L’adoption, en 2014, par la Russie de Vladimir Poutine de lois liberticides à l’encontre des ONG, forcées pour certaines de s’enregistrer comme « agents d’influence étrangère », a été suivie de près par Pékin, qui prévoit d’adopter d’ici à la fin 2015 une loi similaire. Elle vise à encadrer les ONG étrangères en Chine, ou les ONG chinoises assimilées comme telles parce qu’elles reçoivent des fonds de l’étranger. Certaines de ces structures sont enregistrées comme entreprises chinoises, d’autres comme bureau de représentation de sociétés étrangères. Certaines n’ont aucun statut.
La plupart de ces entités ne peuvent s’enregistrer comme des ONG chinoises à proprement parler : en dehors du secteur de l’environnement, de la culture ou du sport, il est difficile pour elles de trouver une tutelle (un organisme public chinois ou une association gouvernementale) qui accepte de les superviser. Après avoir longtemps subsisté dans une zone grise, certaines sont désormais clairement menacées. « C’est bien qu’il y ait une loi, remarque le responsable d’une ONG étrangère qui propose des formations à des acteurs de la société civile. Mais celle qui est en préparation s’inscrit dans la tendance des régimes autoritaires qui stigmatisent les ONG occidentales comme vecteurs de changements politiques. »
« Menace potentielle »
Le projet de loi, dans sa formulation actuelle – il circule dans les ambassades –, donne les pleins pouvoirs à la police et revient à légaliser des pratiques déjà en cours. Celle-ci pourra avoir un accès permanent aux locaux de l’organisation, à son personnel et à ses données, ou encore ordonner l’arrêt immédiat d’une activité. « Le fait que l’autorité de régulation devient le ministère de la sécurité publique [la police] au lieu du ministère des affaires civiles implique que les ONG sont fondamentalement considérées comme une menace potentielle à l’égard du gouvernement. C’est la première fois que l’on se retrouve avec quelque chose d’aussi global », réagit Anthony J. Spires, du Centre d’études sur la société civile de l’Université chinoise de Hongkong. Signe du climat répressif, deux employés d’ONG étrangères, un Français et un Britannique, ont été expulsés en février car leurs visas n’étaient pas compatibles avec leur statut.
La nouvelle loi prohibe tout financement étranger (ou en provenance d’ONG étrangères en Chine) d’activités qui « sapent la solidarité nationale et créent des tensions ethniques » ou bien « mettent en péril les intérêts nationaux », des notions élastiques qui, en Chine, peuvent être invoquées à tout moment. Or, les règlements existants rendaient déjà extrêmement difficile toute levée de fonds locale par les ONG chinoises. « Cela expliquait déjà que de nombreuses ONG dépendent de financements internationaux. Le gouvernement va fermer cette porte en imposant de nouvelles restrictions », estime Nicholas Bequelin, de Human Rights Watch à Hongkong.
Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)
Journaliste au Monde