Les élections européennes ont d’abord été marquées par une poussée de la droite populiste. Les faits ont été abondamment commentés, notamment avec la victoire de UKIP au Royaume-Uni et du Front national en France. Pourtant, même si la progression est plus modeste, le scrutin du 25 mai traduit aussi une poussée du côté de la gauche radicale. Le groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) qui comptait 34 membres dans la précédente législature devrait, désormais, réunir au moins 43 députés (50 selon la projection plus optimiste de Transform ! [1]).
Victoire en Grèce
Syriza, qui avait obtenu 4,70% et un siège en 2009, est devenu le premier parti en Grèce en réunissant 26,51% (7 sièges). À ce succès européen s’ajoute la victoire aux élections régionales dans la région de l’Attique, obtenue sur le fil du rasoir (50,2%). Cette région qui comprend Athènes représente 30% de la population grecque. De son côté, le Parti communiste grec (KKE) obtient 6,03% et un élu (-1), mais remporte la mairie de Patras, la troisième ville du pays. La gauche radicale a donc le vent en poupe et pèse désormais plus du tiers de l’électorat. Il faut toutefois noter que les relations exécrables qu’entretiennent Syriza et le KKE empêchent toute alliance entre ces deux formations.
Espagne : deux succès pour le prix d’un
Les résultats dans l’État espagnol sont doublement prometteurs. D’abord avec la forte progression de la coalition Gauche unie (IU-ICV), qui devient la troisième force du pays et confirme son redressement des élections législatives de 2011. En obtenant 9,99% et 6 sièges, IU triple son score de 2009 (3,73% et deux élus).
Mais l’autre nouvelle, c’est l’irruption de Podemos (« Nous pouvons ») sur la scène politique espagnole. Issue du puissant mouvement des indignés, cette toute nouvelle organisation (elle a été créée il y a trois mois), est arrivée en quatrième position, recueillant 7,93% et 5 sièges. La traduction sur le plan politique du mouvement social qui occupa, notamment, les places espagnoles en mai 2011, est un événement considérable, porteur d’avenir. La consolidation de ce bon résultat et les rapports avec des forces comme IU sont désormais un enjeu majeur pour les mois et les années à venir.
Timide renaissance en Italie, déconvenue du Bloc de gauche au Portugal
Au cours des dernières années, l’Italie a été le théâtre d’un désastre complet pour les formations de gauche. Dans un pays où le puissant Parti communiste (PCI) a compté 1,5 million de membres jusqu’au milieu des années 1980, il ne restait que des décombres. Un fragile espoir renaît pour la gauche radicale, qui a obtenu 4,5% avec la liste Altra Europa et 3 élus au parlement européen. C’est une belle percée obtenue en menant une campagne s’appuyant tout particulièrement sur la figure d’Alexis Tsipras.
Au Portugal, lors des élections de 2009, les deux frères ennemis de la gauche radicale, le Parti communiste (PCP) et le Bloc de gauche avaient obtenus respectivement 10,73% et 10,66%. Cinq ans plus tard, si le PCP confirme son enracinement avec 12,69% et 3 élus (+1), le Bloc de Gauche ne réalise que 4,56% et obtient un seul élu (-2).
Légère progression en Scandinavie
La Scandinavie est une région de fort euro-scepticisme. La Norvège et l’Islande ne font pas partie de la Communauté européenne et seule la Finlande fait partie de la zone euro. Les résultats au Danemark font apparaître une très légère progression de la gauche radicale, qui passe de 7 à 8% loin des 10% promis par les sondages. En Suède, le Parti de gauche (Vänsterpartiet) obtient 6,30% contre 5,66% en 2009 et préserve son élu.
Si la stabilité prévaut au Danemark comme en Suède, en revanche les élections ont été marquées par une poussée de la gauche en Finlande. L’Alliance de Gauche (VAS) obtient 9,30% et retrouve le siège de député européen perdu en 2009. La radicalité de ce parti ne doit toutefois pas être surestimé, du moins à l’aune de nos caractérisations usuelles. Le VAS, qui est issu du parti communiste finlandais, vient de quitter au printemps 2014 le gouvernement finlandais dans lequel il détenait deux portefeuilles. Ce gouvernement d’union nationale est dirigé par Jyrki Katainen membre d’une organisation de centre-droit et ancien vice-président du PPE (le groupe où siègent les députés UMP).
La progression de la gauche radicale en Europe est réelle, mais elle tient essentiellement à deux pays : l’Espagne avec une progression de 9 sièges et la Grèce avec 6 sièges. Dans ces deux pays, qui ont payé un lourd tribut aux politiques d’ajustements structurels, un espoir, une perspective existent à gauche. Dans le reste de l’Europe la situation est beaucoup plus contrastée, en particulier dans des nations clefs comme l’Allemagne et la France. Dans ces deux pays, après des débuts prometteurs, Die Linke et le Front de Gauche marquent le pas. De toute évidence, reconstruire une gauche européenne digne de ce nom est un travail de longue haleine.
Au Danemark le principal parti de gauche radical ne s’est pas présenté, mais soutenu une des listes. Ce parti fait très bien actuellement.
En Suède il ne faut pas oublier FI, le parti féministe mené par une ancienne dirigeante de Vänsterpartiet, qui a fait une nette progression.
Donc il ne s’agit pas que de l’Espagne et la Grèce, et - surtout - les élections européennes ne doivent pas être pris trop au sérieux non plus (vu l’abstention etc.). Mais un enseignement est clairement que la gauche a des problèmes en France, alors qu’il y a des tendances positives dans pas mal d’autres pays européens.
Guillaume Liégard