De Belgique
Ce n’est pas tous les jours que les organisations syndicales lancent une action coordonnée dans 29 pays ! Ce qui est frappant, c’est le niveau très inégal de mobilisation. À la fois sur les formes de luttes : des grèves (4 heures en Italie à l’appel de la CGIL), 24 heures en Espagne, en Grèce et au Portugal, des manifestations, des actions symboliques massives, etc.
Et du point de vue géographique : au Sud, dans des pays qui sortent de plusieurs mouvements de grève successifs, des mots d’ordre nationaux suivis massivement ; et ailleurs c’est beaucoup plus varié, à l’image de la Belgique ou de la France … et même des barricades à Vigo (dans l’État espagnol). Notre pays a été un exemple flagrant de cette inégalité, avec des grèves et des actions bien suivies en Wallonie et un calme presque plat en Flandre.
Il n’empêche, cette journée d’action européenne a mis en évidence le ras-le-bol généralisé en Europe contre les politiques d’austérité. Peu à peu une conscience des enjeux est en train d’émerger. « Grève générale. Ils nous laissent sans avenir » affirmait une banderole barrant l’entrée de l’usine Volkswagen à Pampelune, dans le nord de l’Espagne. Au même moment, à Forest, Audi était à l’arrêt. « Nous sommes en grève contre la réforme du travail, contre les coupes budgétaires dans tout, dans l’éducation, dans la justice, les hausses d’impôts. