« Plus l’échec du PS devient patent, plus les appareils s’arcboutent pour essayer de marginaliser la voix d’une alternative à gauche. Pour cela tous les moyens sont bons. Et tous les relais sont bienvenus (…) Diviser le Front de gauche ne mènera nulle part ceux qui en ont fait leur fonds de commerce. Il leur reste à apprendre que sa majesté PS ne permet pas à ses commensaux mieux que de manger à la table des domestiques. » Celui qui s’exprime ainsi est Jean-Luc Mélenchon à propos de ses ennemis du moment, à savoir Olivier Dartigolles, porte-parole national du PCF, et André Chassaigne, président du groupe du Front de gauche à l’Assemblée nationale. Ambiance…
Depuis plusieurs mois, les coups de semonce contre la politique du PS, avec le verbe toujours très haut du co-président du Parti de gauche, sont sous le feu de la critique des dirigeantEs du PCF, beaucoup plus soucieux de ne pas se couper de la rue de Solférino à quelques mois des élections municipales. Abstention ou chaise vide sur le vote du budget d’austérité du gouvernement, abstention sur la loi d’orientation sur l’école sur fond d’opposition des enseignantEs et des parents à la réforme des rythmes scolaires, rapprochement avec la gauche du PS via le club de Marie-Noëlle Lienemann, « gauche d’avenir »… Le PCF n’économise aucun effort pour tenir les deux bouts : exprimer le rejet populaire de la politique de Hollande et Ayrault, tout en prenant la peine de « ne pas creuser de fossés à gauche », pour reprendre les mots de Dartigolles dans le journal Libération.
Les urnes comme révélateur
La raison de toute cette agitation, c’est que les grandes manœuvres ont commencé… sur le terrain électoral. Au-delà du blabla des textes de congrès – celui du PCF est passé il y a quelques semaines, celui du PG a lieu en ce moment – le Front de gauche, en particulier ses deux principales composantes, va se retrouver en plein cœur de ses contradictions originelles. Dans beaucoup de collectivités locales, de municipalités en particulier, les dirigeantEs du Front de gauche, issuEs du PCF dans leur quasi-totalité, sont plongéEs au cœur de la cogestion libérale sous hégémonie socialiste. Et ça se voit ! Ainsi, lors d’une réunion publique à Toulouse, devant des participantEs et des salariéEs de Sanofi et de Pilpa méduséEs, le secrétaire fédéral du PCF 31 et le responsable national communiste de l’intervention en direction des entreprises ont défendu tous les deux la bonne gestion municipale des éluEs communistes, dénigrant au passage les luttes et les tentatives de convergence…
Au menu de 2014 donc, au premier tour des élections municipales une autonomie annoncée des listes du Front de gauche… sauf dans la plupart des villes où le PCF cogère avec le PS. Et pour le second tour, jusqu’où iront les accords pour battre la droite ?
En critiquant à juste titre les politiques d’austérité menées par les gouvernements européens, mais en refusant de se donner pour ici une orientation afin de construire une opposition politique unitaire au gouvernement Ayrault, le Front de gauche va continuer un numéro d’équilibriste difficilement supportable pour ses militantEs et pour certaines de ses composantes politiques. Jusqu’à quand ?
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 187 (21/03/13).
FRONT DE GAUCHE : CONTRE L’AUSTÉRITÉ ET DANS LA MAJORITÉ !?
Le Front de gauche lancera le 23 janvier à Metz sa campagne « L’alternative à l’austérité, c’est possible » autour de ses 25 propositions.
Cette campagne a été présentée dans l’Humanité du 16 janvier. « François Hollande et le gouvernement ont d’abord fait adopter le traité européen qui impose la restriction continuelle des dépenses publiques et met en place des politiques d’austérité. Ils ont ensuite accordé un cadeau de 20 milliards aux grands patrons alors que notre économie souffre déjà des intérêts somptueux payés aux banques privées et des richesses accaparés par les actionnaires des grandes entreprises. Enfin, s’il ratifiait un accord sur l’emploi initié par le Medef il s’engagerait sur une voie qui, si elle devient une loi, va entraîner toujours plus de flexibilité et de nouvelles dégradations du code du travail » y est-il écrit pour affirmer : « Le Front de gauche s’oppose à cette politique d’austérité du gouvernement Ayrault. »
Des esprits simples pourraient en conclure que le Front de gauche se considère comme une opposition au gouvernement. Mais non, il se considère de la majorité tout en souhaitant… « une majorité et un gouvernement décidés à rompre avec le libéralisme et le social libéralisme ». Des contorsions parce que le Front de gauche n’a pas l’intention de rompre avec les institutions et le PS, qu’il n’imagine pas qu’il puisse accéder au gouvernement sans lui. C’est aussi la raison de son ralliement, toute honte bue, à l’intervention au Mali comme le PCF avait en 2001 soutenu l’intervention en Afghanistan. Mais vu la politique du PC, il est quand même obligé de dire sans le dire qu’il faudrait une autre majorité… Tout en restant dans le cadre institutionnel.
Un couteau sans lame
C’est bien là où la campagne du Front de gauche ressemble, pour reprendre une vieille expression, à un couteau sans lame. Rompre avec les politiques d’austérité ne relève pas de la simple bonne volonté ou de choix politiques. La crise et ses conséquences, comme les politiques des classes dominantes et des États qui l’aggravent, sont la conséquence de la lutte pour l’appropriation des richesses, la lutte pour la rentabilité financière et le profit. Elle est l’expression et la conséquence d’une dégradation du rapport de forces.
Rompre avec ces politiques, c’est d’abord et avant tout changer ce rapport de forces et préparer l’affrontement avec le patronat et le pouvoir pour imposer les exigences des travailleurs et des classes populaires, mettre en place un gouvernement anti-austérité qui s’appuie sur les mobilisations, garantisse l’emploi en partageant le travail entre toutes et tous, annule la dette, constitue un monopole public bancaire en expropriant les banques et s’adresse aux travailleurs et aux peuples d’Europe pour construire des États-Unis socialistes d’Europe.
Les 25 propositions du Front de gauche s’arrêtent là où est la clé de la situation : oser s’attaquer à la propriété privée capitalistes et aux institutions. « Nous voulons en débattre avec vous, […] agir ensemble pour imposer tout de suite des mesures vitales ». Oui, discutons d’un programme social et politique pour inverser les rapports de forces et imposer un gouvernement des travailleurs qui en finissent avec l’austérité et engage les transformations sociales nécessaires.
Yvan Lemaitre
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 179 (24/01/13).