L’unité nationale appelée de ses vœux par le chef d’Etat français, c’est une union mondiale des classes dirigeantes qui mènent une guerre sociale contre leurs peuples et défendent ensemble un ordre international marqué par l’injustice et l’oppression. A la tête de la manifestation, on pouvait reconnaître les responsables de gouvernements coupables de crimes de masse, de guerres néocoloniales et/ou d’attaques contre les droits démocratiques et sociaux de leurs peuples, de leur droit à la liberté d’expression, et attaqués des journalistes pour leurs idées politiques. Reporters Sans Frontière a dénoncé cette « récupération indigne », comme l’ont fait à leur manière d’autres manifestant-e-s, tels cet activiste syrien exilé en France qui avait écrit sur une pancarte : « pourquoi des criminels défilent avec nous ? »
Le même François Hollande qui se présente comme grand défenseur de la liberté a interdit l’été dernier des manifestations pour la Palestine et condamné des personnes pour y avoir pris part. L’Etat français détient toujours le plus vieux prisonnier politique d’Europe : le libanais George Abdallah. Il a lancé et soutenu des guerres impérialistes responsables de la mort de nombreux civils, mais aussi poursuivi des politiques racistes, en particulier contre les Roms et les populations musulmanes. Depuis qu’il est au pouvoir, le PS a déjà adopté deux lois qui restreignent les libertés démocratiques sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Enfin, comble du paradoxe, au lendemain de la manifestation du 11 janvier, de nombreux responsables politiques, à commencer par le premier ministre Manuel Valls, ont appelé à prendre des mesures plus strictes et à limiter davantage la liberté d’expression.
Le gouvernement français et les nombreux représentants d’autorités étrangères sont venus recouvrir d’un voile vertueux leurs politiques réelles : démantèlement social, politiques répressives à l’égard des migrants, responsables notamment de milliers de noyades en Méditerranée, ghettoïsation des quartiers, mesures racistes, envolées nationalistes, entreprises impérialistes et soutien à de nombreux pays qui violent le droit international et brutalisent leur peuple. On signalera que la Conseillère fédérale Simonetta Sommarugua participait elle aussi à ce défilé, alors que la Suisse interdit la construction de minarets et réprime pénalement le blasphème (art. 261 CP).
Le gouvernement et l’opposition de droite ne cachent pas leur intention de préparer de nouvelles dispositions liberticides. Des voix au sein de ces deux partis appellent déjà à un Patriot Act à la française, tandis que Marine Le Pen appelle à un référendum pour réintroduire la peine de mort. En même temps, le climat islamophobe s’est encore alourdi en France. Plus d’une cinquantaine d’actes antimusulmans ont été perpétrés depuis l’attentat à Charlie Hebdo. Il faut se rappeler que c’est au nom de l’union nationale que les Etats Unis, à la suite du 11 septembre, ont lancé leur guerre sans fin « contre le terrorisme », mettant en place une surveillance systématique de toutes les communications, des centres de détention et de torture offshore, et mené deux guerres impérialistes, en Irak et en Afghanistan, qui ont déjà fait des millions de morts et de déplacés. Alors que ces guerres ont été déclarées prétendument pour détruire Al-Qaïda, elles n’ont fait que renforcer les courants jihadistes à travers le monde, créant un monstre encore plus nuisible : l’Etat Islamique ou Daech. La naissance de ce dernier résulte directement du soutien apporté par les Occidentaux et/ou la Russie à Israël et aux dictatures les plus sanguinaires de la région.
Les semaines qui viennent verront s’annoncer de nouvelles mesures liberticides, non seulement en France, mais aussi en Suisse, où un éditorial de la Tribune de Genève du 10 janvier pouvait écrire : « A l’heure du fichage universel, défendre les droits de la personne contre la surveillance de l’Etat est sans doute louable. Mais ce combat semble d’une naïveté presque coupable au regard des enjeux sécuritaires. Dans son horreur, l’affaire Charlie Hebdo tombe à point nommé pour lever des obstacles idéologiques d’un autre âge ».
De même les récupérations racistes et islamophobes n’ont pas tardé. Active sur les réseaux sociaux depuis quelques temps, la version helvétique des mobilisations islamophobes allemandes vient de se constituer en association à Zurich. Elle appelle à une première manifestation, le 16 février. En même temps Walter Wobmann, conseiller national (UDC/SO) et président du Comité d’Egerkingen, à l’origine de l’initiative contre les minarets, a exigé, suite au massacre de Charlie Hebdo, que les requérants d’asile musulmans d’Irak ou de Syrie ne soient plus acceptés en Suisse.
C’est pourquoi, nous appelons au développement d’un front démocratique large et massif pour combattre toutes les formes de racisme (islamophobie, antisémitisme, etc.), nous opposer aux nouvelles lois liberticides, et dénoncer les politiques antisociales et impérialistes qui produisent misère et oppression à une échelle de masse. Face à l’union mondiale des oppresseurs, nous participons à l’unité internationale des opprimés, avec toutes leurs diversités de genre, de religions, d’ethnies, etc... Elle seule permettra de faire avancer une véritable alternative fondée sur l’égalité sociale, la justice et la démocratie.
solidaritéS