Emploi et licenciements : de la colère à l’action
Vendredi 17 janvier, un rassemblement de soutien aux Goodyear se tiendra sur le site de l’usine d’Amiens Nord. Un pas dans le bon sens, celui de la convergence des mobilisations contre les plans patronaux de casse de l’emploi avec le soutien du gouvernement.
Les choix de Hollande et du gouvernement sont clairs et s’inscrivent dans la suite politique des « sociaux démocrates » allemands, grecs ou espagnols ou des travaillistes anglais : la logique d’une gestion sans états d’âme du capitalisme, dans cette phase où l’austérité est sa seule ligne de conduite et les attaques contre les travailleurEs sa seule ambition.
Dans social-libéral, il y avait social…
Même si l’on ne peut parler de tournant dans la politique de Hollande, il faut reconnaître qu’il y a une nouveauté dans le discours : la reprise sans hésitation ni honte des poncifs de la droite libérale. Si, en matière de « sécurité », la politique mise en œuvre par Valls se plaçait déjà sur ce terrain, en matière économique c’est l’affirmation que les profits d’aujourd’hui sont les emplois de demain, et dans le domaine du social, l’affirmation que les difficultés de la protection sociale sont le résultat des « excès » et des « abus ». Des groupes pharmaceutiques ?
Il ne manque plus que l’accusation envers les chômeurs d’être des profiteurs et des fainéants pour refermer la page de l’argumentation libérale. En attendant, la politique du gouvernement est en total accord avec celle du Medef qui ne se prive d’ailleurs pas de manifester son contentement.
C’est ainsi qu’après les cadeaux aux patrons du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en progression constante, c’est maintenant le pacte de responsabilité qui va être l’occasion de nouvelles largesses aux licencieurs. Parce que, côté protection de l’emploi pour les salariéEs, on ne voit rien venir. Au contraire. De moins en moins de contraintes, avec la réduction des possibilités des institutions représentatives du personnel, des droits individuels des salariéEs. La seule (mauvaise) nouvelle, c’est le report au 1er juillet de l’obligation d’un minimum de 24 heures pour les temps partiels. Qui ne peut pas le plus ne veut même pas le moins…
Arrêter le massacre social
Pourtant, plus que jamais, l’urgence sociale et politique est là. Dans ces dernières semaines, La Redoute : 1 200 suppressions de postes, Mory Ducros : au moins 3 000, Stora Enso : fermeture et 350 emplois supprimés, LFoundry : 600 emplois menacés, Chapitre : plusieurs centaines d’emplois en suspens, EADS : plan de 5 000 suppressions de postes, dont 1 700 en France. Et toujours Alcatel Lucent, Fagor Brandt qui ne sont que deux exemples des 1 000 plans « sociaux » comptabilisés en 2013, soit une progression de 14 % par rapport à 2012.
Pas étonnant que le chômage ne diminue pas, surtout si l’on se souvient que les plans « sociaux » ne sont qu’une faible partie des suppressions d’emplois et de postes de travail, beaucoup plus largement alimentés par les licenciements « invisibles » des CDD, intérimaires, prestataires et dans le cadre des ruptures individuelles. Et, au moment où les Goodyear se réinvitent dans les mobilisations, Montebourg crève une nouvelle le mur du çon : « Je lance un appel aux parties belligérantes, Goodyear, CGT maintenant ça suffit, faites un effort et allez l’un vers l’autre. La République, c’est la compréhension mutuelle, ce ne sont ni les insultes ni la violence, que nous ferons cesser immédiatement si cela se reproduit. » Une seule menace : contre celles et ceux qui sont sur le point d’être licenciéEs !
Construire la mobilisation
Dans cette situation, il est plus que dommageable que l’intersyndicale à petite voilure (CGT, CFDT, FSU, UNSA) n’ait pas eu un mot contre les projets de Hollande et que, même ainsi, elle n’ait aucune proposition commune et encore moins d’initiatives de mobilisation. Exercice difficile, il faut en convenir, quand les uns (CFDT, UNSA) ne demandent que des contreparties, pendant que les autres (CGT, FSU) s’opposent… dans le dialogue avec le gouvernement et le Medef.
Plus que jamais, les équipes militantes engagées dans la lutte contre les plans de licenciements ne doivent compter que sur leurs propres forces pour faire reculer le patronat. C’est d’elles que doivent venir les initiatives qui permettront d’additionner les colères, de coordonner les actions. L’interdiction des licenciements, la réduction du temps de travail, ne sont pas dans les projets du gouvernement ni dans les préoccupations des directions syndicales. À nous de les mettre à l’ordre du jour.
