Comment le Parti communiste libanais (PCL) analyse-t-il l’attaque israélienne ?
Hussein Sabah et Rayan Mina - Dès les premiers jours de l’agression, le PCL a décidé de faire face par tous les moyens possibles. Le PCL soutient la résistance libanaise. C’est une résistance légitime dans le cadre d’une confrontation avec Israël. Le Liban est toujours en guerre avec Israël, qui continue d’occuper une partie du territoire libanais et détient des prisonniers libanais et des corps de martyrs. Dans ce cadre, la résistance libanaise, bien qu’elle soit à caractère confessionnel - avec le Hezbollah notamment -, est une résistance entièrement légitime et elle a le soutien politique du Parti communiste libanais.
Pour des raisons techniques et non politiques, le PCL n’a plus de branche armée. Depuis la chute de l’URSS, le PCL a subi une sorte de boycott au niveau de la logistique et du soutien technique de la part de la Syrie. À l’inverse, le Hezbollah avait tous les moyens et tout le soutien de la Syrie et de l’Iran. La Syrie, à partir de la fin des années 1980, a fait le choix d’être l’alliée de l’Iran et de sa politique dans la région. Dans ce cadre, voulu par Hafez el-Assad, il fallait soutenir le Hezbollah, renforcer au maximum sa résistance et, en parallèle, il fallait asphyxier le Parti communiste libanais et son bras armé de résistance. Cela s’inscrit bien dans l’axe irano-syrien, parce que la résistance du PCL était une résistance populaire et nationale, alors que le Hezbollah, avec son caractère confessionnel, était une résistance chiite. Néanmoins, le PCL soutient la résistance du Hezbollah.
Le PCL voit l’opération du 11 juillet comme tout à fait légitime, mais s’il y a retrait de fermes de Chebaa et libération des détenus, la confrontation avec Israël se terminera. La solution est donc bien dans les mains d’Israël. Le PCL reconnaît l’existence de fait d’Israël, sans légitimer un État que nous considérons comme raciste et confessionnel, mais nous demandons le droit au retour de tous les réfugiés palestiniens et la libération de tous les territoires occupés, dont font partie le Golan, la Cisjordanie et Gaza.
Quel est le rapport de force au sein du gouvernement libanais face à cette agression israélienne ?
H. Sabah et R. Mina - Le gouvernement libanais a dit, dès le premier jour, que l’opération du Hezbollah avait été menée sans l’aval du gouvernement, donc que c’était au Hezbollah d’assumer ses responsabilités dans l’attaque israélienne. Le Hezbollah a quatre ministres au gouvernement, c’est une coalition mise en place après le 14 mars. Walid Joumblatt a tout de même pris ses distances dès le deuxième jour, en disant que c’était une action légitime, mais pas au bon moment. Il faut savoir que Joumblatt a des positions qui changent souvent. La position du Mouvement pour le futur était exactement celle de l’Arabie saoudite : qualifier l’action du Hezbollah d’« aventure » ne tient pas compte du contexte réel dans la région, notamment le rôle des États arabes dans le conflit. Ils font allusion à l’influence iranienne au Liban. Le Hezbollah a, par le biais de son chef, Hassan Nasrallah, appelé toutes les forces politiques à soutenir la résistance et a demandé l’établissement d’une sorte d’unité nationale qui n’a pas été réalisée. Personne n’a répondu positivement à cet appel pour l’unité dans la résistance, à part le Parti communiste libanais. Tous les partis libanais doivent se prononcer clairement pour dire s’ils participeront à la résistance en cas d’invasion terrestre de l’armée israélienne.
Quel rapport tactique ou stratégique avez-vous avec le Hezbollah et vis-à-vis des organisations islamistes ?
H. Sabah et R. Mina - Au Liban, le spectre des partis que l’on qualifie d’islamistes est composé du Hezbollah, de la section des Frères musulmans libanais et du Mouvement d’union islamique (MUI, intégriste). Pour le PCL, le Hezbollah ne peut pas être mis dans le même sac que les Frères musulmans ou le MUI. Ces deux derniers sont de caractère sunnite et n’ont jamais participé à la résistance contre Israël. En revanche, le Hezbollah, malgré son caractère intégriste et confessionnel, a un côté positif en tant que force importante de résistance et, aussi, parce que, depuis des années, il ne prône plus l’établissement d’un État islamique au Liban. Il y a donc une vraie différence entre, d’un côté, le Hezbollah et, de l’autre, les Frères musulmans ou le Mouvement d’union islamique. Les rapports entre le PCL et le Hezbollah ont changé. Pendant la guerre civile, le Hezbollah était contre le Parti communiste. Entre eux, il y a eu des combats et des morts. La relation entre le Hezbollah et le PCL s’est désormais améliorée. Il y a un seul point commun : la résistance contre l’occupation israélienne. Aux élections, les candidats du PCL sont face aux candidats du Hezbollah. Il n’est pas question d’établir des listes communes.
Il est de bon ton maintenant de dire : « Face à l’agression israélienne, il faut une force d’interposition de l’ONU. »Qu’en pensez-vous ?
H. Sabah et R. Mina - Depuis le premier jour, on a entendu parler d’« une force internationale d’interposition sur environ 30 kilomètres ». Il faut tout de même préciser qu’il s’agit de 30 kilomètres en territoire libanais. Le PCL a tout de suite réagi en disant que les forces envoyées seraient des forces armées agissant sous l’étiquette des Nations unies, avec pour objectif de désarmer le Hezbollah. Le Hezbollah n’acceptera pas cela. Une force d’intervention internationale ne fera qu’aggraver la situation. Le PCL refuse catégoriquement ce genre de solution. Il faut une solution politique, incluant la libération des fermes de Chebaa et celle de tous les prisonniers. Ensuite, Israël devra payer les dédommagements des bombardements effectués au Liban.