De quelle productivité parle-t-on ?
Dans un texte précédent [1], on a vu que la carence de productivité de l’économie québécoise, mise en évidence par le bilan 2013 du Centre de la productivité et de la prospérité de l’École des Hautes études commerciales de Montréal [2] et très commentée dans les milieux économiques, s’explique en dernière analyse par l’oppression nationale du peuple québécois. Les décisions stratégiques, tant économiques que politiques, des centres financier et politique de la bourgeoisie canadienne ont systématiquement coupé les ailes au développement économique du Québec. Si l’on peut de cette analyse tirer la conclusion de la nécessité de la lutte pour l’indépendance non seulement pour des raisons constitutionnelles et culturo-linguistiques mais aussi économiques et financières, on ne peut pas pour autant en déduire le contenu socio-économique ou le « projet de société » lié à cette lutte.
L’échec historique de l’indépendance interclasse du PQ, projet repris pathétiquement par Option nationale (OP) maintenant que le PQ a jeté l’éponge, est forcément une contradiction dans les termes étant donné les intérêts antagoniques de classe à moins que le prolétariat ne se soumette à la bourgeoisie comme le PQ et OP le préconisent. Ce vide social, qu’aujourd’hui le PQ remplace par un diviseur identarisme islamophobe, rend impossible de vaincre le fédéralisme néolibéral. Sans un projet de société de « libération nationale et d’émancipation sociale » comme le disait Paul Rose, l’ex dirigeant felquiste fondateur du Parti de la démocratie socialiste (PDS) qui a redémarré la reconstruction de la gauche politique québécoise au début des années 1990, impossible de mobiliser à fond le peuple québécois ce qui est indispensable pour contrer les coups fourrés fédéraux, qui peuvent aller jusqu’à l’invasion militaire comme en 1970, et pour obtenir au moins la nécessaire sympathie des peuples canadien et étasunien.
À la limite, on peut certes conclure à la nécessité d’exproprier les banques et consorts, noyau de la bourgeoisie canadienne en combinaison avec le pouvoir politique d’Ottawa, pour à la fois vaincre l’ennemi et pour se doter des moyens de contrôler notre économie. Toutefois, on ne peut pas pour autant répondre à la question : quelle économie construire, quel contenu pour le projet de société ? La critique du concept de productivité vise à déblayer le terrain pour y arriver. En même temps, cette critique s’attaque à un des grands mythes de la soi-disant supériorité du capitalisme. Tel est le but de ce texte. Comme la productivité se définit comme la production nationale par heure travaillée, on fera d’abord une critique du dénominateur puis celle du numérateur.
A. La critique du dénominateur
L’intensité des heures travaillées carbure au gaspillage des heures non travaillées
La productivité, dont le Québec est en manque, est celle définie par le capital. Le capital n’en a que pour la productivité de l’heure travaillée, se foutant éperdument, et même favorisant, des heures de chômage totalement improductives pour lesquelles, sous l’effet de la pression des luttes sociales, il a quand même dû consentir un débours compensatoire qu’il cherche constamment à réduire au minimum vital et même en deçà. Plus l’heure travaillée est productive, plus la possible extraction de travail non payé, ou plus-value, est grande, plus le taux d’exploitation ou taux de plus-value, le ratio entre travail non payé et travail payé, est important [3]. Plus le chômage, l’armée de réserve du capital, est important, plus est grande la pression sur ceux et celles qui travaillent d’accepter d’être rémunéré à rabais et de subir des mauvaises conditions de travail, au prorata de la division du prolétariat par le sexisme, le racisme, la xénophobie et le corporatisme. En résumé, plus la productivité de l’heure travaillée est grande et plus le totalement improductif chômage est grand, plus le taux d’exploitation, source principal du profit, est important.
Ce dispositif contradictoire permet d’augmenter la productivité en emprisonnant la force de travail, le travail vivant, dans des moyens de production, le travail mort, de plus en plus considérable [4]. Le développement des forces productives (moyens de production, science et technologie, systèmes d’organisation, compétence de la force de travail) se faisant dans le cadre capitaliste, il n’est pas neutre mais vise la maximisation du profit en faisant du travail vivant un appendice du travail mort. Travail à la chaîne, machine à contrôle numérique, surveillance électronique ne sont pas des développements technologiques neutres. Ce développement biaisé en faveur des intérêts du capital tendra, en combinaison avec la peur du chômage, à augmenter la productivité de la force de travail, un mélange inextricable d’intensité technologique et d’intensité du travail, de sorte à maximiser son taux d’exploitation ou de plus-value (le ratio travail non payé versus travail payé) pour neutraliser la hausse inévitable de la composition organique du capital.
À la naissance du capitalisme, la parcellisation du travail manufacturier a causé une augmentation de la productivité qui a détruit l’artisan tout en baissant son niveau de vie et en allongeant son temps de travail [5]. Tablant sur le nouveau machinisme électrique et à explosion, le taylorisme (le minutage des tâches) permis par la standardisation des composantes en vue de l’assemblage a culminé dans le travail à la chaîne soumettant le prolétaire à la machine... commandée par le patron et ses sbires. Ainsi le capital a pu non seulement récupérer les gains syndicaux en termes de réduction hebdomadaire du temps de travail mais il a pu aussi concéder une consommation accrue et déformée, presque physiologiquement nécessaire pour compenser ce saut qualitatif de l’aliénation du travail, tout en haussant le taux d’exploitation étant donné la hausse phénoménale de la productivité. L’emphase sur l’allongement du temps de travail, la plus-value absolue, se transformait en celle sur l’intensification du travail, la plus-value relative.
La généralisation des ateliers de misère... même de luxe
Le capitalisme néolibéral a exporté en Chine et ailleurs en Asie de l’Est, du Sud-Est et du Sud, sans oublier l’Europe de l’Est et le Mexique, ce type de production qu’on croit, en Occident, avoir disparu [6]. Ces gigantesques « ateliers de misères » rappelant au cube la grande époque industrielle en Occident, mais incrustées dans la haute technologie de par leurs produits, sinon de par leur conception, organisation, financement et mise en marché, se marient à des salaires et à des conditions de travail dignes de l’époque manufacturière sous la houlette d’un autoritarisme bureaucratico-militaro-féodal hérité de l’histoire de cette partie du monde [7], largement aux dépens des femmes et non sans excroissance dans les pays centraux où on retrouve une large proportion de travailleuses immigrées [8]. On aurait cependant tort de croire à leur marginalité dans les pays du vieil impérialisme. Les Wall-Mart et Amazon ne seraient rien sans leur sordide côté atelier de misère [9] intimement relié à leur côté téléinformatique. S’y optimise la combinaison de la plus-value relative avec la plus-value absolue au gré d’intenses longues journées de travail et de temps mort le tout différencié selon les statuts d’emploi qui eux-mêmes peuvent être corrélés au sexe, aux nationalités et aux régions d’origine. Que ce soit aux ÉU, en Allemagne ou en Chine, ces ateliers de misère high tech sont un paroxysme de la loi du développement inégal et combiné [10].
Reste que dans les pays centraux, et chez la couche cosmopolite des pays émergents, se développe un nouveau type de rapports sociaux révélant un nouveau type de prolétariat, surtout jeune, mâle et pâle, se vouant corps et âme à la rentabilité du capital sous le couvert de l’idéologie libertaire [11]. Les récents développements technologiques (miniaturisation, large banque de données et logiciels dans le « nuage » dont Amazon est le principal pourvoyeur) et organisationnels (réseau sociaux, firmes spécialisées, universités au service de l’entreprise) ont donné naissance à des « marathons de programmation » ou hackatons qui permettent aux méga-monopoles et aux entreprises de capital de risque d’identifier des entrepreneurs ou des employés prometteurs [12].
Le suprême développement de ces méthodes sont les « accélérateurs », des sortes d’« écoles » payantes où les entrepreneurs potentiels sont sélectionnés et encadrés pendant quelques mois pour développer leurs logiciels (software), la plupart du temps des applications pour les réseaux sociaux, mais aussi des produits téléinformatiques (hardware) avec accès à de vastes inventaires de pièces et des manufacturiers spécialisés en fabrication de prototypes en série limitée. Les premiers se situent surtout aux ÉU et les seconds en Chine qui seule possède l’infrastructure manufacturière nécessaire. Les meilleurs candidats sont liés à des firmes de capital de risque, surtout étasuniennes, qui les financent pendant que la plupart des promoteurs de ces écoles très spéciales s’accordent une part du capital de ces start-up. Inutile de dire que le taux de réussite est minime parmi ces apprentis entrepreneurs qui acceptent des conditions d’étude, si l’on peut dire, démentes en termes d’heures et d’intensité de travail [13].
