Quel bilan tires-tu de la dernière Université d’été d’Attac ?
Nos Universités d’été ont toujours plusieurs objectifs. Tout d’abord, il s’agit de réunir les militant-e-s les plus actifs pendant quelques jours, pour faire le bilan de nos activités et, plus largement, pour créer un espace dans lequel nous réfléchissons aux raisons qui nous font militer ensemble. Ce dernier point est très important pour deux raisons. D’un côté, notre organisation se base essentiellement sur les activités des groupes locaux et a donc un fonctionnement très décentralisé, ce qui comporte le risque d’un certain éclatement. De l’autre, la crise très médiatisée d’Attac France a soulevé beaucoup de questions au sein de nos militant-e-s sur nos orientations. Les enjeux pourraient se résumer ainsi : après sept ans d’existence, Attac doit-elle davantage affirmer son propre profil en se différenciant d’autres mouvements et même envisager des possibles participations à des échéances électorales ? Ou est-ce qu’Attac doit au contraire renforcer ses liens avec l’ensemble des forces engagées sur le terrain de l’altermondialisation en impulsant des mobilisations unitaires contre les politiques néolibérales ? L’Uni d’été a certainement contribué à renforcer cette deuxième option. Ainsi, tant le bilan de nos activités principales de l’année passée – les mobilisations contre l’OMC et le WEF, le soutien aux grévistes de la Boillat, la campagne avec les villes hors-AGCS, le travail de solidarité avec l’Amérique latine, etc. – que la discussion sur nos priorités futures à venir, ont fait ressortir la place qu’Attac souhaite occuper : celle d’un mouvement d’éducation populaire, situé au cœur des luttes sociales et ouvert au débat d’idées avec des acteurs aussi divers que les syndicats, les mouvements sociaux ou les élu-e-s locaux.
Pourquoi le titre de « génération précaire » donné à votre Université d’été ?
Quand nous avons discuté du programme de l’Uni d’été nous étions au plein milieu des mobilisations contre l’OMC et nous avions constaté un certain paradoxe. Si les négociations commerciales semblaient aller vers un échec, celui-ci était surtout dû aux profondes divergences qui séparaient les grandes puissances économiques, et moins à la pression de la rue. Nous nous sommes rendus compte que contrairement à l’Amérique latine, par exemple, où une vaste mobilisation populaire avait réussi à bloquer le traité de libre-échange des Amériques (ALCA), nous avions de la peine à sensibiliser les salarié-e-s en dehors des cercles convaincus de militant-e-s. C’est pourquoi nous avons développé l’idée, à l’occasion du Forum Social Européen d’Athènes ce printemps, de nous concentrer sur les conséquences de la mondialisation néolibérale sur les transformations brutales qui touchent le marché du travail : chômage, délocalisations, précarité, migration forcée, démantèlement des droits sociaux, etc. Autant de thèmes qui constituent l’essentiel de la « question sociale » en Europe et qui avaient donné lieu, ces derniers mois, à des mobilisations d’envergure, que ce soit la grève de la Boillat ou le mouvement contre le CPE en France. A trois semaines des votations fédérales sur les lois sur l’Asile et les Etrangers, cette thématique a d’ailleurs pris une actualité brûlante. En effet, ces deux textes montrent comment les politiques migratoires de ce pays répondent aux intérêts d’un patronat qui puise sa force de travail de plus en plus dans un marché du travail mondialisé, sans pour autant accorder des droits aux travailleurs-euses immigrés. Nos travaux se sont donc logiquement conclus par un appel à voter 2 fois NON le 24 septembre.
L’université d’été d’Attac-Suisse a abordé des sujets sensibles comme la flexibilisation du marché du travail et la libéralisation des services publics. Sur quel type d’actions vous êtes vous accordés pour y faire face ?
Il s’agissait tout d’abord de nous approprier ces thèmes d’un point de vue altermondialiste et d’ouvrir le débat sur les différentes alternatives possibles. Salaire minimum légal, revenu garanti universel, réduction du temps de travail, égalité de droits pour les travailleurs-euses nationaux et immigrés et l’extension des droits sociaux n’ont été que quelques-unes des pistes esquissées. Ensuite, nous avons décidé de continuer ce débat publiquement ces prochains mois, notamment à l’occasion de la mobilisation contre le G8 en juin 2007 en Allemagne, qui a été définie comme priorité de campagne. Concrètement, nous allons participer aux « Marches contre la précarité » qui, partant de toute l’Europe, devraient converger à Heiligendamm, lieu du prochain G8. Dans un autre registre, nous avons aussi décidé de prendre les mesures nécessaires pour évaluer la pertinence de lancer un référendum contre la Réforme de l’imposition des entreprises, qui sera traitée prochainement au Parlement. En effet, le thème de la politique fiscale reste central pour nous, car tout « autre monde possible » se finance aussi par des moyens publics.
Comment envisagez-vous l’ouverture et le développement d’espaces de mobilisation pour rassembler l’ensemble des forces qui ont les mêmes revendications ?
Nous sommes conscients des limites de notre mouvement, notamment en termes d’enracinement social. Il va donc de soi que nous devons collaborer étroitement avec l’ensemble des forces anti-néolibérales, si ne nous voulons pas nous cantonner à un rôle purement idéologique et extérieur aux préoccupations des gens. C’est comme ça que nous envisageons aussi d’entamer les campagnes dont je viens de parler, profitant aussi de nos atouts, notamment en termes de présence sur l’ensemble du territoire suisse et de nos liens étroits avec des mouvements internationaux. Le rapport avec les partis politiques est un peu plus compliqué, car ils jouent sur un autre terrain, celui de l’arène électorale. Pour nous, ce rapport ne peut se poser qu’en termes de notre autonomie dans le choix de nos priorités et échéances de mobilisation. En même temps, nous essayons d’intervenir dans le débat politique pour nous confronter sur le contenu des alternatives au néolibéralisme et proposer une série de « points de rupture » en deçà desquels aucune politique nouvelle ne pourra commencer à changer de cap.