Lors de la reprise des territoires contrôlés par les islamistes armés, des soldats de l’armée malienne ont arrêté des centaines de Maliens, des Touaregs pour la plupart. Plusieurs d’entre eux ont rapporté avoir été torturés.
Des éléments indisciplinés de l’armée malienne se livrent à de graves exactions
L’intervention militaire de la France au Mali a permis d’éviter que les groupes islamistes armés se rapprochent de la capitale Bamako. Cette initiative française a reçu un soutien quasi unanime de la communauté internationale et plus particulièrement africaine. Grâce à l’opération Serval, le territoire malien est de nouveau sous le contrôle des autorités locales ou de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA). Mais à mesure que l’armée malienne reprenait possession du territoire, des centaines de Maliens soupçonnés d’avoir soutenu les islamistes armés étaient arrêtés. Plusieurs d’entre eux ont subi des violences. Certains en sont morts. En mars 2013, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, après avoir enquêté sur le terrain, a accusé des soldats maliens d’avoir mené des représailles contre des membres des groupes ethniques peul, touareg et arabe. Dans un rapport publié en janvier 2013, il recense une vingtaine d’exécutions extrajudiciaires, une vingtaine de disparitions forcées, plusieurs cas de violences sexuelles et d’actes de torture. Des messages clairs des autorités maliennes et de ses partenaires internationaux, dont la France, ont vraisemblablement permis d’éviter des dérapages plus conséquents. L’ACAT était d’ailleurs intervenu auprès des autorités françaises dès que des informations avaient fait état de ces exactions.
Deux hommes ayant été torturés sont morts en détention
Entre le 15 février et le 4 mars 2013, des soldats maliens ont torturé sept Touaregs, âgés de 21 à 66 ans, soupçonnés d’être des islamistes armés. Ils ont été arrêtés à proximité du marché aux bestiaux de Léré, près de Tombouctou, où ils étaient venus vendre des vaches. Ils ont été emmenés dans un bâtiment servant de quartier général militaire temporaire. Pendant près de trois semaines, ils ont été battus à coup de poing, de pied et de crosse de fusil, brûlés à l’aide de cigarettes et soumis à des injections forcées d’une substance corrosive. L’un d’eux a subi une torture avec de l’eau comparable à la technique du « simulacre de noyade ». La plupart ont été ligotés, poignets et chevilles attachés derrière le dos, sur de longues périodes parfois pendant plus de douze heures d’affilée. Au cours de cette période, ils ont été interrogés sur leurs prétendus rapports avec les islamistes armés. Les tortures subies ont occasionné chez eux des blessures graves. L’un d’eux a perdu un œil après avoir reçu un coup de crosse de fusil au visage, un autre est devenu partiellement sourd du fait de nombreux coups de pied à la tête. D’autres ont eu une épaule brisée ou une côte cassée. Deux d’entre eux sont morts en détention à la prison centrale de Bamako dans la nuit du 6 avril. Les blessures causées par les tortures les avaient fragilisés. L’insalubrité de la prison et la chaleur accablante de leur petite cellule, dépourvue de ventilation, les a achevés.
Une justice frileuse
Selon le ministre malien de la Justice, les auteurs d’exactions imputables aux forces maliennes « seront poursuivis et punis ». À ce jour cependant, seuls six militaires – un capitaine, deux sous-officiers et trois caporaux – en poste à Tombouctou ont été interpellés fin février par la gendarmerie et renvoyés à Bamako pour être entendus par l’état-major général des armées. Ils sont soupçonnés de « sévices barbares » sur des commerçants arabes qui sont portés disparus. Ces militaires encourent la radiation de l’armée et un renvoi devant le tribunal militaire, qui existe sur le papier mais qui n’a encore jamais siégé.
Agir
Après avoir signé cette lettre, il vous suffit de la renvoyer à l’adresse indiquée
À la fin de la lettre, retrouvez le fichier de la lettre d’action, ainsi que tous les documents de l’appel du mois (affiche, appel du mois complet, pétition).
Écrivez au président du Mal
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Monsieur Dioncounda Traoré
Président de la République
c/f. Ambassade du Mali
89, Rue du Cherche-Midi
75006 Paris
Fax : 01 45 48 55 34
Monsieur le Président,
Sur la base d’informations communiquées par l’ACAT-France, je souhaite vous faire part de ma profonde préoccupation concernant les exactions commises par des militaires maliens à l’encontre de Peuls, de Touaregs et d’Arabes, soupçonnés d’avoir soutenu les islamistes armés.
Une vingtaine d’exécutions extrajudiciaires, une vingtaine de disparitions forcées, plusieurs cas de violences sexuelles et d’actes de torture ont été documentés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et par plusieurs associations de défense des droits de l’homme. Les auteurs de ces graves violations des droits de l’homme doivent répondre de leurs crimes devant la justice. Or, seulement six militaires en poste à Tombouctou ont été interpellés, fin février 2013, et renvoyés à Bamako pour être entendus par l’état-major pour des « sévices barbares » commis sur des commerçants arabes portés disparus. Les autres militaires impliqués, et notamment ceux soupçonnés d’avoir torturé à Léré sept Touaregs, dont deux sont aujourd’hui décédés, n’ont pas été inquiétés.
J’appelle les autorités maliennes à :
• ouvrir sans délai des enquêtes indépendantes et impartiales sur l’ensemble des allégations de violations graves des droits de l’homme commises par des éléments de l’armée malienne,
• relever de ses fonctions toute personne soupçonnée d’avoir perpétré ou ordonné ces actes,
• juger les auteurs et responsables présumés de ces actes dans le cadre de procédures judiciaires équitables,
• apporter des réparations aux victimes et à leurs familles.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma plus haute considération.
DATE LIMITE LE 5 août 2013
http://www.acatfrance.fr/appel_mois.php?id=83