Plusieurs observateurs remarquent que ce processus, comme pour les artisans prolétarisés du XIXiè siècle, permet moins l’identification de futurs Steve Jobs que de futurs bons ingénieurs et programmeurs salariés qui font le pain et le beurre des méga-monopoles détenteurs des plate-formes sur lesquelles se greffent toutes ces applications et périphériques [14]. Les quelques start-up qui réussissent à embaucher des employés apprennent souvent à ne pas les payer [15]. Dans ce milieu pour lequel le marché mondial est une réalité quasi immédiate et dont les produits virtuels ont une vie éphémère, les transnationales à succès de moyenne taille misent sur l’enthousiasme des accrocs, l’esprit de groupe et le ludisme pour motiver des jeunes employés moyennement payés, en fonction de leur performance facilement mesurable, de qui on attend un travail intense et une grande disponibilité au gré des aléas des échéances et des contrats [16]. C’est à se demander jusqu’à quand ces employés à la mode pourront tenir le coup non seulement en termes de santé, de vie familiale mais aussi de capacité créative ? En plus, le caractère foot-loose et la légèreté en capital fixe de ces entreprises leur permettent de faire chanter les gouvernements pour obtenir un soutien généreux [17].
D’une part, les nouvelles technologies de l’informatique et des communications (TIC), dans le sillage desquelles s’engagent la génomique, la nanotechnologie et la robotique, pénètrent et facilitent l’extension des ateliers de misère, accompagnés de leur cortège de services souvent informels, où se retrouvent un lourd contingent de femmes et d’immigrantes à idéologie traditionnelle. D’autre part, ces technologies permettent de renouveler à la moderne des rapports de production à l’ancienne en se jouant de l’individualisme libertaire de la nouvelle génération mâle et pâle où cette idéologie se déploie avec le plus de facilité.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les destructions d’emploi des politiques et les délocalisations du néolibéralisme, surtout depuis que la crise lui a coupé les deux jambes, ont rallongé l’armée de réserve, particulièrement de jeunes instruits, contraints à accepter la surexploitation pour survivre. Amazon, encore elle, et bien d’autres à sa suite ont vu l’occasion d’utiliser l’Internet pour leur faire réaliser des tâches intellectuelles simples que l’ordinateur n’arrive pas encore adéquatement à accomplir. Sans quasi restriction légale et pouvant faire jouer à plein la compétition entre des inconnues, car ce sont surtout des femmes, tant surtout aux ÉU qu’en Inde unis ici dans une même surexploitation, Amazon et consorts arrivent à mobiliser des millions de personnes qui accomplissent des menus travaux intellectuels en deçà du salaire minimum et sans bénéfices marginaux [18]. S’y ajoutent ces millions de gens qui proposent leurs produits maisons ou leurs services par l’intermédiaire de sites de marché virtuel [19].
L’envers de la médaille : surpopulation flottante, latente et stagnante
Tous ces emplois sont finalement relativement peu nombreux [20] ou inconstants. Plus que jamais la productivité capitaliste des uns carbure à l’improductivité des autres. Pour apprécier le temps improductif, on ne peut se contenter du taux de chômage. Il faut d’abord constater l’improductivité de la population officiellement en âge de travailler qui ne travaille pas du tout. Au Québec, le complément du taux d’emploi (100% moins le taux d’emploi) de la population officiellement en âge de travailler (15-64 ans) est d’environ 30%, un peu plus chez les femmes que chez les hommes [21] ou d’environ 40% si on prend en considération la population de 15 ans et plus [22]. Ensuite, il faut constater que parmi le 70% sur le marché du travail, en 2012, 37% (H : 34%, F : 41%) occupe un emploi que l’Institut de statistique du Québec définit comme « atypique » [23], soit des travailleurs et travailleuses autonomes sans employées (11%, H:12%, F:9%) [24], temporaires à temps plein (9%,H:10%, F:8%) et à temps partiel (18%,H:12%, F:25%) [25]. Même s’il est difficile d’évaluer les heures de travail non mobilisées qui auraient pu l’être , on peut penser qu’elles constituent de 40 à 50% du total des heures mobilisables dans un cadre de plein emploi et de salaires et conditions de travail adéquates. (La baisse du temps de travail sans baisse de salaire n’est pas une option capitaliste mais un combat anticapitaliste. Le capital réduit le temps de travail à sa manière, par les emplois atypiques.)
On remarque, cependant, que la stagnation du salaire, de la détérioration des conditions de travail et de la baisse de la qualité des services publics et des programmes de soutien du revenu de l’ère néolibérale, contradictoirement combinées à l’importante hausse de la participation des femmes au marché du travail [27] due à leurs luttes émancipatrices dont le gain des garderies bon marché, augmentent le ratio personnes mobilisées versus celles mobilisables, mais non nécessairement les heures de travail mobilisées versus celles mobilisables, quitte à renforcer la double journée de travail des femmes comme le montre leur taux élevé de travail à temps partiel. Le capital ne renonce nullement à l’esclavage domestique lequel minimise le coût de la reproduction de la force de travail. Pour mater la nostalgie des gains sociaux des « trente glorieuses » (1945-1975) et contrer l’aspiration à la diminution du temps de travail sans diminution de la rémunération à laquelle contribue la conscience des possibilités tant de la hausse de la productivité que de celle de la réduction du chômage et de celle du gaspillage, le capitalisme remobilise les personnes âgées [28], contraintes par la précarité de leurs régimes de pension et par la baisse du rendement en intérêt de leurs placements.
Il en est de même du côté des personnes immigrantes [29] en pointe pour l’emploi des femmes [30] et des gens avec diplôme [31]. L’importance rapidement croissante de la force de travail immigrante démontre l’hypocrisie des gouvernements à profiter de la débandade économique et politique de maints pays dépendants et de la surexploitation généralisée de l’ensemble de ces pays dues aux méga-monopoles et autres transnationales et à l’impérialisme. Le recours à la force de travail immigrante permet à la fois d’attiser la division populaire par la xénophobie et le racisme tout en envenimant le taux d’exploitation [32] par des restrictions de plus en plus sévères à l’immigration, tout à l’opposé de la circulation de plus en plus facile du capital-argent, ce qui permet à ce dernier d’aller en plus surexploiter sur place cette force de travail prisonnière de sa misère [33].
Comme quoi l’armée de réserve du capital est fort nombreuse, bien au-delà des sans travail de la dite « population active », surtout si l’on prend en considération, comme on le doit, les gens à la retraite dont il faut distinguer le troisième âge du quatrième âge, et particulièrement le réservoir inépuisable des populations des pays dépendants prêtes à l’immigration si on leur en donnait l’opportunité. En son temps, Marx notait l’existence d’une « surpopulation relative [qui] présente toujours des nuances variées à l’infini. Pourtant on y distingue bientôt quelques grandes catégories, quelques différences de forme fortement prononcées - la forme flottante, latente et stagnante. » [34] Si les sans travail, permanents et occasionnels, dit « actifs » représentent la partie « flottante », la partie dite « inactive » pourrait être considérée comme la partie « latente » et celle vieillissante comme celle « stagnante » auxquelles il faudrait ajouter une partie immigrante inclassable dans les trois premières catégories quoique on pourrait toujours la considérer, du point de vue des pays centraux, comme une immense surpopulation latente hors frontières. Voilà un gaspillage social d’une grande ampleur qui ruine toute prétention du capital à être le champion de la productivité.
Combattre le gaspillage par le gaspillage
Mais est-ce le seul gaspillage ? La maximisation du profit résultant de la compétition entre capitalistes particuliers, interpénétrée de celle entre États-nations, a permis jusqu’ici le maintien historique du taux de profit [35] grâce à une hausse du taux d’exploitation compensant celle de la composition organique du capital. Qui dit augmentation du taux d’exploitation dit un grand écart entre la valeur totale produite et celle nécessaire à la reproduction de la force de travail. Pour s’auto-reproduire, le système capitaliste doit quand même réaliser (vendre) cette valeur « inutile ». Affecter ce grand écart dans son entièreté à la fabrication des moyens de production, dont le but final est censé rester la reproduction de la force de travail à meilleur marché, relève de l’exploit olympique même une fois satisfaite la consommation de luxe d’insatiables individus capitalistes relativement de moins en moins nombreux étant donné la dynamique de monopolisation. Comme pour les inhumaines performances olympiques, il y faut une panoplie de drogues. La critique du PIB, le numérateur du ratio production nationale (mondiale) versus les heures travaillées lequel définit la productivité, révèle cet autre gigantesque gaspillage, qui menace dorénavant l’équilibre écologique de la terre, créé par le capital pour résoudre les contradictions du premier gaspillage.
