Le dernier bilan de l’OMS – arrêté le 5 septembre 2014 – fait état que 2097 personnes atteintes du virus Ebola sont décédées, sur 3944 cas confirmés au Liberia, en Guinée et dans la Sierra Leone. A ces chiffres, il faut ajouter le Nigeria qui compte 22 cas, dont 8 décès ; et le Sénégal est touché. Il s’agit donc d’une forte accélération de la mortalité puisque, une semaine avant, l’OMS indiquait 1552 décès sur 3069 cas confirmés. De plus, selon divers experts, ces chiffres sont sous-estimés.
Un porte-parole du gouvernement de la Sierra Leone a déclaré le samedi 6 septembre : « Personne, encore moins un véhicule, à l’exception de ceux qui sont essentiels pour le service, ne sera autorisé à circuler. » Du 19 au 21 septembre, la population de la Sierra Leone sera confinée chez elle. L’objectif est de détecter plus facilement les cas de fièvre hémorragique Ebola, qui ne cesse de progresser dans le pays. Cette opération impliquera « quelque sept mille équipes de patrouille composées d’agents de santé, de militants de la société civile et d’un membre de la communauté dont la mission sera de surveiller, de retracer les contacts et d’identifier les personnes qui présentent des symptômes de la maladie pour éviter sa transmission », a précisé la présidence du pays dans un communiqué distinct transmis samedi à l’Agence France-presse (AFP). Cette mobilisation, proclamée, n’est pas sans rapport avec les constats Médecins sans frontières (MSF). Le 2 septembre, sur son site, MSF note : « En Sierra Leone, les cadavres, hautement infectieux, pourrissent dans les rues. Les gens continuent de tomber malades et de mourir dans leur village et dans leur communauté. »
Le Monde du 4 septembre 2014 relevait déjà que « Médecins sans frontières (MSF), la seule organisation présente sur place, est désormais touchée dans ses propres rangs. Pour la première fois, trois personnes employées par l’ONG, des nationaux, sont mortes contaminées lors d’interventions, malgré les consignes strictes et un fonctionnement très sécurisé des centres. Plus grave, un incident mettant en cause un médecin de l’OMS s’est produit fin août à Kailahun, en Sierra Leone. Celui-ci n’aurait pas signalé son état infecté, et aurait contaminé d’autres personnels soignants, dans le centre même où résidaient toutes les équipes d’intervention. « Beaucoup de personnes sont alors devenues “suspectes”, tout le monde se méfiait de tout le monde, et certains ont dû être retirés de l’intervention dans le centre de traitement », raconte une personne alors sur place. « Les équipes ont été choquées, les laboratoires sont sortis du dispositif, certaines missions ont été écourtées, mais MSF est restée sur le terrain », confirme Marc Poncin, coordinateur pour MSF à Conakry, la capitale guinéenne. »
Il faut des personnes sur le terrain, pas des experts en conseil, répète Rosa Crestani, coordinatrice de l’intervention Ebola pour MSF : « Ce n’est pas dans deux mois qu’il faut ouvrir 500 lits supplémentaires à Monrovia, mais demain. On a dépassé, dit-elle, les limites de la faisabilité, notamment à Monrovia [Liberia] et en Sierra Leone. Ce n’est pas en deux jours que l’on peut former les personnels. Il faut quatre mois de formation pour savoir ouvrir et gérer un centre de traitement qui soit sûr, pour qu’il ne devienne pas un centre de diffusion du virus ».
Le quotidien The Guardian, dans son éditorial du 7 septembre 2014, souligne l’importance de l’article du New York Times que nous avons traduit [1]. En effet, cette étude met en relief, tout d’abord, les effets des coupes budgétaires imposées à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par les « pays donateurs », « suite à la crise financière ». Il en découla une réduction drastique du nombre de personnes expertes au sein de l’OMS (alors que le virus mute de manière accélérée), mais aussi et surtout sur le terrain, en particulier en Afrique. Ensuite, au moment de ces restrictions budgétaires, l’OMS mettait l’accent sur une nouvelle stratégie consistant à aider les pays à élaborer et à construire des instruments d’intervention en cas d’urgences sanitaires. Or, ce projet, à l’apparence alternative et raisonnable, ne s’est pas concrétisé, « plus spécifiquement dans les pays les plus pauvres du monde » (The Guardian). Ces choix financiers et idéologiques joueront un rôle significatif dans les insuffisances de la mobilisation contre cette épidémie dans des pays particulièrement pauvres. D’autant plus que les structures sanitaires de ces pays, débordées par les cas d’Ebola pris en charge de manière inadéquate, devront souvent fermer leurs portes, avec les effets indirects qui en découlent pour les malades atteints par d’autres infections ou maladies qui ne pourront pas avoir accès à ces centres de soins. Pour compléter l’analyse, il faudrait ajouter la nécessité d’une nouvelle étude sur les divers « groupes d’intérêts » qui jouent un rôle dans la configuration de l’OMS.
Tout cela justifie, une fois de plus, les prises de position de la présidente internationale de MSF, la Dr Joanne Liu. Lors d’une séance spéciale à l’ONU, elle déclarait : « Six mois après son début, le monde est en train de perdre la bataille contre la pire épidémie d’Ebola de l’histoire. Les dirigeants mondiaux n’arrivent pas à faire face à cette menace transnationale. Le 8 août, l’OMS a déclaré que cette épidémie représente une “urgence de santé publique de portée mondiale”, mais ceci n’a pas donné lieu à une réponse significative. De fait, les Etats ont rallié une sorte de coalition mondiale de l’inaction. Les promesses de financements et le déploiement de quelques experts ne peuvent pas suffire, poursuit le Dr Liu. Les gouvernements qui ont les moyens de faire face à cette situation ont la responsabilité à la fois politique et humanitaire d’offrir une réponse concrète à cette catastrophe. Au lieu de limiter leur réponse à la gestion de l’éventuelle arrivée d’un malade dans leur pays, ces pays devraient saisir l’occasion d’intervenir là où c’est nécessaire:en Afrique de l’Ouest. »
Rédaction A l’Encontre