Le 26 mars 2015 à minuit des avions de combat appartenant à dix pays arabes et musulmans (Pakistan), commandés par l’Arabie saoudite, ont effectué leurs premiers raids au Yémen. Le prétexte est de faire face à une milice confessionnelle yéménite (les rebelles houthis), liée à un Etat étranger, à savoir la République islamique d’Iran, qui essayerait de prendre le contrôle sur l’ensemble du pays, et de faire un coup d’Etat contre l’autorité légitime incarnée par le président de la République Abed Rabbo Mansour Hadi, dont l’intervention n’est soi-disant qu’une réponse favorable à sa requête.
D’une part cette campagne militaire a trouvé un bon écho auprès de gouvernements occidentaux impérialistes, et d’autre part elle a suscité une solidarité particulièrement intense chez la plupart des gouvernements arabes. Le sommet tenu à Charm El-Cheikh avec une hâte surprenante, moins de deux jours après le début des opérations militaires, a été marqué par la présence de la grande majorité de ces gouvernements arabes. En plus de la décision de soutenir l’attaque contre le Yémen jusqu’à la réalisation des objectifs initiaux, à savoir l’élimination de la rébellion des houthis et leur désarmement en vue de rétablir l’autorité légitime dirigée par le président Hadi, ce sommet a pris une décision curieuse concernant la constitution d’une force militaire commune. Cette force doit d’un côté faire face à ce que ces gouvernements considèrent comme un danger menaçant la nation dans son ensemble, et, de l’autre, lui garantir la protection ; en réalité ils visent avant tout la protection des différents régimes en place. Et ce notamment après la recrudescence, au cours des dernières années, de mobilisations populaires à l’échelle de la région arabe-maghrébine visant la destitution de ces régimes.
Ce n’est certes pas la première fois que l’Arabie saoudite s’ingère dans les affaires du Yémen. Déjà dans les années 1960 elle s’est activée pour défendre, avec tous les moyens dont elle dispose y compris militaires, le système de l’imamat contre la révolution yéménite, qui bénéficiait de l’appui militaire et financier égyptien sous Nasser. Il ne faut pas oublier non plus le rôle qu’elle a joué récemment pour contrecarrer le soulèvement pacifique de la population yéménite, et ce, à travers la pression qu’elle a exercé conjointement avec les autres pays du Conseil de coopération du Golfe en vue d’imposer un règlement qui ne va pas au-delà du départ d’Ali Abdullah Saleh du pouvoir, tout en maintenant le régime sans changements sérieux. C’est ce qui a facilité que Saleh s’allie aux houthis, en dépit d’une longue lutte contre eux, pour prendre le contrôle de la capitale Sanaa il y a quelques mois, puis de la plupart des provinces et régions du Yémen, avant les récents développements spectaculaires que connaît le pays. Pourtant les houthis sont forts du soutien iranien et roulent maintenant pour l’autorité des mollahs et des ayatollahs et leurs aspirations impériales nationalistes, qui se couvrent d’idéologie religieuse et n’hésitent pas à utiliser les facteurs confessionnels diviseurs pour réaliser leur projet.
Cependant, l’attaque saoudienne en cours contre le Yémen diffère clairement des précédentes. Riyad, ayant bénéficié de l’expérience de l’administration américaine en matière des ses campagnes néo-impérialistes depuis la guerre en Irak en 1991, a impliqué dans ses raids aériens neuf autres pays, dont au moins un non arabe (le Pakistan), et s’est empressé de convoquer tous les pays de la Ligue arabe, à l’exception de la Syrie, au sommet susmentionné. C’est sans doute pour les engager dans une mobilisation de leurs forces armées dans une guerre terrestre très coûteuse et très complexe, qui sera lancée sur le territoire yéménite probablement à une date ultérieure, et qui durera probablement plusieurs mois, le pays étant caractérisé par ses terrains accidentés et ses montagnes escarpées. Une guerre susceptible de provoquer un conflit civil confessionnel dont l’étincelle, rien ne peut l’exclure, pourrait embraser d’autres pays arabes, et même non arabes. Ceci conjointement avec une course effrénée à l’armement dans la région, tandis que les plus grands bénéficiaires du commerce des armes sont les pays impérialistes et leurs institutions militaires. Sans parler des réactions dangereuses dont personne ne peut prédire les implications dans une région qui regorge de richesses inestimables cependant sous domination impérialiste.
