« Programme de stabilité » : Valls fait l’aumône...
Ce mardi 29 avril, les députés se sont prononcés sur le programme économique de Valls. Celui-ci a déclaré dans son discours introductif que ce programme de stabilité concernant les finances publiques était « un énorme levier de confiance ». En fait, pour la majorité de la population, il s’agit d’un véritable coup de massue.
Le 16 avril dernier, Valls a présenté le plan d’économies de 50 milliards d’euros concocté avec Hollande. La protection sociale sera la plus affectée, avec 10 milliards en moins sur l’assurance-maladie et 11 milliards sur d’autres points (retraites, etc.). 18 milliards concerneront les dépenses de l’État et 11 milliards celles des communes (voir L’Anticapitaliste n°239 du 24 avril).
Alors que la crise et le chômage continuent de faire leurs ravages, un gouvernement de « gauche » ne craint donc pas de prendre des mesures qui toucheront avant tout ceux qui peinent à vivre. Les possédants sont dispensés de tout effort et le patronat bénéficiera de plus de 36 milliards d’euros grâce au Pacte de responsabilité. Ce dernier point est essentiel : ce n’est pas un simple plan d’austérité mais un gigantesque transfert des revenus de ceux d’en bas vers ceux qui dirigent l’économie. C’est bien cela le noyau dur du plan, que la plupart des députés PS, même ceux réticents devant les économies trop brutales, ne remettaient pas en cause.
Des mesurettes en guise de « reculs »
Le 29 avril, les députés avaient à se prononcer sur le programme de finances publiques 2015-2017 qui rassemble les deux volets : le plan d’économies et le Pacte de responsabilité. Le vote n’était que consultatif. Les vraies décisions se feront, elles, dans les lois et budgets à venir. Néanmoins, Valls préférait avoir le maximum de votes « pour ».
C’est le sens des mesurettes annoncées le lundi 28 avril, la veille du vote. Les retraités qui perçoivent jusqu’à 1 200 euros par mois (cumul de la retraite de base et des pensions complémentaires) verront leur pension revalorisée comme prévu initialement (mais pas forcément au 1er octobre pour des raisons informatiques). La mesure concerne au total 6,5 millions de personnes (sur 15 millions de retraités). Avec le gel des retraites, Manuel Valls tablait sur 1,3 milliard d’économies. Le geste annoncé représenterait 300 millions en moins.
Le Premier ministre a aussi annoncé que le revenu de solidarité active (RSA) va être augmenté de 2 % le 1er septembre. Valls est ainsi revenu sur sa décision de reporter d’un an cette revalorisation exceptionnelle, décidée dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté lancé en janvier 2013. Cela fait 200 millions d’euros de dépenses en plus. 300 + 200, nous en sommes à 500 millions d’euros, soit des cacahuètes par rapport aux 50 milliards d’économies !
Et c’est tout ! Car pour les fonctionnaires, Valls a maintenu le gel du point d’indice et confirmé des mesures annoncées l’an dernier concernant les fonctionnaires les moins bien payés (catégories C et B en début de carrière). Une mesure de baisse d’impôt est annoncée pour les ménages « modestes » mais rien n’est précisé...
Valls séduit à droite
Avant le vote, Valls a adressé une lettre aux députés d’opposition où il invoque « l’intérêt supérieur de notre pays ». La droite l’a partiellement entendu. Le Premier ministre a réussi à obtenir l’abstention de la majorité du groupe « centriste » (jusqu’à récemment dirigé par Borloo) : « cela va dans le bon sens » a déclaré son président. Par contre à l’UMP, c’est le vote contre, en partie pour des raisons tactiques. Copé dénonce un plan d’économies sans réforme, donc une « illusion d’optique », tandis que Fillon déclare : « Je ne peux que dire que la direction est bonne ».
À gauche, on vote contre au PCF/Front de gauche, ainsi que pour la majorité des Verts (même si quelques heures avant, c’était loin d’être tranché). Du côté du groupe PS, les trois « chevènementistes » ont voté contre tandis que les députés PS réticents se sont, pour la plupart, au mieux abstenus.
Pourtant, dans son discours précédant le vote, Valls les avaient prévenus : « Le vote d’aujourd’hui est un moment de vérité. C’est un vote décisif qui marquera l’évolution de notre pays. ». Effectivement, sa portée va au-delà de son caractère consultatif. Il montre qu’il est vain de prétendre construire une majorité alternative à la politique de Hollande en courant après la « gauche du PS » comme le croit une large part du Front de gauche. Seule la mobilisation peut changer la donne.