B. La critique du numérateur
Le divorce entre valeur d’usage et valeur d’échange
Trop longtemps, le seul dénominateur a été l’objet de la critique chez la gauche. La notion de PIB, le numérateur, doit aussi être passée au crible de la critique au-delà de l’anecdotique commentaire de Keynes à propos de creuser des trous pour les remplir [36]. Si l’on oppose à la maximisation du profit la maximisation de la croissance du PIB, comme le fait la social-démocratie, et l’a fait le stalinisme, on se fait récupérer par le capitalisme qui n’a pas d’objection à maximiser la production de choses utiles (valeur d’usage), ou rendues prétendument utiles par la propagande capitaliste dite marketing/publicité [37]. Le capitalisme du XXiè siècle en a même rajouté avec le stimulant du crédit hypothécaire favorable à la maison unifamiliale, au détriment du logement collectif, et du crédit à la consommation favorisant l’automobile privée aux dépens du transport public et les innombrables appareils électro-ménagers et électroniques, la plupart du temps sous-utilisés, aux dépens de solutions communautaires.
Cerise sur le gâteau, le capitalisme de l’ère impérialiste néocolonial a coiffé le tout par l’obsolescence planifiée ou programmée [38], la malbouffe [39], la Mc mansion [40] et les effets de mode faisant de la valeur d’usage une caricature. Ce capitalisme décadent produit de moins en moins de « biens », comme il le dit, mais des « maux » nuisant à la santé [41] et aux relations sociales [42]. La prise en compte de l’amoncellement des déchets, de la mauvaise santé due au stress et à la mal bouffe, des faux frais de fonctionnement de la ville tentaculaire, de l’épuisement des sols agraires et du coût disproportionné des liaisons ville-campagne et, last but not least, de l’économie de guerre permanente [43], et des guerres réelles, gonfle à bloc la croissance du PIB.
Rendre service n’est pas rentable
Par contre, le capitalisme se fait prié pour rendre service, si l’on peut dire. Le capital a beau tout faire pour faire avaler ses (mauvais) produits aux travailleurs, devenus des travailleurs-consommateurs, il répond de moins en moins bien aux besoins sociaux non aliénés lesquels, une fois satisfaits les besoins de base en nourriture, habillement et logement, sont plus des services (santé, éducation, réparation, entretien, soins et soutien personnels, culture) que des produits et le seraient encore davantage si le capital n’avait pas intérêt à transformer les services en produits comme par exemple pour le loisir, le transport des personnes et même le logement. Du point de vue de la rentabilité, les services ont l’inconvénient de ne pas se stocker, de créer une liaison productrice-consommatrice et surtout sont intrinsèquement publics et généralement prennent plus de temps qu’un produit pour être consommés.
Les produits peuvent être fabriqués dans les pays et régions où la force de travail est bon marché ― et Dieu sait que c’est là la recette secrète néolibérale depuis la réincorporation des ex économies collectives dans le marché mondial — mais non les services à moins que ce soit des services aux entreprises (consultation, comptabilité, ingénierie, services légaux) ensuite incorporés en valeur dans les produits finaux. Le lien producteur-consommateur se prête mal à l’intensification du travail, et encore moins au travail à la chaîne, mais est favorable à l’intensification des liens sociaux, à la solidarité. D’où la tentative du capital pour chosifier ces services aux personnes par exemple par le minutage des soins de santé, le médicament au lieu de la consultation, encore plus celle collective, et la prévention, l’enseignement à distance et individuel, l’individualisation des loisirs nécessitant des appareils électroniques et la vente et la location de produits culturels, l’organisation des vacances en forfaits et, last but not least, l’automobile privée au lieu du transport collectif et même le grand logis (et terrain) privé au lieu d’un plus petit avec accès à de nombreux services à proximité. Règle générale, plus un service est chosifié et individualisé, moins il rend un service de qualité et socialement gratifiant.
Plus fondamentalement, les services se ventilent de ceux strictement individuels (le salon de coiffure) à ceux essentiellement collectifs (l’enseignement). Plus un même service peut être approprié en même temps par plusieurs personnes ― les TIC rendent cela possible dans des lieux différents jusqu’à dans le logis privé (télévision, internet) — sans être détruit par sa consommation, comme les produits non durables, plus il est public au sens économique. Pour les privatiser afin de les vendre, le capital doit artificiellement créer des barrières physiques (salle de cinéma et salles de cours non remplie à sa capacité, autoroute payante) ou électroniques (abonnement aux services de câble, d’Internet, de téléphonie mobile). C’est là le contraire de l’efficacité, de l’augmentation de la productivité. Étant donné que l’information est au cœur des services publics, au sens économique, c’est là aussi une entrave à la démocratie qui requiert l’accès égal et sans restriction de tous et toutes à la même information.
Pour que ces services soient gratuits pour l’individu, ce qui seraient d’ailleurs cohérents avec l’école marginaliste qui dit que le prix doit égaler le coût marginal de production lequel est ici nul plus des poussières, il faudrait que le coût fixe [44], souvent important (ex. une base de données, un film, un réseau de distribution) soit payé par la collectivité ce qui suppose un mécanisme démocratique de décision afin de le produire en premier lieu. On est ici très loin du capitalisme. C’est là la raison pour laquelle les services publics, au sens économique, ont tendance à être publics au sens politique. Leur privatisation entraîne inévitablement un dysfonctionnement systémique en termes d’efficacité globale que le capital essaie de minimiser par la substitution à la privatisation pure par les partenariats publics-privés (PPP) et la sous-traitance... ce qui en plus lui garantit d’être payé par le contribuable, de moins en moins patronal, ce qui est commode en temps de crise.
Pour combler la mesure anticapitaliste, le temps de consommation des services tend souvent à être relativement long, temps pendant lequel on ne consomme pas autre chose ou à peine. Les services culturels, surtout s’ils sont interactifs, peuvent rendre plus conscients donc moins consuméristes... d’où la riposte capitaliste de les convertir en divertissements, qui incitent à la consommation, et d’en faire l’occasion de la vente de nouveaux produits électroniques pour les consommer non pas collectivement mais individuellement. Contre son gré et malgré ses tentatives héroïques d’étendre la consommation des produits au-delà de besoins quitte à déformer les corps, malgré des efforts impressionnants pour convertir les services en produits, le capital a quand même dû se résigner à ce que les services s’accaparent la grande part du PIB [45]. Le divorce entre produit intérieur et bonheur national, le corollaire de celui entre valeur d’échange et valeur d’usage, en devient irrémédiable. Tel fut le prix de la lutte du capital contre la baisse tendancielle du taux de profit [46] pour contrer les effets contradictoires de la hausse de la productivité.
La grande réconciliation du profit et du PIB
Il n’en était pas ainsi durant l’ère du capitalisme libéral du XIXiè siècle et durant l’ère de l’impérialisme colonial sauf dans les pays centraux au moment de la conquête impérialiste du monde. Dans le premier livre du Capital, dans son paragraphe sur l’Irlande qui anticipait la domination impérialiste du capitalisme mature sur le monde, Karl Marx explique qu’à la naissance de ce qui sera appelé impérialisme la plus-value s’accroît aux dépens de la baisse, et non de la hausse, de la production nationale [47]. L’accumulation du capital du capitalisme libéral se faisait en détruisant la petite production marchande et la rente foncière des grands propriétaires fonciers issus de l’ère précapitaliste, d’abord dans les pays centraux puis dans les pays limitrophes et les colonies. En résultait la mise en disponibilité d’une énorme masse de force de travail permettant des salaires de misère, quand ce n’était pas l’esclavage, lesquels réduisaient le niveau de vie populaire et permettait une drastique accumulation dite primitive de capital. (La destruction de l’économie paysanne collective en Chine, et même de l’industrie étatique dans les villes, ont créé un mouvement semblable donnant les mêmes résultats.)
Toutefois, la plus-value, c’est-à-dire le travail non payé, ne pouvait être extrait que de la valeur d’échange, c’est-à-dire de la production proprement capitaliste une fois payés les salaires, et cette valeur d’échange devait répondre à des besoins réels, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait s’émanciper d’une valeur d’usage à peine déformée à cette époque. Ce freinage exacerba la compétition nationale et mondiale engendrant les deux grandes crises, celle de l’ère libérale puis celle de l’impérialisme colonial [48], qui trouvèrent leur solution dans la barbarie des guerres coloniales et des deux guerres mondiales.
