Ce sont des nouvelles révélations accablantes pour Tepco et les autorités japonaises. Selon le quotidien de centre gauche Asahi, l’opérateur de la centrale de Fukushima aurait sciemment négligé dès le mois de mai 2011, deux mois après le tsunami, le problème de l’eau contaminée à la centrale endommagée, pour éviter d’engager des travaux très coûteux qui auraient terni son image sur les marchés financiers. Plus grave : le gouvernement lui-même aurait accepté de taire la gravité des fuites.
Cité par le journal, le ministre de l’économie au moment du drame, Banri Kaieda, aujourd’hui président du Parti démocrate du Japon, et Sumio Mabuchi, à l’époque conseiller du premier ministre Naoto Kan sur la catastrophe nucléaire, expliquent que Tepco a exhorté le gouvernement à rester vague sur le problème de l’eau contaminée pour ne pas effrayer les marchés.
Dès avril 2011, des experts américains de la commission américaine de régulation du nucléaire, avaient conseillé aux autorités japonaises de mettre en place un mur d’endiguement pour éviter la contamination des eaux souterraines lors de leur passage dans les structures endommagées. M. Mabuchi avait alors demandé à Tepco de construire une paroi d’acier.
PROMESSE « VERBALE »
Mais le mois suivant, expliquent MM. Mabuchi et Kaieda, l’entreprise aurait fait savoir que les travaux devaient coûter 100 milliards de yens (75 millions d’euros). « Si nous inscrivons ce montant dans notre passif, aurait alors affirmé un dirigeant de Tepco aux deux responsables, le marché nous considérera comme au bord de la faillite. »
Dans cet échange intervenu à l’approche de l’assemblée générale des actionnaires de Tepco, ce même dirigeant aurait demandé à M. Kaieda de rester vague dans ses annonces sur les délais de construction du mur et sur son coût.
Les deux responsables politiques auraient accepté en échange d’une promesse « verbale » de Sakae Muto, à l’époque l’un des vice-présidents de Tepco, que les travaux commenceraient sans délai.
Le mur « posait un certain nombre de problèmes techniques qui alimentaient des doutes sur sa faisabilité, admet Yoshikazu Nagai, l’un des porte-parole de Tepco, aux affirmations de MM. Kaieda et Mabuchi. La crainte était qu’il soit considéré comme une source d’endettement et qu’il rapproche la société de l’insolvabilité. »
M. ABE A DEMANDÉ À TEPCO DE DÉMANTELER LES RÉACTEURS 5 ET 6
Ces nouvelles révélations ne vont pas améliorer l’image de la compagnie. En juillet, après deux ans de déni, Tepco avait fini par reconnaître la fuite quotidienne de 300 000 tonnes d’eau contaminée.
En visite à la centrale de Fukushima le 19 septembre, le premier ministre, Shinzo Abe, n’a pas réagi à ces révélations. Il a en revanche demandé à Tepco de fixer un calendrier pour la résolution du problème des eaux contaminées et de réunir des fonds pour les travaux de sécurisation du site. Naomi Hirose, dirigeant de l’entreprise, a promis de trouver 1 000 milliards de yens (7,5 milliards d’euros) supplémentaires et de « terminer la décontamination des eaux d’ici la fin de l’exercice 2014 » (soit en mars 2015).
Le premier ministre a également demandé à l’opérateur de démanteler les réacteurs 5 et 6. En inspection de routine le 11 mars 2011, ils n’ont pas été endommagés par le séisme et le tsunami. Ils sont en état d’arrêt, à froid. « Malgré cela, personne n’attendait leur redémarrage, note un expert du nucléaire. En formulant sa demande, M. Abe veut montrer qu’il traite l’affaire sérieusement ». Réticente en raison du coût d’un démantèlement, Tepco a répondu en promettant de « fixer l’avenir des réacteurs 5 et 6 d’ici à la fin de l’année ». Dans le département de Fukushima, l’entreprise possède quatre autres réacteurs dans une centrale située à 15 km au sud de celle endommagée. Leur avenir n’est pas décidé même si, le 20 octobre 2011, l’assemblée de Fukushima a voté en faveur du démantèlement de tous les réacteurs présents dans le département.
Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
* LE MONDE | 20.09.2013 à 12h19 • Mis à jour le 20.09.2013 à 12h19.
