du meurtre du rappeur Fyssas en 2013...
Les autres partis promémorandum sont en chute, et si le Pasok semble augmenter sensiblement, il profite de l’absence du parti de Papandreou (152 500 voix en janvier).
Mobiliser et débattre
À gauche de Syriza, c’est la morosité, pour ne pas dire plus : le KKE, qui croyait enfin progresser, recule encore. Et surtout Unité populaire subit un échec à priori surprenant : donnée à 8 % avec 25 députés dans les sondages fin août, elle descend sous les 3 % et n’accède donc pas à l’Assemblée. Les causes sont à creuser : son programme, qui est resté centré sur le retour à la drachme, son refus d’une campagne unitaire avec Antarsya qui respecte l’autonomie de la coalition anticapitaliste, mais aussi un positionnement auquel très peu d’électeurs déçus de Syriza ont adhéré. Enfin, si Antarsya progresse, son score reste bien faible malgré une bonne campagne.
Tsipras a annoncé un nouveau gouvernement Syriza-Anel dans la lignée du précédent. L’enjeu est de préparer des campagnes unitaires pour mobiliser largement à gauche contre les mesures issues du troisième mémorandum. Ce sera aussi l’occasion de débattre des questions de fond !
D’Athènes, A. Sartzekis
* « Grèce : Secoué mais pas battu… ». Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 304 (24/09/2015) : http://www.npa2009.org/
Elections en Grèce : les signes du découragement
Au terme d’une campagne électorale assez morne, avec une gauche militante ayant le plus grand mal à convaincre de la possibilité d’une victoire sociale et politique contre les memorandums passés et à venir, les résultats des élections législatives sont assez déprimants.
Certes, la victoire de Syriza est plus large que ce qu’on pouvait penser : la réaction anti-droite et sûrement anti-nazis a été déterminante dans une victoire qui se révèle comme fort large. En effet, avec 99,5% des suffrages dépouillés, Syriza obtient 35,47 % (145 sièges, contre 36,34% et 149 sièges en janvier). Pour comprendre ce score étonnant, il faut rappeler que la haine du bipartisme PASOK /droite même relooké et qui a sévi pendant des décennies, que le soutien même critique de militantes exemplaires comme K. Kouneva, cette syndicaliste vitriolée par des nervis patronaux en raison de sa combativité, ont été déterminants pour le vote de la plus grande partie du ’’peuple de gauche’’ qui a voté hier.
Du coup, la droite, qui espérait en plaçant à sa tête un homme moins impopulaire que l’ancien premier ministre Samaras, se retrouve sans aucun progrès : 28,09 % avec 75 députés (27,8 et 76 en janvier).
A partir de là commencent les résultats accablants, et tout d’abord, le score apparemment en hausse des nazis : Chryssi Avgi serait à presque 7 % , avec 18 députés (6,05% et 17 en janvier). Or, non seulement les chefs de ces assassins sont en attente de procès (mais libérés), mais leur Führer vient de revendiquer , juste avant les élections, la ’’responsabilité politique’’ de l’assassinat du rappeur Fyssa, tué il y a deux ans par un de leurs militants que, grand classique de ces mafieux, le chef présente -en mentant, bien sûr- comme seulement ’’sympathisant’’ des hordes d’horreur. Il est clair que ce résultat implique une action forte, résolue et immédiate contre des tueurs qui ont lors de la campagne agressé des militant-e-s de gauche.
Si le KKE ne profite finalement pas du malaise à gauche (5,55 % et 15 sièges, mêmes chiffres qu’en janvier), les petits partis promemorandum autres que la Nouvelle Démocratie progressent légèrement : le PASOK, laminé en janvier (4,68 et 13 sièges) obtient 17 sièges avec 6,28% ; Potami, haineusement promemorandum, baisse un peu (4,09% et 11 sièges au lieu de 6,05% et 17 sièges), mais c’est pour laisser un peu de place à un parti de même type mais renfermant des fascistes , Enosi ton Kentroon, 3,43 % et 9 sièges. Quant au parti de droite extrême, ANEL , qui cogouvernait avec Syriza, il passe le seuil des 3% nécessaire pour avoir des députés : 3,43% et 9 sièges (4,75% et 13 en janvier)
Quant à Unité Populaire (LAE), le regroupement sorti sur la gauche de Syriza cet été, il obtient 2,86 %. On aurait souhaité qu’il passe les 3%, pour que ce parlement dispose d’une voix de gauche réelle et pas trop sectaire. Mais dans tous les cas, il est clair que ce regroupement a échoué dans sa tentative de se porter comme le ’’successeur naturel’’ du projet de Syriza, et il faudra en tirer les bilans : sorti de Syriza avec 25 députés (3e groupe parlementaire) et crédité de 8 % des voix fin août, il a échoué pour différentes raisons à offrir une alternative de gauche crédible, et justement peut-être parce que manque sur le fond une critique radicale du projet Syriza.
Cette critique, elle est portée depuis longtemps par le regroupement Antarsya, qui a fait le choix de de construire un rassemblement anti-capitaliste indépendant. Amené à présenter des listes autonomes en raison du refus de la direction de UP d’une association électorale UP/Antarsya, Antarsya a mené , en lien avec le groupe EEK, une campagne de terrain battante, ignorée par les medias (le quotidien Efimerida ton Syntakton, journal de référence, a tu ses initiatives pour mieux couvrir celles de Syriza et d’UP). Son résultat (0,85 contre 0,64 en janvier), est loin d’être négligeable pour l’organisation anticapitaliste (à laquelle participe activement OKDE Spartakos, section grecque de la IVe Internationale), et cela la met en situation de proposer à la gauche antimemorandum (dont une partie a voté Syriza) des initiatives pour bloquer les mesures voulues par le ’’quartet’’ : vu les résultats de ce soir, cela relève de l’urgence, et il est vital de savoir proposer dans ce contexte des cadres de front unique ouvrier !
Deux remarques : d’une part, ce sont de 6,41% des électeurs ayant voté pour un parti qui ne se voient pas en cet instant représentés (ainsi : UP, Antarsya …). Et encore plus inquiétant : l’abstention a spectaculairement progressé depuis janvier (43,5 %, contre 36,4%), signe du découragement entraîné par les retournements de Syriza une fois au pouvoir, mais aussi du manque de crédibilité électorale de la gauche antimemorandum, que ce soit le KKE, UP ou Antarsya. Dans un tel contexte, il faudra se rappeler que la moitié des électeurs ne sont pas représentés dans ce parlement, entre abstentionnistes, blancs ou nuls et les 6,41 mentionnés ! Et parmi eux, à l’évidence, de très nombreux jeunes. D’où le constat évident : il est urgent de faire revivre le terrain des luttes : quoi qu’il en soit du futur gouvernement, les choses décisives se passeront encore moins qu’avant au parlement !
Athènes, 21 septembre 2015, 9 heures
A. Sartzekis
* Lundi 21 septembre 2015, mise à jour Mardi 22 septembre 2015, 15:10 :
http://www.npa2009.org/actualite/elections-en-grece-les-signes-du-decouragement