Une cour de justice de Pékin a condamné, vendredi 17 avril, à sept ans de prison une journaliste, dernière illustration de l’offensive contre les milieux libéraux sous la présidence de Xi Jinping. Gao Yu, 71 ans et déjà deux emprisonnements derrière elle, était accusée de divulgation de secrets d’Etat pour avoir transmis à un média dissident une directive du Parti communiste chinois (PCC) concernant la mise au pas de la société civile, systématiquement soupçonnée d’être le « cheval de Troie » de l’Occident. Washington a appelé à sa libération immédiate vendredi soir.
Gao Yu avait été arrêtée il y a un an. Son entourage s’était inquiété de sa disparition après qu’elle eut manqué une réunion où devait être évoquée la répression du mouvement de Tiananmen. Son procès s’était déroulé en novembre dernier devant la troisième cour intermédiaire de la capitale, mais le verdict avait été mis en délibéré. « Ce procès n’a pas été équitable », a dénoncé par téléphone un de ses avocats, Mo Shaoping. La procédure impose notamment aux juges de rendre leur verdict sous trois mois, délai qui n’a pas été respecté. Surtout, ses soutiens jugent que Mme Gao n’a avoué que par inquiétude pour son fils, placé lui aussi un temps en détention.
Cette journaliste avait été condamnée une première fois à la suite des événements du 4 juin 1989, alors qu’elle était vice-rédactrice en chef d’une publication laissant la parole aux intellectuels réformateurs, L’Hebdomadaire de l’économie, mais avait été libérée un peu plus d’une année plus tard en raison de problèmes de santé. Elle avait à nouveau été jugée en 1994, avec une peine de six années de réclusion, puis avait retrouvé la liberté cinq ans plus tard, toujours en raison de son état physique. Mme Gao souffre de problèmes cardiaques, selon son avocat.
Directive antidémocratie
Les magistrats l’ont cette fois-ci jugée coupable d’avoir transmis à un groupe de médias dissident installé aux Etats-Unis, Mingjing, qui gère une maison d’édition et un site web, une directive émise en 2013 par les dirigeants du PCC et mettant en garde ses hauts cadres contre la démocratie constitutionnelle, les valeurs universelles, la société civile, l’historiographie faisant état des erreurs du parti unique ou encore la liberté de la presse. Le fondateur de Mingjing, Ho Pin, a nié auprès de l’agence Reuters avoir reçu de Mme Gao ce texte, baptisé « document 9 ». « Nous ne devons pas permettre la dissémination d’opinions s’opposant à la théorie du Parti ou à sa ligne politique, la publication de vues contraires aux décisions qui représentent la vision des dirigeants centraux, ou la diffusion de rumeurs politiques diffamant le Parti ou la nation », lit-on notamment dans cette directive.
Depuis son ascension au poste de secrétaire général du Parti communiste fin 2012, Xi Jinping n’a eu de cesse de renforcer le contrôle idéologique du pouvoir sur la société. Parallèlement, il fait taire les voix critiques. L’avocat Pu Zhiqiang, qui a notamment défendu l’artiste Ai Weiwei, en détention depuis le mois de mai 2014, attend son procès. Le professeur ouïgour (une ethnie turcophone musulmane du nord-ouest de la Chine) Ilham Tohti a été condamné à la prison à perpétuité en septembre dernier.
En incluant l’année déjà passée en détention depuis son placement en détention, Mme Gao devrait sortir à l’âge de 77 ans. La journaliste est restée calme à l’annonce de sa peine. « Elle n’a pas montré de colère ni paniqué. En quittant la salle, elle a dit qu’elle ferait appel », a déclaré M. Mo.
Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
Journaliste au Monde