Londres,
Voilà bientôt dix ans que Tony Blair est Premier ministre. Pendant cette période, il a gagné trois élections générales en tant que leader du New Labour, et il a réorienté, avec succès, la social-démocratie vers le néolibéralisme, aussi bien en Grande-Bretagne qu’ailleurs. Ayant annoncé qu’il ne se présenterait pas aux prochaines élections générales, prévues en 2009, il a ouvert une crise qui touche ses plus proches collaborateurs, chacun se disputant la succession. Blair est contraint de louvoyer autour d’obstacles qui peuvent désormais le forcer à démissionner.
Le Premier ministre britannique doit choisir la date la plus opportune pour désigner son successeur et, en même temps, continuer à défendre les privatisations des services publics, ainsi que prétendre que les occupations de l’Afghanistan et de l’Irak sont des succès. Blair doit sa survie à l’absence d’opposition politique sérieuse de la part des conservateurs ou des libéraux-démocrates. Il a été réélu avec les plus forts taux d’abstention de l’histoire du suffrage universel. Aux élections municipales de 2005, le Labour Party est même arrivé troisième, avec seulement 22 % de suffrages exprimés.
Les dissensions parmi ses collaborateurs ne sont pas dues à des divergences sur l’orientation politique. Pour eux, il s’agit de trouver une manière de faire partir Blair le plus tôt possible, pour qu’une nouvelle équipe puisse regagner la confiance des électeurs. Le candidat pressenti pour remplacer Blair est le ministre des Finances, Gordon Brown, un intégriste du néolibéralisme et l’architecte de la politique économique de Blair avec ses privatisations sans fin. Si Blair a réussi à être aussi dominant dans le Labour Party, c’est parce que la gauche travailliste et les directions des grands syndicats sont historiquement timorées, espérant toujours recevoir quelques miettes et croyant qu’organiser une opposition militante à un gouvernement travailliste ouvre la porte au retour de la droite. Cette fois, un député de gauche, John McDonnell, a indiqué qu’il se présenterait aux élections pour la direction du parti. Mais il est victime de manœuvres bureaucratiques.
La politique extérieure de Blair porte aussi à conséquence. La situation en Afghanistan se détériore, avec une offensive militaire des talibans, tandis qu’en Irak la « pacification » et la « démocratisation » restent lointaines. Dans les sondages, une majorité estime que Blair a menti au sujet des raisons invoquées pour l’invasion, et elle pense que la politique militaire de Blair a rendu le monde plus dangereux pour tous.
Mais le soutien inconditionnel de Blair à Israël a secoué une nouvelle frange de députés blairistes qui, pendant la guerre en Irak, l’avaient soutenu. Maintenant, ils ont appelé à ce que le gouvernement s’oppose à Israël pour avoir été « trop loin » dans ses attaques contre les civils. Les manifestations londoniennes de soutien au Liban - 20 000 personnes fin juillet et 100 000 début août - ont probablement fait pression sur ces députés blairistes. La guerre sans fin contre le terrorisme, avec l’occupation de l’Irak, le soutien fidèle à Bush et le soutien a Israël contre les Palestiniens sont le talon d’Achille de Blair. Autant la résistance des syndicats contre les privatisations et la précarisation n’existe quasiment pas, autant le maintien d’une mobilisation contre la guerre, qui recoupe une frange importante de la gauche, de la jeunesse et de la population issue de l’immigration, est important.
Ce samedi 23 septembre, à l’ouverture du congrès de New Labour à Manchester, il devrait y avoir encore une manifestation nationale contre la guerre. Le mot d’ordre principal ? « Il est temps de partir », une phrase qui peut s’appliquer aussi bien aux troupes d’occupation britanniques en Irak et en Afghanistan, qu’à Blair lui-même.