La dynamique, ouverte par le cycle de luttes commencé au début de la crise et surtout par le mouvement des Indignés (15M), a engendré un nouvel espace politique plein de contradictions.
D’un côté, la participation aux mobilisations de millions de personnes n’a pas abouti, à de rares exceptions près, à des succès significatifs. Cela a conduit une grande partie de la classe ouvrière à regarder du côté de la gauche réformiste (Izquierda unida) comme seule alternative pour se défendre, sans possibilité de transformer réellement la situation, dans un fort état d’esprit défensif. De plus, IU mise sur la participation à des gouvernements avec le PSOE (Parti socialiste).
Nouveaux espaces de mobilisation
Les mobilisations révèlent aussi la fragmentation du monde du travail et son divorce avec les organisations traditionnelles. Ainsi, la puissante mobilisation du 22M (le 22 mars dernier) est la première d’une telle ampleur en marge des syndicats majoritaires. Même l’importante progression électorale de IU se fait sans accroissement du nombre de ses adhérentEs.
C’est dans ce contexte tumultueux et dynamique que la Conférence de Izquierda anticapitalista a majoritairement décidé de se lancer dans un processus de construction d’outils électoraux pour que la gauche révolutionnaire puisse enfin se lier à ce nouvel espace politique. Pour cela, nous assumons de passer des accords avec des courants non strictement révolutionnaires, mais à la politique antilibérale conséquente et en rupture avec le système institutionnel issu de la réforme du franquisme (ce que nous appelons ici le Régime de 1978).
Podemos : « nous pouvons »
Cela fait trois mois que nous avons lancé un nouvel outil pour les élections européennes appelé Podemos. Très bien accueilli dans les secteurs non organisés proches de la gauche, ses réunions publiques ont été massives, avec plus d’un millier de personnes dans plusieurs villes. Cette initiative a engendré de l’espoir et encouragé l’envie de changer enfin les choses.
Podemos est le résultat de l’accord entre IA et un collectif politique appelé La Tuerka (« L’Ekrou »). Né il y a quelques années, c’est un tout petit collectif mais à l’appareil de communication très puissant. Sa figure de proue est le jeune enseignant Pablo Iglesias, très populaire par ses débats à la télé. Les caractéristiques de ce collectif seraient, d’une part, celles d’une gauche réformiste traditionnelle quant à la conception de l’État ou de la gouvernance, ce qui a provoqué le premier affrontement avec nous lorsqu’il a rejeté le Manifeste d’origine rédigé par IA, qui refusait clairement les diminutions de budgets quel que soit le gouvernement. D’autre part, le positionnement d’Iglesias et de ce collectif peut être qualifié de populiste de gauche, par sa volonté de rassembler des secteurs mécontents, de façon contradictoire, autour d’un discours quelque peu vide, non relié à la lutte des classes, Iglesias se plaçant au-dessus de toutes les revendications.
Divergences et perspectives
Pour IA, au contraire, la campagne doit servir à élever le niveau de conscience et à orienter les luttes et les tâches de l’heure pour gagner, dans une dynamique ayant au moins un potentiel anticapitaliste. Il ne suffit pas de dire que nous voulons vaincre, nous devons offrir une alternative pour le faire.
Une autre divergence importante concerne la culture politique. La Tuerka met plus en avant la communication, se référant au linguiste Lakoff (comme le Parti démocrate américain) que la construction de rapports de forces réels à travers la lutte et l’organisation. C’est pourquoi Podemos fonctionne plus de façon informelle autour d’un leadership charismatique, qu’avec des structures démocratiques et une représentation formelle.
Mais IA a décidé d’entrer dans ces « eaux troubles », et nous avons réussi à rassembler 3000 militantEs actifs et motivés pour débloquer la situation politique, autour d’une orientation combative. C’est ce qui nous a permis d’obtenir la deuxième place sur la liste européenne pour notre camarade Teresa Rodriguez (juste derrière Pablo Iglesias) lors des primaires (avec 8000 voix). Nous avons soulevé de l’espoir et à présent, il faut le transformer patiemment en changement politique. Nous verrons après les Européennes la portée de cette initiative.
De Cadiz, Jésus Rodriguez (Izquierda anticapitalista)