Devant des centres de traitement qui débordent et que, de manière alarmante, bien peu de choses ont été réalisées pour empêcher le virus Ebola de s’étendre à travers les villages et les localités d’Afrique de l’ouest, la Dr Joanne Liu, présidente de Médecins sans frontière, savait que l’épidémie prendrait des dimensions considérables.
La seule personne à laquelle elle pouvait songer, disposant de l’autorité nécessaire pour intensifier l’action mondiale contre la maladie, était la Dr Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a une longue histoire de lutte contre les épidémies. Si l’OMS, la principale agence de santé publique de l’ONU, n’est pas en mesure de rassembler une armée d’experts et de travailleurs de la santé pour affronter l’éclatement d’une épidémie saisissant certains des pays les plus pauvres du monde, quelle est donc l’entité dans le monde qui pourrait le faire ?
« J’aimerais être capable de faire cela », déclara la Dr Chan lorsque les deux se rencontrèrent cet été dans les locaux de l’OMS, sis à Genève, plusieurs mois après que l’épidémie soit apparue dans une forêt tropicale de Guinée et étendue dans des capitales très peuplées. Selon ce qu’a rapporté la Dr Chan de cette conversation, l’OMS ne dispose simplement pas du personnel ou de la capacité d’acheminer de l’aide dans la région touchée par Ebola. Considérer l’OMS comme le premier répondant, prêt à mener la bataille contre des épidémies mortelles autour du monde, relevait, a-t-elle dit, d’un fantasme.
L’épidémie d’Ebola a mis à jour d’énormes failles dans la capacité de s’attaquer au déclenchement de maladies dans un monde de plus en plus interconnecté, où les maladies peuvent se répandre rapidement de villages retirés vers des villes abritant des millions de personnes.
L’OMS – l’agence des Nations Unies à laquelle a échu le rôle de diriger les actions sanitaires internationales, de faire face aux épidémies et d’apporter de l’aide en situation d’urgence – a été gravement affaiblie par des réductions budgétaires au cours des dernières années, mettant à mal sa capacité à réagir dans des parties du monde qui le nécessitent le plus. Ses unités responsables de réagir dans des cas d’urgence et d’éclatements d’épidémies ont été amputées des vétérans qui avaient mené de précédents combats contre Ebola et d’autres maladies sont partis et plusieurs postes éliminés : précisément le type de personnes et d’efforts qui auraient pu contribuer à réduire la contagion en Afrique de l’Ouest avant qu’elle ne se transforme en la pire épidémie d’Ebola jamais enregistrée.
A la différence de la crise du virus SARS-CoV en 2003, qui frappa des pays en Asie et ailleurs disposant d’Etats structurés et de beaucoup de ressources financières pour passer à l’action, l’épidémie d’Ebola a attaqué des nations qui manquent souvent des soins de santé de base et qui ont bien moins de capacités pour mettre sur pieds de vastes campagnes visant à éteindre des épidémies.
Dans la mesure où la tâche de repérer l’éclatement d’épidémies a été laissée à des pays pauvres désespérément mal outillés pour cela, la maladie a pu se répandre plusieurs mois avant d’être détectée. Dès que l’OMS fut informée de cette épidémie, ses efforts pour contribuer à la repérer et à la contenir furent, selon certains médecins qui y participèrent, mal dirigés. Cela contribua à ce que l’on considère que le problème n’était finalement pas aussi grave qu’il ne l’était en réalité. Puis, tandis que l’étendue de l’épidémie devint manifeste, les critiques affirment que l’agence onusienne fut lente à en déclarer la gravité et à proposer des plans pour y faire face. Elle n’a toujours pas rassemblé le personnel et l’équipement nécessaires pour faire face à la maladie ainsi que pour traiter ses victimes.
« Il n’y a aucun doute sur le fait que nous n’avons pas été aussi rapides ni aussi puissants que nous l’aurions dû », dit la Dr Marie-Paule Kieny, une sous-directrice générale de l’OMS.
Un autre haut responsable de l’OMS, le Dr Keiji Fukuda, sous-directeur responsable de la riposte aux épidémies, exprime son accord : « rétrospectivement, bien sûr que j’aurai préféré que l’on intervienne plus tôt et de manière plus forte. » Mais, ajoute-t-il, « si cette épidémie avait été une épidémie typique, personne ne serait en train de dire que nous avons fait trop peu, trop tard. »
L’OMS doit-elle être repensée ?
