La circulation alternée des véhicules a été mise en place à Paris et sa petite couronne, lundi 17 mars, pour lutter contre un épisode de pollution de l’air persistant en Ile-de-France, sept jours consécutifs. Mais à quelle hauteur les automobilistes contribuent-ils aux rejets toxiques alors que l’industrie et l’agriculture polluent également ? Et quelle est la part de responsabilité du diesel ?
Si à l’échelle globale de la France, le trafic routier n’est pas le premier émetteur de particules fines – ces poussières en suspension dans l’air qui réduisent l’espérance de vie des populations et provoquent des maladies respiratoires et vasculaires –, les voitures sont bel et bien les premières responsables de la pollution que respirent les habitants dans les agglomérations.
L’INDUSTRIE ET CHAUFFAGE, SECTEURS LES PLUS POLLUANTS EN FRANCE
Selon le rapport d’avril 2013 du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa), les principaux secteurs émetteurs de PM10 (particules d’un diamètre inférieur à 10 micromètres) sont la transformation d’énergie par l’industrie (31 %), la combustion de bois pour chauffer les habitations (30 %) et l’agriculture avec l’utilisation d’engrais (20 %) devant le trafic routier (15 %).
La situation diffère grandement dans les agglomérations. Ainsi, selon un rapport sur l’origine des polluants en Ile-de-France réalisé par Airparif, l’agence de surveillance de la qualité de l’air dans la région, la part du trafic routier bondit à 25 % des émissions, juste derrière le chauffage du secteur résidentiel (27 %) et devant les chantiers et carrières (20 %) et l’agriculture (14 %).
Aux grands maux, les grands remèdes. Après la forte pollution de l’air en France ces derniers jours, plusieurs villes ont décidé de prendre des mesures exceptionnelles, la plus forte étant sans doute la mise en place de la circulation alternée dans Paris et sa proche banlieue. C’est la première fois depuis 17 ans. Seuls les véhicules dont la plaque d’immatriculation est un nombre impair peuvent circuler. Pour beaucoup à paris, la mesure paraît surréaliste et suscite l’incrédulité. Quelque 700 policiers seront mobilisés, sur une soixantaine de points de contrôle, pour surveiller les véhicules circulant dans la capitale française et les 22 communes limitrophes. Sont exemptés, c’est bon à savoir, les voitures transportant au moins trois personnes, les voitures hybrides ou électriques, et les taxis. Parmi les autres mesures mises en place, la gratuité des transports publics. C‘était le cas à Lyon ce week-end, Paris continue ce lundi.
LES CONCENTRATIONS DES POLLUANTS PLUS IMPORTANTES QUE LES ÉMISSIONS
Mais là encore, ce chiffre ne traduit pas l’importance de la pollution en ville. « En réalité, ce qui compte, c’est l’air que l’on respire. C’est pourquoi il faut analyser les concentrations de polluants davantage que leurs émissions, estime Jean-Félix Bernard, président d’Airparif. Et aujourd’hui, les agglomérations sont confrontées à un excès de polluants dus aux transports et à la diésélisation du parc des voitures particulières. »
A proximité des agglomérations, le trafic routier est le premier responsable des émissions de particules fines.
En 2011, Airparif s’est ainsi penché sur l’origine des particules que l’on respire en Ile-de-France. Cette fois, les experts n’ont pas analysé les PM10 mais une sous-catégorie : les PM2,5, les plus dangereuses car leur petite taille (2,5 micromètres) leur permet de pénétrer plus profondément dans les voies respiratoires.
Résultat : dans les stations proches du trafic routier – le boulevard périphérique mais aussi tous les axes majeurs de circulation – 51 % des particules, qu’elles soient produites localement, importées de l’agglomération ou des régions et pays voisins, proviennent des transports (voitures individuelles, véhicules utilitaires et poids lourds), loin devant, donc, le chauffage des habitations et l’industrie. Surtout, 70 % de ces véhicules polluants roulent au diesel.
51 % des particules en Ile-de-France viennent du trafic routier
Or, 35 % des Franciliens résident à moins de 200 mètres d’un axe routier important, sur lequel transitent 15 000 véhicules par jour. Au final, ce sont 2,5 millions de Franciliens qui sont concernés par des dépassements des valeurs limites d’exposition.
DES ÉMISSIONS DE PARTICULES EN BAISSE, MAIS DES CONCENTRATIONS STABLES
En ville, la qualité de l’air ne s’est au final pas vraiment améliorée. Les émissions de particules sont certes en baisse depuis 1990, date des premières mesures. Cette diminution s’explique par l’arrêt d’industries polluantes comme les mines, par de nouvelles normes dans les transports et des modes de chauffage plus efficaces (notamment pour les poêles à bois) ; elles sont ainsi passées de 534 000 tonnes en 1990 à 260 000 en 2011, soit une baisse de 51 %, selon le Citepa.
Mais, dans le même temps, les concentrations de particules sont restées plutôt stables et alors même que le trafic a diminué. Ainsi, dans l’agglomération parisienne, la concentration moyenne de PM10 était de 25 microgrammes par mètre cube d’air (25 µg/m3) en 2011 contre 21 µg/m3 en 2000, selon le bilan 2012 d’Airparif – le changement de méthode de calcul de l’agence en 2007 a entraîné une hausse des valeurs moyennes annuelles de l’ordre de 30 %. Quant aux concentrations de PM2,5, elles s’élevaient à 16 µg/m3 en 2012 contre 14 µg/m3 en 2000.
Audrey Garric
Journaliste multimédia