Il est par ailleurs évident que les premières victimes de cette attaque sont et seront des civils, qui n’ont rien à voir avec l’une ou l’autres des parties au conflit, et qu’elle causera, en plus des pertes humaines, une dévastation des sites urbains et des infrastructures, et un amenuisement des capacités militaires du peuple yéménite. Ceci concerne un pays parmi les plus pauvres dans la région arabe, mais aussi dans le monde entier.
Enfin, il convient de noter que parmi les décisions prises par les dirigeants arabes lors de leur dernier sommet, il n’y en avait aucune qui concerne le peuple palestinien, bien que ce somment se soit tenu juste après la guerre israélienne contre Gaza. Celle-ci a engendré des pertes considérables en vies humaines et en infrastructures, alors qu’une grande majorité de la population venait juste de restaurer ses habitations détruites lors de guerres d’agression précédentes, en plus du fait que l’ennemi sioniste poursuit sa politique de colonisation accélérée en Cisjordanie et à Jérusalem, avec la démolition des maisons et des constructions, et la destruction au bulldozer de vergers et de terres agricoles palestiniens, ainsi qu’une continuation des mauvais traitements envers les Palestiniens, allant des assassinats à l’emprisonnement ou l’exil forcé… En dépit de tout cela, parmi les décisions des dirigeants arabes il n’y en avait aucune pour répondre à cette politique, même pas une élémentaire position de principe pour la condamner ou la dénoncer, à défaut de menacer de recourir aux diverses procédures approuvées par le droit international, entre autres l’usage de la dissuasion, l’encouragement des actes de résistance, et la mise à disposition des moyens de les mener au profit d’un peuple sous occupation sans fin, à cause de la trahison et la lâcheté des dirigeants arabes et de la médiocrité de ses propres directions.
En contraste avec la déclaration de guerre contre un pays arabe misérable tel que le Yémen, et la décision de former une force militaire arabe unifiée capable de s’engager dans différentes guerres — comprendre qu’elle ne sera pas dirigée contre l’Etat sioniste ou utilisée pour riposter à ses agressions mais dirigée plutôt contre des soulèvements populaires en territoires arabes —, les mesures effectives de solidarité avec le peuple palestinien se sont résumées à verser les tranches financières dues à l’autorité de l’accord d’Oslo en Cisjordanie !
Les organisations marxistes révolutionnaires signataires de cette déclaration, tout en dénonçant fortement les différents actes d’agression auxquels se sont livrés les houthis au Yémen en alliance avec l’appareil militaire toujours contrôlé par l’ancien tyran du Yémen, Ali Abdullah Saleh, et avec le soutien de la République islamique des mollahs d’Iran, condamnent avec les termes les plus forts l’agression récente criminelle et brutale du royaume saoudien et ses alliés, toujours en cours. Elles appellent à la cessation des hostilités de la part des différentes parties concernées et à leur retrait du Yémen avec l’engagement des différents pays étrangers, y compris l’Iran et les divers gouvernements du Golfe notamment l’Arabie saoudite, de verser des compensations financières en rapport avec les pertes énormes subies par le peuple yéménite ces dernières années, en raison des ingérences agressives de ces gouvernement dans les affaires du Yémen, qui appellent notre condamnation absolue. Nous appelons également à laisser la liberté au peuple yéménite d’exercer son droit à l’autodétermination, et de choisir librement la forme de pouvoir qu’il souhaite sans aucune contrainte ou ingérence étrangères.
Non à l’intervention réactionnaire étrangère au Yémen, que ce soit de la part de l’Iran ou de l’Arabie saoudite et ses alliés
Non à l’ensemble des traitres et des corrompus unis qui se sont réunis à Charm El-Cheikh
Non à l’appui impérialiste à cette nouvelle agression militaire réactionnaire
Non à la guerre civile ... Oui au droit du peuple du Yémen à l’autodétermination
Oui à toutes les formes d’aide pour la relance du processus révolutionnaire des masses populaires yéménites
Pour l’unité des masses laborieuses de la région arabe, de toutes les nationalités, toutes les confessions
Le 2 avril 2015
Organisations Signataires :
Socialistes révolutionnaires (Egypte)
Courant de la Gauche révolutionnaire (Syrie),
Union des Communistes en Irak
Courant Al Mounadil-a (Maroc)
Le Forum socialiste (Liban),
Ligue de la Gauche ouvrière (Tunisie)