L’épidémie a débuté près des frontières de trois pays voisins – la Guinée, le Sierra Leone et le Liberia – avant de s’étendre d’une manière étonnamment rapide. Depuis lors, l’OMS a engagé plus de 400 personnes pour agir contre l’épidémie, y compris des employé·e·s d’autres agences faisant partie de ses réseaux. En août, elle a déclaré que l’épidémie était une urgence de santé publique de portée internationale, espérant ainsi l’empêcher de franchir d’autres frontières. La Dr Chan a rencontré les présidents de la région et, la semaine dernière, l’OMS a présenté ce qu’elle appelle une feuille de route par une action internationale « à grande échelle ».
L’épidémie actuelle a tué plus de 1900 personnes et s’est répandue au point que l’OMS avertit que plus de 20’000 personnes pourraient être infectées. Des personnes atteintes meurent dans les rues. Certains ont le sentiment que l’entier du modèle auquel fait appel le monde pour combattre l’éclatement d’épidémies a besoin d’être repensé, de telle sorte qu’une agence comme l’OMS dispose de la structure et du mandat lui permettant d’en prendre la direction.
Mais la Dr Chan déclare que les Etats ont la responsabilité première de « prendre soin de leurs peuples », désignant l’OMS comme étant une agence technique fournissant conseil et soutien. Elle indiqua cependant que son organisation, à l’instar de plusieurs Etats et agences, n’était pas préparée.
« Il est toujours mieux de bénéficier du recul. Toutes les agences avec lesquelles j’ai parlé – y compris les Etats –, nous tous avons sous-estimé cette épidémie sans précédent, anormale » affirme la Dr Chan.
Déplacement du centre de gravité
L’OMS, créée en 1948, est garante de la prise en charge d’un large ensemble de questions de santé publique mondiale, allant de l’obésité aux soins de base. Mais, depuis que les nécessités en matière de santé publique ont largement dépassé les contributions financières que versent à l’OMS ses 194 pays membres, ces priorités entrent en concurrence.
La menace de maladies infectieuses naissantes grimpa en tête de cette liste, il y a 20 ans lorsqu’une épidémie de peste en Inde créa la panique, provoquant la fuite d’environ 200’000 personnes. L’année suivante au Zaïre, actuellement République démocratique du Congo, Ebola tua environ 245 personnes. Les craintes élevées que la contagion dépasse les frontières, une nouvelle urgence fit son apparition : améliorer la capacité internationale à mettre un terme aux épidémies.
A la demande de ses Etats membres, l’OMS prit les devants. Une équipe de vétérans dévoués, spécialisés dans les épidémies, réunit une section unique, utilisant une forme embryonnaire de crowdsourcing [production participative] afin de détecter l’épidémie et d’envoyer des experts sur le terrain. Trois ans après que cette action a été mise en place, l’OMS joua un rôle important en traitant un ensemble de cas de pneumonies mortels en Asie. Le nouveau virus fut bientôt connu sous le nom de SARS et fut contenu dans l’année, la plupart des cas s’étant produits en Chine.
Des individus fortunés, afin d’aider à la lutte contre l’épidémie, offrirent à l’OMS « littéralement des centaines de millions parce que leurs affaires étaient affectées », affirme le Dr Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale et un ancien directeur à l’OMS, « mais tandis que l’épidémie SARS s’est éteinte, ces personnes disparurent et nous avons oublié très rapidement. »
Bientôt, la crise financière mondiale allait frapper. L’OMS a dû couper près d’un milliard de dollars dans son plan de budget bisannuel, lequel atteint aujourd’hui 3,98 milliards de dollars. En comparaison, le budget du Centers for Disease Control and Prevention [CDC, Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, agence fédérale de santé publique aux Etats-Unis], pour 2013, seulement s’élevait à environ 6 milliards de dollars. Ces réductions obligèrent à opérer des choix difficiles. Davantage d’accent fut porté sur des maladies chroniques mondiales, comprenant les maladies cardiaques et le diabète. Les caprices des pays donateurs, des fondations et des donateurs influencèrent fortement le programme de l’OMS, au moyen de dons, souvent dans le but de mettre en avant des objectifs spécifiques, dépassant largement les cotisations des pays membres, qui comptent pour seulement 20% du budget de l’OMS.