Ces guerres favorisèrent une poussée révolutionnaire, même dans les pays centraux, laquelle amputa sérieusement le marché mondial (L’URSS puis la Chine et consorts). Elles ouvrirent la voie à l’émergence de bourgeoisies nouvelles, donc compétitrices, dans les grands pays dépendants, par exemple en Inde. Menacé dans son existence, le capitalisme central changea de stratégie sur des chapeaux de roue. L’accumulation du capital se réconcilia avec la croissance du PIB sur la base du productivisme des managers, obnubilés par les parts de marché, dont l’envers de la médaille fut le consumérisme misant sur l’insécurité populaire héritée des grandes guerres issues de l’impérialisme coloniale entrecoupées de la grande crise.
Tant que la hausse importante de la productivité due à la reconstruction d’après-guerre, à l’émergence de la consommation de masse et même à la croissance de la partie « pacifiée » des nouveaux pays néocoloniaux (tigres puis dragons asiatiques, régimes populistes puis dictatures sud-américains), le capital put, sur la base du partage des gains de productivité, augmenter les salaires réels, en termes de valeur d’usage, tout en stabilisant et même en réduisant le salaire comptabilisé en temps de travail socialement nécessaire, c’est-à-dire en termes de valeur d’échange. Une fois épuisé le stock de nouvelles technologies accumulé durant la dernière grande crise et la dernière grande guerre, exacerbée la compétition mondiale entre les vainqueurs et les vaincus d’hier, que les vainqueurs avaient dû se laisser reconstruire pour tirer le tapis sous les pieds de la menace révolutionnaire, et ralentie en conséquence la hausse du salaire réel, la nouvelle stratégie productiviste-consumériste s’empêtra dans la stagflation de la fin des années 1970.
Le rentier néolibéralisme récupère le productivisme/consumérisme par l’endettement
On ne peut que constater le succès capitaliste pour rétablir sa profitabilité dès l’amorce de l’ère néolibérale [49] avec le coup fourré de la brusque augmentation des taux d’intérêt de la banque centrale étasunienne [50] entraînant la mise au pas des pays dépendants par l’intermédiaire de la crise mexicaine de 1982 [51], le tout complété d’une contre-offensive toute aussi fulgurante contre le mouvement syndical aux ÉU en 1981 et en Grande-Bretagne en 1984 [53]. L’intégration consumériste au système lors des « trente glorieuses », s’ajoutant aux failles sexiste et nationaliste du prolétariat, surprit un mouvement syndical engoncé comme jamais dans la collaboration de classe et paralysé par l’endettement de ses membres et souvent par l’intégrante capitalisation de son assurance-vieillesse et de son assurance-risque dans des fonds de pensions, privés et publics, et des compagnies d’assurance. L’endettement parallèle des pays dépendants mit à la merci du Fonds monétaire international (FMI), sur le dos de leurs peuples, leurs bourgeoisies qui en menaient trop large face à celles dominantes des pays du centre. Le rétablissement du taux de profit se fit essentiellement par une importante augmentation du taux d’exploitation, accroissant le ratio profits/salaires et les inégalités de la distribution du revenu national, mais sans renoncement au consumérisme grâce à un effondrement de l’épargne et à un approfondissement de l’endettement des ménages [54].
Avec sa dictature sur le marché mondial par une poignée de rivaux méga-monopoles mondiaux [55] instaurant une intégrale division internationale du travail commandée par le capital financier, rendue techniquement possible par les TIC et politiquement possible par la libéralisation, la déréglementation et la privatisation poussées par les accords de libre-échange ; étouffant les monopoles de moindre envergure [56] ; subjuguant les PME dans leur réseau de fournisseurs/clients ou par la finance [57] ; et s’appuyant sur la poigne de fer répressive et militariste d’une poignée de concurrents méga-États [58] qui dominent leurs semblables, le néolibéralisme est la négation du libéralisme de la première époque du capitalisme. Au dynamisme productif du dernier balayant les formations sociales précapitalistes, le premier oppose un sévère recul de la croissance de la productivité dans les pays centraux [59] lui substituant une généralisation de la rente s’étendant de celle de la terre, qui s’internationalise [60], et des matières premières, particulièrement énergétiques mais aussi alimentaires [61], à une recrudescence de la financière « tonte des coupons » [62] en passant par un renforcement de celle assurée par la dite « propriété intellectuelle » y incluant la matière vivante [63]. Cette « propriété intellectuelle » n’est d’ailleurs pas autre chose qu’une mainmise monopolistique sur le patrimoine scientifique et technologique de l’humanité, y compris celle sur les savoirs traditionnels [64]. Paradoxalement, le capitalisme néolibéral réinstaure au paroxysme les rentes agraire et commercial (Compagnies des Indes, Compagnie de la Baie d’Hudson) chères aux États absolutistes que le capitalisme libéral, issu des révolutions antiféodales, avait abolies.
La relative « réussite » néolibérale s’explique par trois grandes causes se renforçant les unes les autres. La faillite du socialisme réellement existant a livré au capital un immense nouveau prolétariat corvéable à merci jusqu’à ces dernières années, tel celui de la Chine, souvent bien formé mais réduit au chômage de masse, tel celui de la Russie et de l’Europe de l’Est, ce qui a rendu possible la combinaison, presque du jour au lendemain, d’une forte exploitation et de la technologie la plus moderne grâce à un surgissement des investissements directs dans ces nouveaux pays émergents [65] car la disparition du bloc collectiviste a fortement affaibli le protectionnisme des pays capitalistes, tel l’Inde, liés à l’URSS. En complément, le capital a eu accès à de très importantes ressources naturelles, particulièrement énergétiques. En contrepartie, le « vieil impérialisme » a dû accepter l’apparition de concurrents de taille, particulièrement la Chine, à qui le FMI n’a pas pu s’imposer, avec ses mal famés programmes d’ajustements structuraux, étant donné la cohésion de leurs directions issues de révolutions sociales et nationales dégénérées.
La deuxième source a été la maturation, à la fin des années 1990, des TIC, et l’apparition à leur suite de prometteuses nouvelles technologies (génétique, nanotechnologie, robotique, énergies diffuses) lesquelles ont profondément pénétré les forces de production, les moyens d’échange et les produits de consommation, ce qui suggère une nouvelle révolution technologique dont le déploiement n’en serait qu’à ses débuts [66] et qui recèle un inquiétant potentiel « Big Brother » si elle se fait sous la houlette capitaliste. Last but not least, le productivisme/consumérisme, hérité des « trente glorieuses » lui-même généralisation de l’American Way of Life né dans les années 1920 aux ÉU [67], carburant à l’endettement dorénavant généralisé à tous les secteurs et à tous les pays [68], a connu un développement exponentiel qui a précipité une crise climatique et une autre de la biodiversité qui s’annoncent d’une telle ampleur [69] qu’elles mettent en cause la civilisation humaine et peut-être même son existence [70].
L’urgente alternative
Le capitalisme néolibéral enfonce encore plus que jamais le clou de la dégénérescence civilisationnelle. Si le profit contre le PIB avait abouti à l’Holocauste et à Hiroshima, l’alliance du profit et du PIB aboutit à la mort lente mais s’accélérant de la grande dislocation écologique... qui a bien des chances de ramener les deux premières catastrophes sur le devant de la scène. Le renversement du capitalisme néolibéral s’impose comme une urgence. Si l’on admet sa mue en capitalisme vert, il faut admettre le retour du profit contre le PIB de sorte à arrêter dans la douleur le productivisme/consumérisme de la grande majorité afin de concentrer, via le capital financier, les ressources de la nouvelle technologie sur le sauvetage de l’humanité. Ce sauvetage contre les peuples par la généralisation des ateliers de misère high-tech pour édifier des projets pharaoniques à haut risque suppose l’émergence d’un méga-hégémon qui dans l’histoire capitaliste réellement existante n’a jamais pu s’imposer sans grandes guerres.
