Le 5 mai 2015 se déroula une grande journée de grève du personnel de l’école publique en Italie. Les enseignant·e·s – rejoints dans leur mobilisation par de nombreux étudiants et parents d’élèves – ont revendiqué le retrait de la contre-réforme scolaire du premier ministre Matteo Renzi, le projet nommé « Bonne école ». Des mobilisations « officielles » se sont déroulées dans sept villes d’Italie (Aoste, Milan, Rome, Bari, Catane, Palerme et Cagliari), mais de nombreuses initiatives et manifestations ont eu lieu d’autres villes italiennes, comme Turin, Bologne et Naples. La participation a été massive. Le 6 mai 2015 un reportage, paru sur le site internet du quotidien de la Confindustria, Il Sole 24 Ore, annonce qu’au moins 500’000 manifestants sont descendus dans les rues, dont 100’000 à Rome et 30’000 à Milan. Il est possible que ce nombre soit plus élevé. Les syndicats déclarent une adhésion à la grève à hauteur de 80%. Dans des villes comme Florence ou Milan l’adhésion a atteint même 90% dans certains centres scolaires.
La grève du 5 mai 2015 a été suivie récemment par deux autres mobilisations. D’une part, le collectif « enseignants en colère » de Turin a organisé une manifestation de protestation le 9 mai à Turin et dans d’autres villes d’Italie, telles que Vérone, Milan, Latine, Gênes, Catane et Oristane. Elle a été nommée la « Journée de l’orgueil et de la dignité de l’école publique ». Ce collectif a amené dans les rues beaucoup des ballons rouges symbolisant le « cœur palpitant » qu’est l’école publique italienne. Cette occasion a été saisie pour demander, à nouveau, le retrait du projet de Renzi et pour échanger ainsi que débattre de la dégradation des conditions de travail et d’enseignement.
D’autre part, une mobilisation des étudiant·e·s s’est développée le mardi 12 mai 2015. Cette date coïncide avec les épreuves INVALSI, à savoir des épreuves nationales, sous forme de multiple choice, de mathématique et de langue italienne pour les élèves de la troisième année de l’école secondaire. Le but de ces épreuves est de déterminer le niveau scolaire d’un élève et de le « diriger » ainsi dans les écoles jugées les plus adéquates… selon les résultats de ce test ! Une large partie des étudiant·e·s a contesté les fondements même de ce type d’évaluation scolaire. Sous le mot d’ordre « nous ne sommes pas des croix », les associations étudiantes affirment être « contre un modèle d’évaluation sélectif qui vise à hiérarchiser les différentes institutions scolaires et à augmenter les inégalités. Nous voulons être évalués et non pas fichés. »
Selon un sondage indiqué par l’agence d’information ANSA-Italie, on estime que 46% des étudiants ont boycotté ces tests. Ce boycott s’est concrétisé par des manifestations organisées dans certaines villes d’Italie, notamment à Naples et Bologne où les étudiant·e·s ont manifesté à côté des enseignant·e·s en faisant la liaison entre ce système d’évaluation et le projet de « bonne école » de Renzi. Ils réclament le retrait des deux. Toutes ces mobilisations s’inscrivent dans un long parcours de luttes des enseignant·e·s, des parents et des étudiant·e·s contre ce projet libériste. Elles se sont intensifiées depuis l’été 2014 et elles ont été construites par en bas, avec beaucoup d’initiatives spécifiques : constitutions des groupes autonomes de coordination des enseignants au niveau national, assemblées dans les régions, débats et manifestations ainsi que deux journées de grève de l’école, le 10 octobre 2014 et le 12 mars 2015.
Or, face à ces mobilisations, Renzi a préféré attendre la grève du 5 mai pour convoquer d’urgence les trois centrales syndicales (CGIL, CISL et UIL) à une réunion portant sur le projet de « bonne école ». Les syndicats du secteur de l’éducation – Flc-Cgil, Cisl école, Uil école, Gilda, Snals et Cobas – jugent cette rencontre « négative », car Renzi et ses collaborateurs n’ont fait qu’illustrer les amendements au projet (environ 2’000) qui seront discutés au Parlement dans les prochains jours. Ceux-ci ne modifient pas le fond du projet. Face à cette attitude et à cette arrogance du gouvernement les syndicats n’excluent pas d’autres journées de grève. Afin de saisir le climat et le sens de ces mobilisations, nous revoyons au compte rendu de l’importante journée de grève de l’école du 5 mai écrit par un enseignant de Rome [1].
Rédaction de A L’Encontre