Au siège de l’agence, à Genève, le département responsable de l’action en cas d’urgences et d’épidémies, qui n’a jamais été spécialement bien financé, a souffert de pertes particulièrement lourdes. Ainsi que le remarque un consultant, les bureaux ressemblent à une ville fantôme. Le département responsable de la réponse en matière de pandémies et d’épidémies – qui intègre un réseau d’anthropologues aidant à surmonter les différences culturelles lors de l’éclatement d’épidémies – a été dissous, ses tâches réparties parmi d’autres départements. Certains des principaux pionniers dans la lutte contre les épidémies sont partis.
« Cette configuration du budget a affecté le domaine de l’action en cas de grandes épidémies et pandémies », affirme le Dr Fukuda, qui estime qu’il dispose actuellement de 35% d’employé·e·s en moins que lors de la pandémie de grippe H1N1 de 2009 – soit plus que le double des coupes enregistrées par l’ensemble de l’organisation.
« Vous devez vous demander : sommes-nous en train de faire les bons choix stratégiques ? » a-t-il ajouté. « Sommes-nous prêts pour affronter ce qui se profile à l’horizon ? »
Selon sa directrice, la Dr Sylvie Briand, l’ensemble de l’unité de l’OMS qui se consacre à la science des maladies pandémiques et épidémiques – responsable de plus d’une dizaine de maladies mortelles telles que la grippe, le choléra, la fièvre jaune et la peste bubonique – compte seulement 52 employé·e·s réguliers, chiffre qui comprend les secrétaires. Cette dernière ajoute que cette équipe peut être renforcée lors des épidémies. Avant l’éclatement de l’épidémie d’Ebola, son département comptait seulement un expert technique de l’épidémie et d’autres maladies hémorragiques.
Les rangs des experts de l’agence en cas d’urgence épidémique, soit des vétérans dans le combat contre Ebola, sont passés, à travers toute l’Afrique, d’une douzaine à trois. Un directeur de l’OMS, le Dr Francis C. Kasolo, déclare : « Comment pouvez-vous immédiatement agir face à l’éclatement d’une telle épidémie ? Cela a eu des répercussions sur nous. »
En outre, une section séparée de l’OMS, responsable de l’action en cas d’épidémie, a été réduite à sa plus simple expression lors des réductions budgétaires. Ainsi que l’indique son sous-directeur général, son équipe est passée de 94 à 34 personnes.
Il ajoute : « vous ne pouvez pas faire une coupe aussi grande et profonde sans que cela n’affecte votre capacité opérationnelle. »
En août 2014, il a été demandé que son groupe – responsable en cas de guerres, de désastres et de recrudescence de la polio – fournisse de l’assistance également dans le cas d’Ebola. « Pour autant que je m’en souvienne, il n’y a aucun moment dans le passé récent au cours duquel nous avons dû faire face à un tel degré de misère humaine, à une aussi large échelle géographique en raison d’un tel nombre de risques » a-t-il dit. Il fait référence aux énormes déplacements de population en Syrie, en Irak, en République centrafricaine et au Soudan du Sud. Des responsables avertissent toutefois que des défis multiples, qui se chevauchent, pourraient bien être un trait permanent à l’avenir.
Zones affectées
Cas confirmés
Sources : United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs ; U.S. Department of State.
L’OMS espérait contrebalancer ses coupes budgétaires en renforçant la capacité des pays d’agir eux-mêmes face aux menaces de santé publique. Elle émit de nouvelles règles que les pays devaient suivre pour contribuer à contenir les épidémies. Mais, en 2012, date l’échéance qui avait été fixée, seul 20% des pays les avaient toutes promulguées. En Afrique, moins d’un tiers des pays disposent de programmes visant à détecter et à arrêter les maladies infectieuses à leurs frontières. La stratégie de l’OMS a bien souvent été plus théorique qu’une réalité.
« Il n’y a jamais eu les ressources disponibles pour mettre en œuvre ces éléments dans de nombreuses parties du monde », précise le Dr Scott F. Dowell, un spécialiste qui était membre du CDC.
Une maladie qui trouve ses fenêtres de tir
Dans ce cadre, le virus Ebola peut pleinement proliférer, face à ces pays faiblement préparés et devant les failles de l’OMS.