La répression permanente doublée d’un gendarme mondial tout aussi permanent, en autant que les guerres n’aient pas tout foutu en l’air au sein d’un monde plein d’armes de destructions massives et de bombes à retardement appelées centrales nucléaires, suppose un autoritarisme de grand ampleur qui pourrait être un fascisme des « classes moyennes » branchées, la dictature du 1% sur les 90% s’appuyant sur les 9%. La transition vers ce super « 1984 » de George Orwell s’annonce commence « un voyage au bout de l’enfer » qui a peu de chances de parvenir à terme. La capacité des forces de droite extrême et d’extrême-droite de prendre la direction des révoltes contre des gouvernements conjuguant austérité et corruption en Thaïlande, en Ukraine et au Venezuela, de même que de récupérer les révolutions arabes, et de supplanter la gauche dans la rue en France et au Québec en se drapant du droit des femmes et de la laïcité pour cacher la conservatrice défense de la patrie et de la famille, peut être lu comme un signe avant-coureur de cette effrayante possibilité. Mais il faut signaler l’actuelle contre-tendance bosniaque [71].
L’alternative c’est l’anticapitalisme prenant pleinement la mesure du temps présent comme cul-de-sac historique menant vers la catastrophe et tirant les leçons des bons coups et des erreurs lamentables des (tentatives de) renversements passés de régimes capitalistes. Pour paraphraser Danton faisant appel au peuple afin de sauver la révolution française de l’imminente invasion réactionnaire, il faut un parti, encore un parti, toujours un parti, un crédible parti anticapitaliste de la rue construisant l’auto-organisation prolétarienne et populaire pour détruire le capitaliste État bureaucratique, militariste et répressif afin d’exproprier sans délai le capital financier et celui accapareur de la terre et des ressources naturelles afin de construire une société de plein emploi écologique. La multiplication des révoltes populaires ces dernières années s’achevant en amère déception a plus que démontré le grand vide à gauche que la droite extrême, bien organisée en partis et groupes politiques, s’est empressée de remplir.
Les gouvernements de gauche andins ont certes démontré leur nationalisme et leur anti-américanisme, desquels leurs peuples ont bénéficié, mais pas du tout leur anticapitalisme et leur anti-impérialisme et encore moins leur parti-pris écologiste. Les nouveaux partis tels le Parti de gauche français et Québec solidaire misent sur l’électoralisme avant tout quel que soit la radicalité occasionnelle de leurs discours du dimanche. Il n’est pas certain que le parti Syriza grec ne baigne pas dans la même eau. Pour la direction des ces partis, le respect des institutions est sacré comme en témoigne le constitutionnalisme stratégique de Québec solidaire [72]. Les anticapitalistes peuvent sans doute travailler en leur sein pour éviter le désert propagandiste et groupusculaire, le cas échéant, mais uniquement comme pôle oppositionnel public et visible, si inconfortable soit ce parti-pris, et sans aucunement délaisser le travail prioritaire dans le mouvement social.
Quel projet de société ?
Un : l’antibureaucratique radicalité démocratique. La déchéance de la Révolution bolchevique en contre-révolution stalinienne, et son influence dévastatrice sur toutes les révolutions du XXiè siècle, a démontré que la radicalité démocratique reste cruciale avant, pendant et après surtout quand tout paraît foutre le camp. C’est alors que les combattantes qui risquent tout ont plus que jamais droit au chapitre, que les directions ont besoin de leurs idées s’exprimant sans entrave et menaces et souvent de renouvellement de leur composition, que les courants minoritaires doivent se faire entendre sans soucis de préserver de bons rapports avec des bureaucraties de droite ou de gauche qui bien souvent les manipulent. Plus les courants minoritaires auront été entendus moins ils seront réticents à s’engager dans l’action majoritaire, plus l’action majoritaire sera forte.
Deux : la lutte contre le patron dans l’entreprise n’est pas tout, même si elle reste le centre stratégique comme lieu de production de la plus-value et que rien de crucial ne sera accompli sans mouvement gréviste de grande ampleur. L’unité combative du prolétariat pour stopper la machine à profit passe par la lutte féministe, la lutte de quartier, la lutte étudiante, la lutte écologique et, là ou le bât blesse le plus, la lutte internationaliste pour le droit des immigrantes, des sans papiers et pour la solidarité avec les peuples. En résultera une grande solidarité de classe, féministe et internationaliste, donnant non seulement le rapport de force pour renverser le capitalisme productiviste mais aussi une richesse de relations sociales créant le niveau de sécurité nécessaire pour saper les bases matérielles du consumérisme.
Trois : L’éminente catastrophe écologique, devant laquelle le capital a complètement démissionné, pose la question de la compression du temps. Il n’y a pas de problèmes avec les révoltes de masse. Elles se succèdent les unes après les autres. Le peuple répond présent mais la gauche est aux abonnés absents. L’urgence se trouve dans la construction de ce parti anticapitaliste et des ses interfaces, ses cellules, au sein du mouvement social, particulièrement syndical, et non par circonscriptions électorales. Cet acquis de la révolution bolchevique est loin d’être dépassé et ne peut pas être remplacé par le buzz des réseaux sociaux lesquels sont cependant un précieux outil facilitant la démocratisation tant de l’auto-organisation que des partis anticapitalistes.
Comment passer du point A, la situation actuelle, au point B, cette société de solidarité ayant vaincu productivisme et consumérisme où les gains de productivité se transformeront en libre temps créateur sous contrainte de préservation des grands équilibres écologiques dont la productivité des sols ? Le but, au Québec, pour résoudre le dilemme de la productivité, est l’indépendance pour exproprier les banques et sauver la langue afin de construire une économie autogérée de plein emploi écologique en rapports solidaires avec les peuples des Amériques et du monde. Le chemin pour y arriver ne serait-il pas, sur la lancée du printemps érable, celui des luttes pour la gratuité ? C’est un rendez-vous pour la suite des choses.
Marc Bonhomme, 28 février 2014
www.marcbonhomme.com ; bonmarc videotron.ca
Annexe : La composition organique du capital s’accroît-elle historiquement ?
On ne doit pas nécessairement comprendre le qualificatif « considérable » dans le texte en termes de quantité physique, comme par exemple dans le film « Les temps modernes » de Chaplin où Charlot est avalé puis recraché par les rouages de la machine. Mais il est faux de penser que les chaînes de production ont laissé systématiquement la place à l’économie virtuelle. C’est là une illusion d’optique occidentale oublieuse de leurs déménagements en Asie, au Mexique et en périphérie de l’Europe occidentale. C’est aussi oublier le machinisme gigantesque du secteur de l’extraction et de la première transformation des ressources naturelles (centrales électriques, plate-formes de forage, raffineries, mines, fonderies) de même que les infrastructures nécessaires au transport des marchandises et aux mégalopoles.
Reste que la composition organique du capital doit se comprendre avant tout en termes de travail socialement nécessaire et non en termes physiques ou techniques. Elle croît dans la mesure où le travail mort croît plus vite que le travail vivant. À cet égard, on cite souvent, pour contester la thèse de l’augmentation historique de la composition organique du capital le fait que la performance des ordinateurs a crû en même temps qu’ont décru non seulement la quantité physique et mais aussi la valeur incorporées par unité de performance (vitesse et mémoire). C’est là braquer le projecteur sur un seul produit, dut-il être important, et oublier bien vite que l’industrie électronique des composantes, à la différence de leur assemblage, est impressionnante par l’ampleur de son automatisation [73]. On oublie trop souvent que les chaînes de production sont généralement lourdes en capital fixe (infrastructures et machines) plus pour la fabrication des composantes que pour l’assemblage, plus manuel et davantage l’objet de l’attention médiatique.
Pour des produits gigantesques (centrale hydroélectrique) ou ceux complexes nécessitant une importante recherche-développement et des installations taillées sur mesure (avions de ligne ou militaire), les uns et les autres destinés à un marché limité à quelques unités ou dizaines, au mieux quelques centaines ou milliers, l’amortissement du capital fixe par unité produite est plus important ou presque que le coût du capital circulant (non fixe c’est-à-dire complètement absorbé dans un cycle de production) tant constant (matières premières, énergie) que variable c’est-à-dire créateur de valeur (salaires pour la fabrication directe). La fixation des prix selon la théorie marginaliste disant que le prix doit être égal au coût marginal c’est-à-dire au coût du capital circulant, dit coût variable par le marginalisme, de la dernière unité fabriquée en devient inopérant, ce qui signale une déficience majeure de la dite efficience des marchés. Pour s’en tirer, le producteur capitaliste doit estimer au plus près le total des ventes de ce produit ou du service rendu par ce produit, habituellement sur plusieurs années, et répartir le coût fixe en proportion. Les crises inhérentes au capitalisme rendent un tel estimé aléatoire. On constate la supériorité potentielle d’une économie planifiée en autant qu’elle ne soit pas bureaucratique avec des biais, des erreurs et des gaspillages qui rendent nostalgiques des marchés.
