Tandis que le Parti du peuple cambodgien au pouvoir célèbre le 35e anniversaire de la libération du Cambodge du régime de Pol Pot, il est confronté à plusieurs mécontentements : la contestation des résultats des élections législatives, les grèves dans le secteur du textile et les paysans qui refusent la confiscation de leurs terres. Il a pris un tournant répressif avec interdiction de manifester, usage d’armes automatiques, menace d’interdiction d’organisations ouvrières et licenciements de grévistes.
Contestation des élections
Depuis six mois, les résultats des élections législatives sont contestés par l’opposition qui a appelé dans la rue à la démission du Premier ministre, Hun Sen.
Ce dernier est un ancien khmer rouge qui a fait défection pour échapper aux purges et qui est revenu avec l’armée vietnamienne en 1979. Selon certaines estimations, les massacres par les khmers rouges ont fait au moins 1 800 000 morts, soit un quart de la population.
L’opposition s’appuie sur la colère de la population contre la corruption et les nouveaux riches liés au pouvoir, sur la révolte des paysans expulsés de leurs terres pour faire place à des projets agricoles ou immobiliers de sociétés privées. Si l’opposition réclame des droits face à un régime autoritaire, elle utilise aussi les sentiments anti-vietnamiens de la population. De loin, Il est difficile de connaître les parcours individuels dans la période du génocide, comme dans la période qui a suivi. Le leader du Parti de la sauvegarde nationale du Cambodge (PSNC), Sam Rainsy, par exemple, a lui-même été ministre des finances.
Grèves massives pour des augmentations de salaires
Déjà fin 2010 les travailleurs du textile avaient eu recours à une grève massive. Le salaire minimum avait été réévalué de 10% après cinq années sans augmentations. Aujourd’hui 108 euros sont réclamés par les ouvrières et ouvriers, soit son doublement. Les salaires ne suffisent pas à payer le logement, la nourriture et l’éducation des enfants. Des centaines de travailleuses se sont évanouies sur leur lieu de travail avec des journées allant jusque 15 heures par jour et 6 jours par semaine car elles réduisent leur alimentation.
Le secteur du textile emploie 615 000 travailleurs (à 80 % des femmes). Il représente un tiers du budget annuel du gouvernement. Une majorité d’entrepreneurs du textile seraient chinois, ils auraient investis au Cambodge afin d’augmenter leur profit. La concurrence est forte entre les pays d’Asie du Sud Est, le textile représente une manne pour les gouvernements et les patrons utilisent le chantage aux délocalisations face à une classe ouvrière qui résiste.
Les manifestations de l’opposition ont commencé il y a 6 mois ; les ouvrières ont démarré en novembre sur leurs propres revendications. Jusqu’à quel point les dirigeants politiques de l’opposition se sont adressés aux salarié.e.s ? Jusqu’à quel point les ouvrières ont repris les revendications de l’opposition ? Ce qui semble plus sûr, alors que la mobilisation ne faiblissait pas, c’est que le gouvernement a pris peur lorsque l’opposition politique et les travailleurs ont commencé à manifester ensemble.
Christine Schneider