Eu égard à la faible surveillance, l’épidémie n’a pas été identifiée avant mars 2014, en Guinée, environ trois mois après que l’on ait soupçonné qu’un villageois avait contracté le virus par un vecteur animal, probablement une chauve-souris frugivore [famille des ptéropodidés : on considère que trois espèces de ces dernières sont porteuses saines du virus]. Le retard dans la détection permit à plus d’une dizaine de cas de se répandre à travers les villages et même jusqu’à Conakry, une capitale de plus d’un million et demi d’habitant·e·s. Médecins sans frontière (MSF) déclara immédiatement que la portée de l’épidémie était sans précédent. C’est le seul groupe à l’avoir fait.
Les hôpitaux, dépourvus d’équipements essentiels basiques dans le contrôle des infections, tels que de l’eau potable, des gants et des masques protecteurs, hâtèrent la contagion. De nombreux médecins et infirmières attrapèrent le virus de leurs patients, le passant à d’autres avant de mourir. La vulnérabilité et l’effondrement des installations sanitaires révélèrent à quel point elles se trouvaient loin de réaliser la priorité principale de l’OMS : assurer des soins de base à l’échelle mondiale.
Le Dr Fukuda affirme que « ce type d’épidémie ne serait pas survenu dans une zone disposant de systèmes de soins plus solides. »
Dans les semaines cruciales qui suivirent la découverte, des réunions quotidiennes rassemblèrent les autorités nationales et les intervenants étrangers au bureau de l’OMS à Conakry. Mais, selon les participants, dès le départ, l’absence d’un leadership fort et de professionnalisme fut notable.
Marc Poncin, le coordinateur « urgence Ebola » de MSF à Conakry, affirme : « c’est purement de l’improvisation. Personne ne prend de responsabilités, absolument personne, depuis le début de la crise. »
Mettre un terme à des épidémies qui ont précédé Ebola a requis un suivi méticuleux : surveiller les personnes qui sont en contact étroit avec des personnes infectées, les isoler si elles développent des symptômes. Auparavant, « si nous manquions un cas », affirme le Dr Simon Mardel, un médecin urgentiste britannique envoyé par l’OMS pour participer à la lutte contre l’épidémie, « c’était comme un échec ».
Selon un autre médecin envoyé par l’OMS, cette fois-ci, le nombre de cas suivit a été désastreusement faibles dès le départ : seul 8%, au début avril, à l’épicentre de Guéckédou en Guinée. Le Dr Mardel pense que les responsables plus expérimentés de l’OMS qui ont quitté l’agence « auraient pu faire fortement entendre leur voix et ils auraient cherché à redresser les choses rapidement, de toute urgence. » Une seule personne qui a voyagé et qui est devenue malade peut déclencher un embrasement.
Ce n’est pas que les intervenants ne tentèrent rien. Les contacts à établir avec des victimes étaient répartis sur une large zone, avec des distances à parcourir de plusieurs heures, et accessibles que par de mauvaises routes. Le paiement des travailleurs locaux a été quelque peu négligé, de telle sorte qu’ils cessèrent de faire un travail vital et risqué. Des équipements de protection essentiels ne furent pas livrés à tous ceux qui en avaient besoin. Des bouteilles d’eau de javel furent distribuées sans seaux. L’OMS pâtit de son manque de relations avec des organisations présentes de longue date qui disposent de larges réseaux de travailleurs de la santé dans la région. Le Dr Pierre Rollin, un spécialiste des épidémies au CDC, travaillant sous la responsabilité de l’OMS, affirme que certaines traditions qui ont permis que le virus d’Ebola se répande – comme les funérailles au cours desquels les proches du défunt entrent en contact avec les corps – n’ont pas été de suite et pleinement reconnues ou traitées.
Certains villageois bloquèrent les routes avec des troncs d’arbre et firent fuir en lançant des pierres les travailleurs d’Ebola, les accusant d’apporter la maladie. Pour ajouter aux tensions, seul des soins cliniques réduits à leur plus simple expression furent fournis afin de tenter de traiter les patients, réduisant les chances d’augmenter le nombre de survivants, lesquels pourraient agir comme des ambassadeurs pour la cause. Certains médecins déployés par l’OMS affirment qu’elle aurait dû leur fournir plus d’instruments pour prendre soin des patients.