Quant à la production en petites séries afin de différencier les produits en fonction des goûts de la consommation, elle reste très automatisée grâce justement à l’utilisation massive de l’électronique dans le processus de production. Pensons à l’impression à trois dimensions [74]. La réussite éventuelle de cette technologie révolutionnaire de fabrication permettrait techniquement la diffusion et la décentralisation d’un segment de la fabrication mais cela ne signifierait pas nécessairement une baisse de la composition organique du capital sinon sa déconcentration. Il ne faut cependant pas sous-estimer la capacité des monopoles à se les accaparer comme elle l’a fait pour les robots [75] et de plus en plus pour l’Internet (distribution, logiciels, messageries, diffusions, réseaux sociaux, nuages) domaine hégémonisé par quelques méga-monopoles mondiaux.
Plus abstraitement, si on remonte la chaîne de production dont la base est la fabrication des produits de consommation, les robots qui font des robots..., au fur et à mesure qu’on monte dans la pyramide, absorbent une quantité relative sans cesse croissante de travail vivant se transformant en travail mort une fois incorporé dans le robot, ce qui n’exclut pas des boucles pour les tâches simples (ex. le robot simple qui fait des trous à la bonne place contribue à fabriquer des robots qui font des robots qui font des robots qui font des trous). Autrement, c’est croire au mythe du grand automate qui se reproduit lui-même, héritier du mouvement perpétuel de la physique mécanique, du Saint-Graal du Moyen-Âge et de la Corne d’abondance de l’Antiquité. Par contre, le qualificatif « considérable » s’applique toujours en termes d’incorporation du savoir humain (science, technologie, expérience) d’où l’appropriation privée de ce patrimoine de l’humanité dénotée par l’appellation « propriété intellectuelle », une rente qui contribue à l’augmentation de la composition organique du capital.
D’où la croissance historique de la composition organique du capital. D’autant que cette croissance est renforcée par l’augmentation elle aussi considérable du capital constant circulant par heure travaillée due à l’augmentation de la productivité attribuable au capital fixe. Là aussi, cependant, s’exerce des contre-tendances tel l’augmentation du taux de rotation du capital circulant — le temps de récupération de l’investissement — grâce à la division du travail entre firmes complémentaires, fournisseurs et sous-traitants, tout au long de la chaîne de production et au partage du cycle de reproduction avec le capital financier et surtout avec le capital commercial qui lui-même a souvent recours à des franchisés. Cette accélération de la rotation du capital circulant s’applique cependant tout autant au capital variable (le fonds salarial) qu’à celui constant laissant indéterminé son effet sur la composition organique. (Le capital tente aussi d’augmenter le taux de rotation du capital fixe par son emploi sans interruption 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.) S’ajoute la croissance plus que proportionnelle des faux frais de vente (marketing, empaquetage) étant donné les difficultés croissantes de réalisation de la valeur en proportion de l’augmentation du taux d’exploitation, antichambre des crises de surproduction.
Notes
1. Marc Bonhomme, Derrière la carence de productivité : la question nationale, Blog de l’auteur, 17/02/14
2. Centre de la productivité et de la prospérité de l’École des Hautes études commerciales, Productivité et prospérité au Québec, bilan 2013, janvier 2014
3. Rappelons la découverte essentielle de Marx, l’origine de la plus-value, comme quoi la force de travail crée plus de valeur qu’il est nécessaire à sa reproduction d’où la possibilité pour les propriétaires des moyens de production de s’approprier cette différence au prorata de la productivité de la force de travail et de son taux d’exploitation lui-même fonction de l’intensité de la lutte de classe. On en déduit que seul le travail vivant est créateur de valeur et non pas le travail mort incorporé dans les moyens de production.
4. Voir l’annexe pour la défense de la thèse de Marx de l’augmentation historique de la « composition organique du capital », c’est-à-dire que la croissance du travail mort, non créateur de valeur, est plus rapide que celle du travail vivant, créateur de valeur.
5. Évacuant tout explication sociale pour n’en retenir qu’une technologique, The Economist prétend que cette contradiction s’explique par l’irruption de la révolution industrielle et que l’humanité vit en ce moment une seconde grande irruption technologique, ignorant celle des moteurs à explosion et électrique, qui expliquerait le même grand écart entre profits et salaires du capitalisme néolibéral lequel se résorberait avec la généralisation de la nouvelle technologie. Voir The Economist, The Onrushing Wave [La grande vague], 18/01/14, particulièrement le graphique 3
6. Manufactured Landscapes [Paysages fabriqués], 2006, Top Documentary Films, consulté le 20/02/14
7. Les villes-usines de Foxconn, sous-traitant de Apple et tutti quanti, à Shenzen et Chengdu embauchent chacune plus de 200,000 jeunes travailleuses et travailleurs qui y logent à huit par chambre et y mangent à la chaîne (Émission Enquête, Radio-Canada, Foxconn, la face cachée d’Apple, 28/02/13, consulté le 20/02/14). C’est le pendant de l’inverse dans les pays centraux : En France, « La structure des entreprises industrielles a été elle-même modifiée. En même temps, la taille des groupes, des entreprises augmente, alors que celle des établissements diminue. » (Patrick Le Moal, Où en est le prolétariat en France ?, Revue L’Anticapitaliste, 1/01/14 par ESSF, article 31174 publié le 23/02/14)
8. DoSomethink.org, 11 Facts About Sweatshops [11 faits à propos des ateliers de misère], consulté le 20/02/14
9. Jean-Baptiste Malet, Amazon, l’envers de l’écran, Le Monde diplomatique, novembre 2013
10. Lorraine Luk, Foxconn Is Quietly Working With Google on Robotics [Foxconn travaille discrètement avec Google sur la robotique], Wall Street Journal, 11/02/14
11. Hilary Wainwright, State of Counter-power – State of Counter-power – State of the State, State of Extraction, State of Counter Culture [L’état du contre-pouvoir – l’état de l’État, l’état de l’extraction, l’état de la contre-culture], ESSF, janvier 2014, article 31080 publié le 13/02/14, ma traduction, « Le caractère innovant du renouvellement capitaliste alimenté par le crédit dans les années 1980 et 90 a puisé dans la créativité chaotique et l’inquiète culture expérimentale des mouvements des années 1960 et 70. Une grande partie de l’innovation de ce renouveau provient de sources externes à la société et de l’État lesquelles sources avaient leurs origines dans la culture rebelle “alternative” des années précédentes. »
12. Wikipedia (anglais), Hackaton. L’article en anglais, contrairement à celui français, démontre bien le rôle des monopoles télé-informatiques et du capital de risque dans la création et la récupération de ces événements libertaires.