Henri Wilno
* Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 240 (01/05/2014). http://www.npa2009.org/
Valls : agent du Medef et fier de l’être
Manuel Valls a prononcé le mardi 8 avril son grand discours-programme devant les députés. Plus que jamais, le cap est mis sur les cadeaux aux entreprises, même s’ils sont coûteux, et sur l’austérité.
Jean-Marc Ayrault, sur instruction de François Hollande, avait déjà mis en œuvre le « choc de compétitivité » de 20 milliards d’euros, qui avait pris la forme d’un crédit d’impôt (baptisé Crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE). Et Hollande avait ensuite annoncé qu’au travers du « pacte de responsabilité », le total des allègements sociaux et fiscaux offert aux entreprises allait être progressivement porté à 30 milliards d’euros. C’est sur les modalités des 10 milliards d’euros complémentaires que Valls a apporté des précisions nouvelles : 4,5 milliards correspondront à une annulation dès le 1er janvier prochain des cotisations sociales employeur au niveau du Smic. 4,5 autres milliards correspondront (en 2016) à des allègements sur les salaires allant jusqu’à 3,5 Smic. Au total, les patrons bénéficieront pour 90 % de leurs salariéEs d’allègements des cotisations employeurs. Enfin, les travailleurs indépendants et les artisans bénéficieront d’une baisse de leurs cotisations dès 2015 (1 milliard d’euros).
Toujours plus pour les patrons...
Mais pour montrer sa capacité d’écoute des revendications patronales, le nouveau Premier ministre gonfle encore un peu la facture. Divers impôts sur les entreprises seront progressivement supprimés (1 milliard d’euros en moins dès 2015) et le taux de l’impôt sur les sociétés sera abaissé à partir de 2017.
Comme il faut enrober ces cadeaux, il y aura quelques miettes pour les salariéEs (Hollande avait annoncé un « pacte de solidarité »). Dès le 1er janvier 2015, les cotisations sociales des salariés seront ainsi diminuées pour les salaires au niveau du Smic, afin de procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. Ce gain sera dégressif entre le Smic et 1,3 fois le Smic. Mais il s’agit de miettes empoisonnées : baisser les cotisations salariées, c’est augmenter le pouvoir d’achat au détriment des ressources de la sécurité sociale (et donc des droits sociaux). C’est en fait une forme de subvention supplémentaire au patronat dispensé d’augmenter les salaires. Des allègements d’impôts sont aussi annoncés mais sans plus de précision.
Bruxelles salue Valls
Le programme de Valls consiste donc avant tout en cadeaux aux patrons qui vont peser en premier lieu sur les comptes de la Sécurité sociale. Pour les compenser, le gouvernement a deux perspectives. D’abord, les 50 milliards d’économies déjà annoncées. Ces 50 milliards vont d’abord concerner la Sécurité sociale pour 21 milliards (10 milliards de moins pour l’assurance-maladie et 11 milliards sur les autres prestations sociales). Le reste pèsera sur les collectivités locales (11 milliards) et l’État (19 milliards). Donc, si on résume : de nouvelles attaques sur le droit à la santé et les droits sociaux en général et moins de services publics, tandis que continuera le blocage des salaires des agents publics, que les 60 000 postes supplémentaires dans l’Éducation nationale annoncés par Hollande ne verront pas tous le jour, etc.
Même si le gouvernement le nie, la deuxième perspective est un ajustement de l’objectif d’un déficit des finances publiques inférieur à 3 % du PIB en 2015 : cet objectif devient intenable avec tous ces cadeaux aux entreprises. Des négociations vont donc s’engager avec Bruxelles, mais on peut remarquer que la Commission européenne a déjà réagi favorablement aux annonces de Valls : « Nous saluons l’intention de réduire la pression fiscale sur les entreprises » a déclaré un porte-parole bruxellois. Autrement dit, des dépenses pour plus de services publics, c’est inacceptable, mais des dépenses pour les patrons, on peut discuter !
Raboter les droits des salariés dans l’entreprise
Parmi les annonces du nouveau gouvernement, l’une est passée inaperçue mais elle est révélatrice. Au conseil des ministres du 9 avril, a été abordée la question des seuils sociaux (les seuils à partir desquels il doit, par exemple, y avoir des délégués du personnel, des comités d’entreprises, etc.). Il y a une négociation en cours entre patrons et syndicats sur le « dialogue social ». Il a été annoncé qu’elle devrait aussi porter sur les seuils sociaux et se terminer avant la fin 2014. On peut prévoir sans crainte de se tromper que, avec la complicité de certains syndicats, cette négociation se soldera par une nouvelle victoire revendicative des patrons.
Henri Wilno
* Paru dans l’Hebdo L’Anticapitaliste - 238 (17/04/2014). http://www.npa2009.org/