Le combat pour l’égalité des droits passe par l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels. Face au projet du gouvernement, les secteurs les plus réactionnaires et bigots de la droite et de l’extrême droite donnent de la voix. Cependant, la nécessaire confrontation politique ne doit pas empêcher les gauches de s’interroger.
La focalisation de l’expression des revendications autour du seul mariage et de l’extension du recours à la Procréation Médicalement Assistée (PMA) peut ainsi susciter des interrogations, sous un angle progressiste.
Concernant le renforcement et l’élargissement du mariage, le risque est de considérer cette institution comme étant la seule qui puisse désormais permettre de protéger les couples ou leurs enfants, d’où la nécessité pour toutes et tous d’y souscrire. Le mariage a certes évolué, devenant un acte de contractualisation fondé sur l’amour entre les conjoints et, en France, sauf exception, il relève du libre choix. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une institution héritière d’une histoire authentiquement réactionnaire. Le mariage n’est pas apparu pour permettre de célébrer l’amour entre deux personnes. Il est apparu pour organiser la circulation de la propriété entre les familles, la transmission des pouvoirs héréditaires masculins, et consacrer l’asservissement des femmes à leurs pères et à leurs maris en en faisant des marchandises. Dans le cas du servage, le mariage des serfs organisé par les seigneurs ne relevait ni plus ni moins que d’un outil de gestion de troupeau humain. Bien sûr les personnes qui se marient aujourd’hui ne le font pas dans la continuité de cet esprit, et le mariage entre deux personnes en 2012 n’est pas une caution donnée à cette histoire.
Mais pour des raisons philosophiques, nombre de couples ne souhaitent pas s’inscrire dans l’histoire de cette institution, lui préférant des formes d’union moderne comme le Pacte Civil de Solidarité (PACS) ou tout simplement l’union libre. Si l’accès au mariage est un droit pour les couples hétérosexuels, il doit, par principe, être étendu aux couples homosexuels et défendu par les militants progressistes. Mais il ne faudrait pas que cette lutte amène à oublier le combat pour les droits des personnes ne désirant pas se marier, combat lui-même précurseur. Exiger de renforcer les droits accordés aux compagnons pacsés devrait constituer une revendication indissociable, de même que la possibilité d’adopter pour tous les couples homosexuels, y compris ceux souscrivant au PACS ou à l’union libre.
La question de la PMA est plus compliquée et touche un tabou politique que les gauches sont incapables d’aborder : celui de la maîtrise de la démographie. Encore une fois, si la PMA est accordée aux couples hétérosexuels, rien ne justifie que l’on exclue les couples homosexuels. Cependant, la question peut être posée plus largement de la légitimité de mobiliser une partie des moyens médicaux disponibles pour traiter et pathologiser l’infécondité, et ce faisant instituer le prima de la biologie sur l’adoption dans la question de la filiation et de la parentalité. Elle vaut pour toutes et tous, et concerne tous les couples, homosexuels ou hétérosexuels.
La reconnaissance d’un droit à avoir un enfant biologique n’est pas la même chose que la possibilité d’en avoir. Un « droit » induit l’obligation pour la société de prendre en charge les modalités de sa satisfaction en lieu et place de l’individu. Concernant la parentalité, il s’agit donc de financer collectivement l’accueil et l’éducation des enfants, les congés parentaux, et, dans le cas de la PMA, de financer pour certains couples les moyens médicaux nécessaires pour pallier à leur infécondité.
Reconnaître ce droit sans reconnaître, par exemple, celui pour un individu de pouvoir subvenir à ses besoins, via le droit inaliénable au travail et l’interdiction de l’aberration que constitue le chômage, peut sembler être une inversion des urgences. De même, financer le recul de l’infécondité quand tous les moyens possibles, médicaux ou sociaux, ne sont pas mobilisés pour assurer en premier lieu le bien-être et la bonne santé de tous les déjà-nés, peut apparaître comme problématique.
Placer la priorité sur la PMA pose également problème quant à la reconnaissance de l’adoption et notamment celle de la légitimité pleine et entière de la filiation pour les enfants adoptés. On le sent bien, avec une symétrie dérangeante entre les positions de ceux qui combattent l’ouverture de la PMA aux homosexuels et certains qui l’exigent : pour eux, les enfants adoptés ne seront jamais de « vrais » enfants de leurs parents.
Enfin, le principal problème que va devoir affronter l’humanité au XXI siècle sera celui de la surpopulation. L’homo sapiens a colonisé toute la planète. Toutes les réponses économiques, sociales ou écologiques seront sans effet si on ne pose pas à un moment la question du contrôle global de la démographie.
A ce propos, que peuvent dire les gauches ?
Comment statuer sur la revendication du droit à l’enfant ? La PMA et les incitations à la fécondité ont elles leur place pour l’avenir de l’humanité et de la planète ? Comment concilier les aspirations légitimes de parentalité avec la question de l’empreinte écologique et la nécessaire diminution du nombre d’humains sur nôtre planète ? En quoi l’adoption ou la co-parentalité, pratiquée en occident par des couples homosexuels, peuvent apporter des éléments pour esquisser une réponse plus globale ?
Si les courants de gauche font l’économie de s’interroger sur ces questions, les mouvements les plus réactionnaires y répondront avec leurs « solutions », anti-démocratiques et oppressives. L’intitulé « Pour une humanité durable » d’un de ces collectifs réactionnaires est à ce titre lourd de sens.
Il est urgent d’aller manifester comme il est urgent que les gauches investissent ces questions !
Pour manifester à Paris pour l’égalité des droits et l’ouverture du mariage pour toutes et tous,
Dimanche 27 janvier 2013 à 14h au métro Denfert Rochereau
Alexis Martin