13. The Economist, Special Report : Tech Startups, a Cambrian moment [Rapport spécial : les start-up technologiques, un moment cambrien], 18/01/14
14. Idem, « ...les connaissances requises pour exécuter un démarrage est de plus en plus codifié et banalisé. Cela a fait pencher la balance du pouvoir entre les investisseurs et les entrepreneurs, écrit [le consultant Venkatesh Rao]. « Les investisseurs ont gagné, et leurs relations avec la catégorie des entrepreneurs apparaissent maintenant beaucoup plus comme des relations entre la direction et les travailleurs. » » (page 13, ma traduction)
15. Idem, « Pour la plupart des apprentis entrepreneurs, l’argent est une constante préoccupation. Souvent, les investisseurs libèrent l’argent au compte-gouttes. […] « Si vous n’avez pas manqué le jour de la paie au moins une fois, vous n’êtes pas un vrai entrepreneur, » affirme une mantra des start-up. » (page 12, ma traduction)
16. Voir les commentaires des employés de Ubisoft au Québec dont le rapport de force sur le marché du travail est pourtant avantageux. (Glassdoor, Ubisoft-Montreal, consulté le 20/02/14)
17. René Vézina, OK pour Ubisoft, mais pourquoi faut-il toujours payer ?, Les Affaires, 1/10/13
18. Marvit Moshe Z., Amazon & Mechanical Turk : How Crowdworkers (the low-wage virtual labor) Became the Ghosts in the Digital Machine [Amazon et le turc mécanique : Comment les ’’crowdworkers’’ (les travailleurs virtuels à bas salaire) sont devenus les fantômes de la machine numérique], The Nation par ESSF, 4/02/14 mis en ligne le 11/02/14
19. The Economist, Special Report : Tech Startups, a Cambrian moment [Rapport spécial : les start-up technologiques, un moment cambrien], 18/01/14, « Etsy, un marché en ligne pour les articles faits maison, plus de 1m de personnes ont ouvert des magasins pour vendre leurs marchandises. Sur Elance et oDesk, deux sites en freelance, 2,3 m et 4,5 m, respectivement membres offrent leurs services. » (page 13, ma traduction)
20. Idem, « Entre 1990 et 2011 les entreprises américaines de la technologie de l’information et de la communication (TIC) âgées de un à cinq ans ont augmenté leurs effectifs de 10% par an […] Mais puisque la plupart de ces entreprises sont de petite taille, elles génèrent peu d’emplois en nombres absolus. […] A son apogée, Kodak employait plus de 145 000 personnes et indirectement fournissait du travail à des milliers d’autres. [...] Facebook, qui compte aujourd’hui plus de 1,2 milliard d’utilisateurs, emploie seulement environ 5800 personnes. » (page 13, ma traduction)
21. Institut statistique du Québec, Marché du travail et qualité de l’emploi : un regard inédit sur la situation dans les régions du Québec, 09/13, tableau 1.4
22. Institut statistique du Québec, Taux d’activité, taux d’emploi et taux de chômage, résultats selon le sexe, l’âge et le niveau d’études, Québec, Ontario et Canada, 14/11/13
23. Institut statistique du Québec, Emploi typique et atypique chez l’ensemble des travailleurs résultats selon le sexe pour diverses caractéristiques de la main-d’œuvre et de l’emploi, Québec, Ontario et Canada, 14/11/13
24. Institut statistique du Québec, Emploi salarié selon le secteur d’appartenance, public et privé, et travailleur autonome, résultats selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau d’études, Québec, Ontario et Canada, 14/11/13
25. Institut statistique du Québec, Emploi salarié selon le statut et le régime de travail, résultats selon le sexe, le groupe d’âge et le niveau d’études, Québec, Ontario et Canada, 14/11/13
26. On ne peut pas se fier aux interprétations subjectives sous-jacentes aux définitions d’« activité/inactivité » et de « volontaire/involontaire » largement sur-déterminées par la réalité du marché du travail.
27. Institut statistique du Québec, Marché du travail et qualité de l’emploi : un regard inédit sur la situation dans les régions du Québec, 09/13, tableau 1.4 (comparaison 1997-99 et 2009-11)
28. Emploi-Québec, Les chiffres clefs de l’emploi au Québec, édition 2013, page 10, « Autre signe du vieillissement de la population, l’emploi des personnes de 65 ans ou plus est en hausse constante depuis le début des années 2000. L’emploi a plus que triplé dans cette catégorie d’âge durant la période 1990-2012, passant de 32 200 à 104 600. »
29. Idem, page 26, « Au Québec, entre 2006 et 2012, l’emploi de la population immigrante s’est accru de 24,0%, soit à un rythme beaucoup plus rapide que celui de la population née au Canada (3,8%). L’augmentation du nombre d’emplois occupés par les personnes immigrantes (+98100) s’approche ainsi de celle de la population née au Canada (+ 126 000). »
30. Idem, page 26, « Les femmes immigrantes ont réalisé un certain rattrapage entre 2006 et 2012, car elles ont enregistré une croissance de l’emploi de 30,2 %, ce qui est beaucoup plus rapide que celle des hommes immigrants (19,1 %). »
31. Idem, page 27, « ...plus du tiers de la population immigrante résidant au Québec est titulaire d’un diplôme universitaire alors que c’est le cas pour 17,5 % de la population née au Canada. »
32. Éric Desrosiers, Les travailleurs à faible revenu sont trois fois plus nombreux parmi ceux qui sont nés à l’étranger que parmi les natifs du Québec, Le Devoir, 19/02/14
33. Cette sur-exploitation de la périphérie par les pays centraux se fait sur la base d’un échange inégal tant au niveau des prix que de la valeur... et des pollutions. Le remboursement de la dette étrangère au centuple par la périphérie crée un flux monétaire net positif du compte courant du Sud vers le Nord (Damien Millet et al, Les chiffres de la dette 2012, CADTM, points 3 et 4, particulièrement 4.2 et 4.3). S’y ajoute, à échange import-export égal en termes de prix, un échange inégal de valeur. Généralement la périphérie, y inclus les pays émergents, exporte aux pays centraux des produits intenses en force de travail, hors ressources énergétiques et minières non transformées, et vice-versa. Au net le travail vivant de la périphérie se fait vampirisé par le travail mort du Centre suite à la péréquation du profit due à la tendance à l’égalisation des taux de profit. La plus-value circule des pays et secteurs à faible composition organique du capital à ceux à composition élevée. Cette tendance est encore plus prononcée avec la libéralisation de la circulation mondiale du capital-argent. Faute de statistiques en termes de valeur et faute d’instituts de recherche suffisamment argentés et motivés à s’y mettre, il n’y a pas d’estimation de ce transfert. On peut penser qu’il est au transfert net du service de la dette ce que la partie immergée de l’iceberg est à sa partie émergée. Pour combler la mesure, il ne faut pas oublier le transfert des pollutions, y compris celle des GES, des pays centraux vers la périphérie devenue l’atelier du monde (Réseau-Action-climat, Les émissions importées, 2013).
34. Karl Marx, Le Capital - Livre premier, Le développement de la production capitaliste, VII° section : Accumulation du capital, Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste, Formes d’existence de la surpopulation relative. Loi générale de l’accumulation capitaliste.
35. Le capital au XXIe siècle de Thomas Piketty démontre statistiquement ce point. Voir Marc Bonhomme, « « The Economist » donne à sa manière raison à Marx », ESSF, article 30909, 19/01/14.
36. Wikiquote : Talk:John Maynard Keynes, consulté le 23/02/14
37. Benoît Bréville, Obésité, mal planétaire, Le Monde diplomatique, septembre 2012 : « On estime qu’un enfant américain est en moyenne exposé à vingt-cinq mille spots télévisés chaque année, dont plus de cinq mille consacrés à l’alimentation... »
38. ARTE-France et al, Obsolescence programmée, You Tube, mise en ligne 26/01/12
39. Benoît Bréville, Obésité, mal planétaire, Le Monde diplomatique, septembre 2012 : « ...la nourriture elle-même constitue une part si faible du prix de vente d’un produit — par rapport à l’emballage, la promotion, la conception, etc. — qu’il est devenu particulièrement rentable de vendre de grandes portions dans un même contenant. » Agence France-Presse, La Banque mondiale sonne l’alarme sur le gaspillage alimentaire, La Presse, 27/02/14 : « Selon son rapport sur les prix alimentaires, entre un quart et un tiers de la nourriture produite chaque année est ainsi gâchée ou perdue d’un bout à l’autre de la chaîne de production. »
40. Wikipedia (anglais) : McMansion, consulté le 23/02/14
41. Les produits alimentaires transformés ont généralement trop de sucre, de sel et de gras... et sont moins chers que les produits frais. (Benoît Bréville, Obésité, mal planétaire, Le Monde diplomatique, septembre 2012)
42. La maison unifamiliale et l’automobile sont des îlots d’isolement repliées sur l’individu et la famille nucléaire accablée de demandes affectives et de sécurisation impossibles à satisfaire adéquatement sans renforcement de la solidarité sociale.
43. Concept élaboré par Seymour Melman dans The Permanent War Economy [L’écomie de guerre permanente], 1974, non traduit en français
44. Ce coût fixe se trouve souvent renchéri par un effet de réseau qui requiert une densité optimale d’utilisation afin de minimiser le coût unitaire du service.
45. Pour les ÉU, The Economist, The onrushing wave [La grande vague], 18/01/14, graphique 2 ; Pour la France, Patrick Le Moal, Où en est le prolétariat en France ?, Revue L’Anticapitaliste, 1/01/14 par ESSF, article 31174 publié le 23/02/14 : « Dans les années 1950, services, industrie et agriculture employaient à peu près le même nombre de salariés. L’agriculture occupait 29 % des actifs en 1949, aujourd’hui 3 %, alors que la part du tertiaire a plus que doublé. Les effectifs de l’industrie, en croissance rapide et régulière depuis la fin du 19e siècle, ont d’abord continué à croître mais beaucoup plus lentement, puis, depuis 1974, ont baissé en moyenne de 1,5 % par an. »
46. Marc Bonhomme, « « The Economist » donne à sa manière raison à Marx », ESSF, article 30909, 19/01/14
47. Karl Marx, Le Capital - Livre premier, Le développement de la production capitaliste, VII° section : Accumulation du capital, Chapitre XXV : Loi générale de l’accumulation capitaliste, V. - Illustration de la loi générale de l’accumulation capitaliste, f) Irlande.
