Voilà un bilan qui parle de lui-même : plus de 1 000 morts, 4 000 blessés et un million de personnes déplacées ou réfugiées au Liban, pays dévasté où l’on a délibérément perpétré des milliards de dollars de dégâts ; un peu plus d’une centaine de morts - essentiellement des militaires - en Israël, pays en état de guerre interne et externe toujours plus prononcé. C’est bien d’une authentique dévastation que cette région est menacée.
Il n’est, à présent, plus mis en doute par personne que l’objectif de la double guerre israélienne, contre Gaza et le Liban, n’était pas la récupération de ses soldats capturés. Il s’agissait d’une opération dictée par la visée d’un remodelage régional, conformément aux vues de la Maison Blanche, ce « grand Moyen-Orient » que Condoleeza Rice n’a cessé d’évoquer durant toute cette crise. À travers cette guerre, il s’agissait d’abord d’infliger une défaite politico-militaire à l’Iran et à la Syrie, qui soutiennent le Hezbollah et sont surtout les deux puissances régionales refusant la politique américaine.
L’élément imprévu aura été l’échec cinglant de l’offensive israélienne. Non seulement, elle se sera révélée d’un coût militaire élevé, mais elle n’aura pu écraser le Hezbollah. Un événement sans précédent depuis 1948, qui aura ouvert une crise morale et politique majeure en Israël. La résolution 1701, adoptée par le Conseil de sécurité, enregistre cette donnée. Si elle n’intègre pas explicitement l’objectif d’un désarmement du Hezbollah dans les mandats confiés à la nouvelle Force d’interposition des Nations unies (Finul), elle ne s’en situe pas moins dans le prolongement de la 1559, au nom de laquelle Ehud Olmert aura pu déclencher l’opération « Pluie d’été ».
Ainsi, ce texte n’exige-t-il pas un cessez-le-feu de la part d’Israël, mais uniquement la cessation des « hostilités offensives », ce qui laisse à Tel-Aviv d’assez larges marges d’interprétation. Il ne traite toujours pas la question des prisonniers libanais, remet à plus tard la restitution des fermes de Chebaa occupées au mépris du droit international, n’exige pas la levée du blocus du Liban et interdit à l’armée libanaise redéployée au Sud-Liban de disposer des moyens de faire face à de nouvelles agressions de Tsahal. Quant au mandat de la fameuse Finul renforcée, il reste dans un flou total. Il n’est donc pas seulement ambiguë ou insuffisant, mais littéralement inacceptable.
C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de consentir à la moindre participation française à cette force. Jacques Chirac et son gouvernement ont pourtant dé- cidé d’envoyer sur le terrain 2 000 hommes de troupes. Ce faisant, ils s’engagent dans une expédition qui n’offre aucune garantie qu’elle ne se transformera pas très vite en une confrontation avec la résistance libanaise. Au demeurant, s’il s’agissait simplement de déployer une force de paix sur le terrain, la moindre des choses serait qu’en soient exclus tous les pays ayant été partie prenante au conflit. Or, la France de Chirac a contribué activement à l’élaboration de la résolution 1559, de concert avec les Etats-Unis, dans le but de déstabiliser le régime syrien. Elle a ensuite soutenu la guerre israélo-américaine contre le Liban durant ses premiers jours, avant de faire machine arrière de crainte de ruiner ce qu’il lui reste d’influence dans ce pays. Elle n’est donc pas la mieux placée pour faire respecter le droit des peuples. Le contingent tricolore doit être rappelé sans délai.
Le mouvement de solidarité avec les peuples palestinien et libanais doit à présent se poursuivre. Avec pour objectif immédiat le retrait total et immédiat d’Israël du Liban et de Gaza, la levée du blocus du Liban comme des territoires palestiniens, la réparation par Tel-Aviv des dévastations commises, le règlement définitif de la question des fermes de Chebaa et des prisonniers libanais, des sanctions contre le gouvernement israélien, le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.