Edito : Il faut choisir
Plus tribun que jamais lors du congrès du PG à Bordeaux, Mélenchon a multiplié les diatribes. Pense-t-il vraiment, comme il l’a dit dans un entretien à Mediapart il y a quelques jours au sujet de l’Italie, que la période est « prérévolutionnaire et qu’il faut, dans cette période, que quelqu’un assume une fonction tribunitienne » ?
Il veut « mettre du conflit partout ». Chiche, mais comment ? Il se veut « la mauvaise conscience » des socialistes et donc le premier opposant de Hollande, « leur surmoi » dit-il. Faire pression sur le gouvernement ? C’est en deçà du ras-le-bol exprimé par la population, et pas une réponse à la hauteur des attaques que subissent aujourd’hui des millions de personnes ni à la hauteur des exigences des salariéEs en lutte à PSA ou ailleurs, ou des résistants contre l’Ayraultport ! Eux parlent d’alternative politique et entrent en conflit pour des revendications incompatibles avec la politique de ce gouvernement.
Ce qui est franchement inquiétant dans ce discours de Bordeaux, c’est ce mélange continuel d’appels à la lutte sociale et de propos très républicains, quasiment nationalistes, tels « Moscovici, quelqu’un qui ne pense plus en français mais dans la langue de la finance internationale », ou bien ce refus de sortir de l’euro pour que « l’euro de Merkel ne triomphe pas ». Sans même parler de « l’internationalisme et la solidarité, cela c’est français »…
La lutte de classes, l’écosocialisme ne peuvent se limiter aux frontières de l’État et de la République. D’abord parce que cet État n’est pas neutre : ses institutions sont au service de la classe que nous combattons. C’est d’ailleurs pour cela que nous ne voulons pas les gérer. Ensuite parce que la gauche de combat est réellement internationaliste, pour défendre les intérêts communs des oppriméEs par delà d’inutiles frontières.
Dans un contexte de mondialisation de la crise économique, écologique, politique, comment tenir un tel discours républicain ? Quel est l’objectif : gouverner le pays, ou bien se mettre au service des mobilisations dans une perspective d’opposition de gauche résolue à ce gouvernement, de rupture avec cette République et de réelle alternative au système ? Il devient urgent de choisir.
Roseline Vachetta
Révolution citoyenne et surenchère souverainiste
Le troisième congrès du Parti de gauche s’est tenu à Bordeaux du 22 au 24 mars. Il a réuni entre 700 et 800 déléguéEs et s’est achevé par un meeting de Mélenchon qui a rassemblé, selon la presse, entre 3 000 et 5 000 participantEs.
Un seul texte, intitulé « Osons ! », était soumis au débat, « synthèse » de 26 pages produite par une « commission des débats et des propositions » qui aurait traité plus de 4 000 amendements… pour les ramener à 12, ne modifiant d’ailleurs en rien la logique du texte.
Au cours du débat, une cinquantaine de déléguéEs ont pu prendre la parole. Ces interventions, censées porter sur les amendements, étaient la seule possibilité de sortir des clous. CertainEs ne s’en sont pas privéEs pour critiquer la méthode, proposer que le PG devienne un parti d’initiative pour le mouvement social au moment où les syndicats s’y refusent, etc. Ces interventions étaient par ailleurs entrecoupées de multiples séquences : sur les luttes ouvrières, avec présentation des représentations syndicales présentes et intervention d’un salarié d’Air France ; hommage à Chokri Belaid, avec intervention d’un dirigeant du Parti tunisien des patriotes et démocrates unis ; une présentation des délégations étrangères, etc. L’enthousiasme des déléguéEs répondant à ces interventions reléguait de fait le débat au second plan, noyant les critiques sous les applaudissements.
Des dénonciations qui mènent à des impasses
Prolongement du fond politique de ce texte qui a été adopté à une forte majorité, les discours des principaux dirigeants du PG – Delapierre, Billard, Coquerel, Mélenchon – ont marqué de fait une accentuation des côtés souverainistes, nationalistes déjà contenus dans le programme du PG. La lutte des classes y est certes affirmée comme une réalité sociale, mais uniquement comme décor. Les dénonciations les plus radicales et justifiées du système capitaliste se heurtent à une logique qui les transforme en impasses aux relents populistes, nationalistes, antiallemands, accentués par la violence des propos. C’est ainsi que Moscovici et quelques autres sont traités de « salopards », qu’un nouveau concept fleurit, celui de « protectionnisme solidaire », que la « culture française » est glorifiée… Et si Mélenchon affirme ne pas prôner la sortie de l’euro, contrairement à ce qu’il avait laissé entendre à la presse quelques jours auparavant, c’est pour dénoncer « l’euro merkelien », manifestation selon lui de la domination que prétend faire régner l’Allemagne sur le reste des nations européennes…
La « stratégie » qui justifie cette évolution a été énoncée par un des orateurs : « courir plus vite que le Front national »… alors que se profile une perspective politique définie ainsi par le titre d’une des dernières parties du texte d’orientation : « 2014, année électorale : des luttes aux urnes »… La « révolution citoyenne » est devenue le terrain d’une surenchère souverainiste.
Mais ce congrès, c’était aussi un sentiment de fraternité, un accueil chaleureux de notre délégation du NPA, l’enthousiasme suscité par l’évocation des luttes des travailleurs et des peuples… Face à la démagogie dangereuse de la direction, c’est un encouragement à poursuivre un débat plus que jamais indispensable avec les militants, du PG comme de tout le mouvement social, pour défendre cette idée que la seule perspective pour une autre société, c’est la lutte des classes menée jusqu’au bout.
Daniel Minvielle