Des tensions institutionnelles et personnelles éclatèrent. Selon le Dr Dowell : « tout le monde travaille à un rythme fiévreux. Il y a beaucoup de confusion et de chaos. Cela plaide en faveur d’un système qui soit organisé le plus tôt possible, de telle sorte que les gens connaissent leurs rôles. »
Un consultant trouva étrange que l’OMS n’envoie pas de messages Twitter comprenant des liens avec l’information de prévention contre Ebola du CDC en raison d’une politique consistant à ne pas promouvoir le matériel d’autres agences. En outre, différentes sections d’une hiérarchie de l’OMS fragmentée manœuvrèrent pour se trouver bien placées.
Les difficultés à suivre les cas et à atteindre les villages conduisent beaucoup à penser que l’épidémie s’épuisait. « Je suis rentré chez moi en pensant qu’avec un peu de chance, cela allait se régler » affirme le Dr Daniel Bausch, un vétéran dans la lutte contre Ebola, de l’Université de Tulane (en Louisiane), qui rentra en mai d’une mission de l’OMS en Guinée.
L’épidémie n’avait pas cessé, elle était juste dissimulée. En Sierra Leone, une herboriste contracta le virus alors qu’elle traitait des patients guinéens. Plus d’une dizaine de personnes qui suivirent ses funérailles tombèrent malades et répandirent le virus en Sierra Leone. Certains d’entre eux rentrèrent en Guinée, où ils relancèrent l’épidémie. Après une accalmie de plusieurs semaines, des cas émergèrent à nouveau, également au Liberia et ont atteint la capitale, Monrovia.
Le Dr Bausch se précipita en juin au Sierra Leone. En parlant de la pénurie de travailleurs de la santé combattant la maladie, il dit : « Je me demandais : mais où est donc passé tout le monde ? Nous avons tous reconnu que nous étions dépourvus d’effectifs. Nous avions de plus de personnes sur le terrain. »
Dans certains centres de traitement, deux ou trois médecins, arborant dans la chaleur étouffante des masques et des gants, s’occupaient jusqu’à 90 patients. Alors que le seul logisticien de l’OMS du pays travaille ailleurs, le Dr Bausch n’avait personne pour l’accompagner et pour faire en sorte que des équipements protecteurs soient acheminés.
Le Dr Bausch a travaillé à Kenema, au Sierra Leone, où il contribua à mettre sur pied un programme de recherche pour une autre fièvre hémorragique foudoyante, le Lassa, qui est répandue dans la région. Il connaissait certains de la vingtaine de travailleurs de la santé qui moururent là-bas, une fois qu’Ebola frappa.
Le Dr Bausch ajoute : « dans la mesure où le Lassa était là, c’est une question qu’il aurait été logique de se poser : pourquoi a-t-il été si difficile de changer de vitesse » face à Ebola ? Les instituts de recherche fournissent toutefois de l’argent pour la science, dit-il, et non pour la surveillance des maladies et leur traitement. Ces tâches ont été dévolues à l’Etat de Sierra Leone, « l’un des plus pauvres sur Terre. Je me suis toujours senti mal à l’aise à ce sujet. »
Au Liberia, en juillet dernier, deux Américains qui travaillent dans un hôpital missionnaire tombèrent malades et furent rapidement évacués vers leur maison. Un Américano-libérien emmena le virus par avion au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique. Subitement le monde sembla comprendre la menace.
La question désormais – les experts s’interrogent — est de savoir si une OMS allégée et restructurée, forte en matière de savoir-faire technique, légère pour ce qui est de sa dimension logistique, est à même de s’affirmer avec force. Et cela d’une manière qui aidera le monde à mettre un terme à l’une des crises sanitaires les plus délicates de l’histoire récente. La feuille de route de l’OMS lance un appel à contributions de 490 millions de dollars ainsi que plusieurs milliers de travailleurs de la santé étrangers et locaux afin de contenir l’épidémie. Pourtant, jusqu’ici bien peu d’équipes médicales étrangères ont répondu à l’appel.
« Il appartient à la communauté internationale d’agir réellement maintenant », déclare le Dr Kasolo, un directeur de l’OMS en Afrique. « Sinon le jugement de l’histoire sera mauvais. »
Sheri Fink