La désignation d’Ali Larayedh comme chef du gouvernement est une recomposition du gouvernement de contournement de la révolution : de nouvelles têtes apparaissent, mais sont maintenus les mêmes choix qui ont conduit à l’échec du gouvernement précédent. La gouvernance se fait dans une logique de quotas entre partis et de partage du gâteau entre eux, au détriment des intérêts du peuple et du pays.
La situation du pays est catastrophique avec l’aggravation de la souffrance de toutes les couches du peuple, l’absence de sécurité, la prolifération des armes, la cherté de la vie, la liberté d’action laissée aux milices, la panne de productivité et la paralysie de l’administration, le ternissement de la réputation du pays au niveau international, la tergiversation dans la divulgation des coupables qui ont commandité, planifié, exécuté et offert une couverture au crime d’assassinat du martyr de la patrie, le secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié et dirigeant du Front populaire, le camarade Chokri Belaïd.
Eu égard aux déclarations successives des responsables du mouvement Ennahda sur la formation d’un gouvernement de coalition large, et l’entêtement à poursuivre les mêmes politiques qui ont conduit le pays à cette situation catastrophique, le Front populaire déclare ce qui suit :
* Nous rejetons catégoriquement cette orientation qui ne sert pas les intérêts du pays en cette période critique de transition qui nécessite un large consensus dépassant les intérêts partisans et personnels étroits. Pour cette raison, le Front refuse donc la nomination d’Ali Larayedh comme chef du gouvernement. Il est en effet l’un des symboles de l’échec cuisant du gouvernement précédent et le responsable direct de la situation sécuritaire dans laquelle se trouve le pays : prolifération des armes à grande échelle, exacerbation de la violence politique organisée, attaques contre les militants. La responsabilité politique d’Ali Larayedh est par ailleurs engagée dans l’assassinat du martyr de la patrie Chokri Belaïd ;
* Nous imputons la responsabilité au président de la République par intérim de ne pas chercher une sortie de crise sérieuse en ne se servant pas de l’article 19 de la Constitution, contribuant ainsi à la continuité de la logique des contingences partisanes ;
* Nous considérons que la formation d’un gouvernement de coalition partisane à grands effectifs est une reproduction de la crise qui s’est installée depuis plus de sept mois, et durant laquelle les intérêts du pays ont été sacrifiés et la souffrance des citoyens aggravée, notamment les travailleurs et les marginalisés ;
* Nous renouvelons notre attachement à la nécessité de tenir une conférence nationale de sauvetage qui détermine de manière conventionnelle le programme de ce qui reste de la phase transitionnelle. Cette conférence devra choisir une équipe gouvernementale à effectifs réduits composée de compétences nationales loin des appartenances partisanes et revenir sur les nominations administratives faites sur la base de la loyauté partisane. Cela est nécessaire pour gérer la phase transitionnelle restante sur la base d’un programme conventionnel afin de :
. garantir des agendas politique, électoral et constitutionnel clairs ;
. mettre en place des instances de régulation de l’appareil judiciaire, des médias et des élections ;
. créer un climat propice à la tenue d’élections libres et démocratiques, en particulier dissoudre les dites ligues de protection de la révolution et les milices de la violence organisée ;
. prendre des mesures d’urgence économiques et sociales permettant notamment la réduction de la souffrance de la population ;
* Nous appelons les masses de notre peuple à continuer la lutte par tous les moyens pacifiques possibles. Nous appelons également toutes les forces démocratiques à unifier les rangs contre les manœuvres de ceux qui ont échoué et qui ne feront qu’approfondir la crise et aggraver la souffrance des Tunisiens. Ceci afin de sauver le pays du danger qui le guette, imposer des solutions sérieuses qui soulagent les souffrances du peuple, instaurer la sécurité, dévoiler le nom des criminels, mettre fin à la violence, et dessiner un horizon politique constitutionnel clair pour le restant de la période de transition.
* Nous exigeons l’accélération de la divulgation du nom des responsables qui ont commandité et mis en œuvre l’assassinat du martyr camarade Chokri Belaïd.
Le Front populaire
Tunis, 23/02/2013