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Fukushima : un réservoir mal assemblé pourrait être à l’origine de la fuite d’eau radioactive
La compagnie Tepco a indiqué, vendredi 20 septembre, que le réservoir – duquel ont fui 300 tonnes d’eau radioactive il y a quelques semaines de la centrale endommagée de Fukushima – était mal assemblé.
En démontant pour examen la cuve de 11 mètres de haut sur 12 mètres de large, les ouvriers de Tepco ont remarqué cinq boulons instables entre deux plaques du fond sur la partie intérieure. Ce mauvais assemblage pourrait être à l’origine de la fuite, mais rien n’est encore prouvé, a indiqué un porte-parole de Tepco, Masayuki Ono, lors d’une conférence de presse.
Tepco avait déjà reconnu en août que ce réservoir n° 5 de la zone 4 avait initialement été installé à un autre emplacement, mais qu’il avait été démonté et déplacé à cause d’un affaissement de dalle, à l’instar de deux autres qui, du coup, ont été vidés par précaution. Même si le lien de cause à effet entre le changement de place et la fuite n’est pas totalement établi, les soupçons existent et se sont même renforcés.
SITUATION « SOUS CONTRÔLE »
L’eau qui a fui du réservoir s’est répandue sur et dans le sol. Elle aurait même partiellement coulé jusqu’à l’océan Pacifique distant de plus de 500 mètres.
Cet incident avait été qualifié de « grave » par l’autorité de régulation japonaise avant d’être classé au niveau 3 sur l’échelle internationale des événements nucléaires (INES). Tepco a depuis renforcé les contrôles des quelque 300 autres réservoirs du même type contenant de l’eau très contaminée. Plusieurs points de très forte radioactivité ont été détectés à plusieurs endroits et pourraient être la trace d’autres fuites antérieures.
Ce nouvel épisode intervient au lendemain d’une visite du premier ministre Shinzo Abe à la centrale de Fukushima où la gestion de l’eau radioactive accumulée dans les sous-sols et stockée dans un millier de réservoirs de différents types constitue un énorme problème, même si M. Abe a affirmé que la situation était « sous contrôle ».
Le Monde.fr avec AFP | 20.09.2013 à 16h57
Fukushima : Tepco a-t-il menti sur la gestion des eaux contaminées ?
Et si Tepco avait menti ? D’après deux députés japonais de centre gauche, l’opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, touchée par le tsunami de mars 2011, savait que de l’eau contaminée se répandait dans les sols deux mois après la catastrophe mais a volontairement négligé la question de crainte d’engager des dépenses qui auraient affecté son image sur les marchés financiers.
L’entreprise « aurait alors envisagé la construction d’un gigantesque mur d’acier autour du site pour empêcher ces flux et freiner une accumulation d’eau radioactive. Mais, un mois plus tard, en juin 2011, l’opérateur aurait repoussé ce projet qui lui aurait coûté près de 1 milliard de dollars », indiquent Les Echos sur leur site.
« TEPCO N’A ENSUITE PAS TENU SA PROMESSE »
Un cadre de Tepco aurait même prévenu le ministre de l’industrie de l’époque et l’un des principaux conseillers du premier ministre, Naoto Kan, promettant au gouvernement de lancer des travaux plus tard.
Les autorités auraient alors accepté de rester vagues sur la question des eaux radioactives et du mur de protection, au prétexte que la catastrophe relevait de la sphère privée et non de la responsabilité publique. L’électricien aurait pâti d’éventuelles révélations alors qu’il devait déjà dédommager les habitants des environs de la centrale. « Tepco n’a ensuite pas tenu sa promesse », a regretté l’ancien ministre de l’industrie, cité par Les Echos. L’opérateur a finalement été nationalisé pour éviter la faillite complète.
En visite jeudi 19 septembre sur le site accidenté de Fukusima, le premier ministre, Shinzo Abe, a ordonné à la compagnie gérant la centrale nucléaire de régler le problème des fuites d’eau contaminée « d’ici à la fin de mars 2014 ».
Il a répété que le liquide qui fuit des installations était « bloqué dans l’espace de 0,3 kilomètre carré du port de la centrale », comme il l’avait affirmé au début du mois devant le Comité international olympique qui a ensuite attribué les jeux olympiques 2020 à Tokyo.
* Le Monde.fr avec AFP | 19.09.2013 à 10h39 • Mis à jour le 19.09.2013 à 16h32