Votée de manière très consensuelle en 2005, la loi Léonetti a ceci de positif qu’elle interdit l’acharnement thérapeutique et instaure un droit au « laisser mourir ». Mais si elle autorise l’administration par les médecins de traitements antalgiques permettant de soulager la souffrance, avec pour « effet secondaire d’abréger la vie » du malade, elle exclut l’injection létale aux malades en fin de vie, comme c’est autorisé à des degrés divers au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Belgique et en Suisse.
Répondre aux demandes de fin de vie
Reste que le soulagement de la souffrance ne suffit pas toujours, et que les soins palliatifs ne font pas disparaître toutes les demandes de fin de vie. Lors du débat présidentiel, Hollande avait d’ailleurs dû reconnaître qu’en France, « aujourd’hui, il y a 7 000 à 8 000 euthanasies qui se font sans que nul ne le sache ». Laissant seuls les médecins et équipes soignantes face à leurs décisions. Le Docteur Bonnemaison, s’il a été acquitté, reste d’ailleurs sous le coup de la décision du très réactionnaire conseil de l’ordre qui, au nom de l’article 38 du code de déontologie, l’a interdit d’exercice.
Mais au-delà de la loi qui doit évoluer et intégrer le droit à l’euthanasie, aujourd’hui un autre obstacle à mourir dans la dignité, c’est l’austérité à hôpital, le temps que les équipes soignantes n’ont pas pour tenir la main de ceux qui vont mourir, pour accompagner les familles, la pénurie aussi d’équipes spécialisées en soins palliatifs et en fin de vie. Un facteur de plus de souffrance au travail.
Lors de l’élection présidentielle, interrogé par l’ADMD, Hollande avait eu une position un peu alambiquée, mais avait néanmoins promis une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ». L’engagement 21 n’utilisait certes pas le mot « euthanasie », mais François Hollande estimait qu’« il faudra une procédure, quand une personne demande, parce qu’elle n’en peut plus, (...) d’en terminer avec cette souffrance ». Après l’élection, un rapport était demandé au Professeur Sicard.
En finir avec l’hypocrisie
S’il s’opposait nettement à l’euthanasie active, le rapport Sicard de décembre 2012 dénonçait « la surdité face à la détresse psychique et aux souhaits des patients », constatait « les difficultés et les retards que connaît encore l’organisation de la prise en charge de la fin de vie en France. En particulier, l’absence de formation spécifique des médecins à ce sujet, le développement encore insuffisant de la prise en charge palliative des malades en fin de vie, y compris à domicile, la séparation excessive des approches curatives et palliatives dans les parcours de soins, qui constituent autant de pistes de progrès indispensables ».
Il proposait de faire évoluer la loi Léonetti sur trois points : le recueil des directives anticipées de la personne sur sa fin de vie ; les conditions d’accompagnement d’un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ; rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne, de sa famille ou par les soignants. En juin 2013, après la publication de l’avis n° 121 du Comité consultatif national d’éthique qu’il avait saisi sur la fin de vie, Hollande avait parlé à Lorient, au terme d’un débat national, d’un projet de loi « sans doute avant la fin de l’année ». On l’attend toujours !
Comme l’avait déclaré Philippe Poutou à l’ADMD au moment des présidentielles, contre l’obstination thérapeutique, nous défendons le droit pour une personne de choisir de mourir dans la dignité face à une maladie sans espoir de guérison et qui peut entraîner des souffrances parfois intolérables. « Oui, il faut en finir avec l’hypocrisie. Une nouvelle loi doit à la fois rendre possible et encadrer la possibilité de l’euthanasie ». Et pour éviter toute dérive, « la nécessité de décisions collectives et mûries est indispensable ».
Frank Cantaloup