48. Dominique Plihon, Le capitalisme et ses crises : peut-on comparer les grandes crises de 1873, 1929, 2008 ?, Les temps nouveaux, 21/01/11
49. Michel Husson, Le capitalisme embourbé, Presse-toi-à-gauche, 14/01/14, graphique 1
50. Michel Vastel, Le choc Volcker, Le Devoir, 13/03/82, par Google News
51. Jacques-Marie Vaslin, Il y a trente ans, la crise mexicaine, Le Monde, 15/10/12
52. Barry Grey, 25 ans depuis la grève de PATCO : un point tournant historique de la lutte des classes, World Socialist Web Site, 29/08/06
53. Hadrien Toucel, Les dossiers secrets de Thatcher rendus publics, Parti de Gauche, 12/01/14
54. Michel Husson, Le capitalisme embourbé, Presse-toi-à-gauche, 14/01/14, graphique 2
55. La rivalité Boeing-Airbus cristallise l’industrie de l’aviation civile. L’industrie automobile est dominée par Toyota, GM et Volkswagen suivie par deux ou trois prétendants (Kings of the road [Les rois de la route], The Economist, 11/01/14), l’Internet est dominé par quelques géants bien connus.
56. Pensons aux sueurs froides de Bombardier coincé entre Boeing et Airbus avec son nouveau modèle d’avion.
57. Pensons aux fournisseurs de Wall Mart, aux franchisés des grandes chaînes. Quelle PME ne dépend pas du financement de sa banque ou de sa caisse ?
58. Qui n’a pas remarqué que le système hiérarchique mondial tend à un affrontement entre la Chine et les ÉU, et leurs respectives alliances, même si rien n’est joué et que maintes puissances moyennes manœuvrent entre les deux.
59. Michel Husson, Le capitalisme embourbé, Presse-toi-à-gauche, 14/01/14, graphique 4
60. L’ONG « GRAIN » documente cet accaparement des terres et les luttes qu’il génère. Cet accaparement fait aussi débat au Québec (Jean-Sébastien Marsan, Accaparement des terres : faut-il créer une société d’État ?, Argent-Canoé, 23/01/14)
61 Éric Toussaint, Prix des aliments et des matières premières : les banques inventent l’hyper-spéculation, Basta !, 13/02/14
62. Michel Husson, La hausse tendancielle du taux de profit, Hussonet, janvier 2010, graphiques 5 et 6. Faut-il souligner qu’une grande partie de cette rente financière se tapit dans les paradis fiscaux (Agence France Presse, Ruée vers les paradis fiscaux, Le Devoir, 30/01/14
63. Michael Perelman, The Political Economy of Intellectual Property [L’économie politique de la propriété intellectuelle], Monthly Review, janvier 2003. Les critiques de gauche non libertaire de la propriété intellectuelle semblent rares.
64. Wikipédia, Savoirs traditionnels, consulté le 16/02/14
65. UNCTAD/CNUCED, World Investment Report 2013 : « En 2012 - pour la toute première fois - les économies en développement ont absorbé plus d’IDE [Investissement directs à l’étranger] que les pays développés, ce qui représente 52 pour cent des flux mondiaux d’IDE. » (page IX, ma traduction) Voir aussi le graphique 1.1, page 3
66. Dossier « Le mythe de la cité intelligente », Le Devoir, 22/02/14
67. La critique de la « consommation ostentatoire » des riches par Thorstein Veblen en 1899 avait anticipé ce développement.
68. Marie Charrel, « Nos économies sont accros à la dette », Le Monde par Le Devoir, 18/02/14 : « Depuis des décennies, le crédit au secteur privé a en effet grossi plus vite que le PIB dans nombre d’économies avancées, où il est en moyenne passé de 50% du PIB dans les années 1950 à 170% en 2007. […] Cette ’’addiction à la dette’’ est également l’un des facteurs expliquant pourquoi la reprise économique aux États-Unis et en Europe est décevante. […] ...après l’Europe et les États-Unis, les pays émergents commencent, eux aussi, à voir leur endettement privé s’emballer. Notamment en Chine, où le crédit au secteur privé non financier a grimpé d’environ 130% du PIB en 2008 à près de 200% en 2013. »
69. Alexandre Shields, Rapport du GIEC - Le péril climatique s’accentue, Le Devoir, 28/09/13 : « ...le signal d’alarme du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ne laisse aucune place au scepticisme. La planète subit des bouleversements climatiques qui s’annoncent catastrophiques si rien n’est fait pour réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre générées par l’activité humaine. […] ...les émissions de GES ne cessent de croître année après année. Au point où, selon des estimations de la Banque mondiale et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la hausse du thermomètre pourrait atteindre de 3 à 5 °C. Un tel bond ’’aurait des conséquences désastreuses en matière d’événements climatiques extrêmes et d’élévation du niveau de la mer, et entraînerait d’énormes coûts économiques et sociaux’’, selon la directrice générale de l’AIE, Maria van der Hoeven. »
70. Le calcul économique marginaliste ne tient pas compte des pollutions et autres nuisances sociales qu’il rejette comme des « externalités ». Le capital refile à la société la facture à moins que celle-ci lui impose une taxe (carbone) ou l’achat de droits de polluer. En autant que le rapport de forces politique existe pour l’imposer et le contrôler, ce correctif, équivalant à une régressive taxe de vente, suppose que la pollution soit quantifiable. Comment quantifier le dérèglement irrémédiable des grands équilibres écologiques, l’effondrement de la bio-diversité, un accident nucléaire majeur ? La réglementation ou l’interdiction peuvent peut-être contrôler des pollutions localisées (smog urbain, pluies acides) ou spécifiques (couche d’ozone) sans remettre en question les bases du système. Mais comment le faire pour les émissions de gaz à effet de serre, étant donné que ces gaz sont inhérents au système énergétique capitaliste et à l’agriculture industrielle ? Comment éviter la destruction des habitats sans remettre en cause l’accumulation du capital ? Comment forcer le capital à tenir compte des générations futures avec un taux d’intérêt positif qui dévalue, en dollars d’aujourd’hui, les événements futurs ? Pour le capital 1000 $ dans 50 ans à 2% en vaut 370 $ aujourd’hui, à 10%, 8 $. Dans 100 ans ? Respectivement 140 $ et... 8 sous.
71. Mate Kapovic, Bosnie-Herzégovine : Tout le pouvoir aux plenums ?, Inprecor par ESSF, 22/02/14. Les actuels « plenum » bosniaques face à un/des gouvernements ultra-nationalistes et ultralibéraux sous la houlette de l’UE se posent comme d’embryonnaires contre-pouvoirs locaux. S’inspirant de la tradition auto-gestionnaire yougoslave autant que des récents mouvements des places et des mouvements étudiants croate et serbe, ils font face aux mêmes problèmes de durée, d’enracinement, d’organisation sur une large échelle et de programme politique, autant de défis très difficiles à surmonter sans l’aide d’un crédible parti anticapitaliste qu’il faudra bien construire après le reflux de cette première vague annonciatrice de temps nouveaux.
72. Comme l’affirme un dirigeant du PRT mexicain impliqué dans la construction d’un parti anticapitaliste large où se pose la question de la Constituante : « Une assemblée constituante déconnectée de la lutte pour la chute du régime et sans lien avec les mouvements et forces sociales en lutte, transforme cette idée en simple propagande et en caricature. Une véritable nouvelle assemblée constituante ne peut surgir que des luttes en cours. En aucun cas elle ne peut les substituer ou parler en leur nom. » (Edgar Sanchez, Au Mexique, avec ou sans reconnaissance légale, l’OPT est en marche, ESSF, 21/02/14)
73. En 2000, au Québec, il avait été question d’une usine de fabrication de micro-processeurs au coût de trois milliards $ créant 1500 emplois soit un capital fixe de 2.5 millions $ de 2013 par emploi créé (Radio-Canada, Bernard Landry prêt à aider Mosel Vitelic, 25/08/00)
74. Tommy Pouilly, Imprimante 3D, Outil d’une nouvelle révolution industrielle ?, RSLN, 16/07/12
75. Les PME québécoises emploient peu la robotique (Éric Desrosiers, Nos amis les robots, Le Devoir, 26/02/14