Robert Pelletier
* Paru dans Hebdo L’Anticapitaliste - 225 (16/01/2014). http://npa2009.org/
PSA : Cash is king . Le fric est roi !
L’Etat et le constructeur chinois Dongfeng devraient participer au renflouement de PSA en apportant à eux deux 1,6 milliard d’euros.
L’argent apporté par le gouvernement français, la famille Peugeot en dispose avec ses investissements répartis dans un millier de filiales, et dans ses coffres-forts en Suisse où au moins 2,5 milliards d’euros sont planqués. Pour que la famille Peugeot paye, il aurait fallu la contraindre. Ne comptons pas sur Hollande ou Moscovici, copains de Gattaz et de la famille Peugeot pour cela !
Perdant le contrôle de PSA, la famille Peugeot est toujours actionnaire. C’est coup double pour elle : elle se défausse de responsabilités chez PSA pour investir et spéculer ailleurs. Restant actionnaire, elle touchera les dividendes des restructurations si celles ci s’avèrent rentables.
Le renflouement de PSA a un but clair : continuer une politique qui a conduit à la fermeture d’Aulnay et la suppression de plus de 10 000 postes de travail Pas d’hypocrisie : Etat français et entreprise chinoise Dongfeng, les nouveaux actionnaires, sont là pour que PSA renoue avec les bénéfices et mondialise son activité, quitte à procéder à de nouvelles casses de l’emploi..
Cela ne coûtera rien au contribuable déclare le gouvernement. Mensonge car l’argent public ne tombe pas du ciel. Cela veut dire que le gouvernement sait, quand il le juge nécessaire, trouver de l’argent. Pour aider la famille Peugeot, oui ! Pas pour les services publics ou la santé !
Le gouvernement français se retrouve actionnaire de Renault et de PSA. Chez Renault, il a laissé faire Ghosn. Chez PSA, il va aussi se faire le champion de la compétitivité. Mais on prend les paris, la prochaine étape pour ce gouvernement ou un autre, si l’orage passe, ce sera la sortie conjointe du capital de Renault et PSA. Il y en a marre de la fausse concurrence entre capitalistes sur notre dos. Pour l’emploi, un véritable contrôle public, c’est-à-dire exercé par les salariés et toute la population, sur l’industrie automobile est nécessaire et possible. Réquisition et expropriation des familles de rentiers !
Le transfuge Tavarès, passé plus vite que son ombre de numéro 2 Renault à numéro 1 PSA, a déclaré lors de sa première rencontre avec les syndicats : « Cash is king ». Traduisons « Le fric est le roi ». Renversons la dictature du fric pour de bon !
NPA Auto Critique 21 janvier 2014
Article publié sur le blog www.npa-auto-critique.org
Goodyear solidarité !
Dans le froid et sous la pluie, 300 militantEs se sont retrouvés vendredi 17 janvier pour manifester leur solidarité avec les salariéEs de Goodyear et échanger sur leur préoccupation de regrouper les colères. Est-ce les mauvaises conditions climatiques qui ont découragé Thiery Lepaon et Laurent Berger et tous les responsables fédéraux ?
Le stand sandwiches, boissons installé par l’UD d’Amiens était assaillis par les représentants CGT d’Arcelor Florange, Petroplus, Renault Cléon, PSA Aulnay, UL locale de Roubaix, Presstalis, Massey-Fergusson, UD de Paris, Ford Blanquefort, GM Strasbourg, Faurecia, Fralib, Bassin minier du Nord Pas de Calais, Continental, des équipes de Solidaires de La Poste des départements 92 et 75, des militants de CNT et de nombreux salariéEs de la région d’Amiens et de bien d’autres entreprises.
Sous le menace de la Direction (une de plus) il n’a pas été possible de rencontré dans ‘usine les salariéEs de Goodyear. Mickaël Waemen a, longuement, rappelé les enjeux de la lutte des Goodyear et présenté la nouvelle situation à laquelle ils sont confrontés. La plupart des recours juridiques sont allés au bout avec des décisions défavorable et les salairéEs engagent une lutte déterminée pour que leur licenciement ne se transforme pas en catastrophe sociale. Il s’agit de faire payer au prix fort la perte de leurs emplois, de leur moyen de vivre tout en imposant à un éventuel repreneur d’une partie de l’activité des conditions salariales et de travail qui ne rayent pas d’un coup de plume les acquis de dizaines d ‘années de lutte sur ce site.
Les intervenantes des boites présentes ont tous insisté sur leur soutien inconditionnel au combat des Goodyear et la nécessité de la coordination des luttes, des mobilisations. Avec le sentiment d’un abandon complet des structures syndicales dont c’est l’un des boulots. Oui nous ne devrons compter que sur nos propres forces et ce que nous serons capable de mettre en mouvement. Une lourde tâche face à des patrons qui eux se tiennent les coudes et bénéficie d’un soutien également inconditionnel du gouvernement.
NPA Auto Critique 18 janvier 2014
SNCM et Goodyear : contre tous les pactes de responsabilité
Au moment où Hollande et le gouvernement de « gauche » s’apprêtent à imposer un nouveau paquet cadeau au patronat, les salariéEs de plusieurs entreprises mettent en évidence l’escroquerie que cache mal le gagnant (pour les patrons) – perdant (pour les salariéEs) camouflé sous le dialogue social.
Le vandale c’est Taylor
Il y a d’abord le dialogue social à la Taylor, patron de Titan et repreneur potentiel de Goodyear, qui après avoir traité les militants CGT de « timbrés » et affirmé qu’à Amiens les « soi-disant ouvriers » ont « une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures », récidive en traitant de « maboules » et de « pirates » les salariéEs qui se battent jusqu’au bout contre la liquidation de leur travail, leur seul moyen de vivre. Un patron qui, allant de plans de reprise bidon en décisions de fermeture, respecte aussi peu le droit du travail que les milliers de salariéEs qu’il a sauvagement exploités pendant des années.
En arrière-plan, il y a l’assourdissant silence du ministre Montebourg tout juste bon à encourager les salariéEs à négocier autour d’un prétendu plan de sauvegarde de l’emploi qui n’est en fait qu’un plan de liquidation du site. Avec le souvenir du candidat Hollande qui, en octobre 2012, promettait une loi pour protéger les salariéEs des entreprises qui faisaient des bénéfices tout en licenciant. Et pourtant Goodyear annonçait encore au troisième trimestre un bénéfice net en hausse de 51 %, à 166 millions de dollars.
Un service à rendre public
L’autre version, c’est le dialogue social à la sauce SNCM. Entreprise de service public employant 2 600 salariéEs, SNCM était depuis 1976 une entreprise publique, jusqu’à sa privatisation en 2006 par la vente à Veolia et la participation du groupe d’investissement Butler (celui qui a liquidé Virgin…). L’État met alors 120 millions d’euros pour « aider » à la poursuite de l’activité avec 400 suppressions de postes. Mais pour Veolia, l’affaire n’est pas assez juteuse et le groupe négocie avec l’État un plan de sauvegarde de l’activité.
Un accord entre les syndicats et la direction prévoyait la suppression de 600 emplois (sans départs contraints), 70 millions d’économies et la promesse d’investissement sous la forme d’achat de quatre bateaux. Mais Veolia a décidé que cela n’était pas suffisant et menace de mettre la SNCM en liquidation. Ayrault promet alors 30 millions d’aide supplémentaire tout en annonçant la contestation des exigences de la Communauté européenne (400 millions d’euros de remboursement d’aide de l’État).
Pour l’intersyndicale de la SNCM, hors syndicat des travailleurs corses (STC), il s’agit d’un enfumage et d’une déclaration de guerre qui justifie l’appel à la grève depuis le début de l’année. Largement majoritaire, elle bloque à la fois les échanges Corse-continent, mais aussi par contrecoup une partie de l’activité économique en Corse entraînant l’arrêt de travail des transporteurs corses. De nouvelles « concertations » pourraient bien déboucher sur la liquidation de l’entreprise.
Une nouvelle année de luttes
Ainsi, avec la nouvelle année, pas de surprise : c’est bien la casse sociale qui continue avec l’accompagnement du gouvernement. Les désastres sociaux Goodyear et SNCM sont à la fois le résultat de la politique d’austérité assumée par le gouvernement et de la liberté laissée et même encouragée pour les patrons de décider de la vie et de la mort des entreprises au détriment des moyens de vivre des salariéEs. Réquisition et interdiction des licenciements sont les seuls moyens pour les empêcher de nuire. Évidemment pas de dialogue social, pas de pacte de responsabilité pour cela, mais la lutte décidée des salariéEs, comme en Bretagne, comme les Goodyear ou les marins de la SNCM.
Robert Pelletier
* Hebdo L’Anticapitaliste - 224 (09/01/2014)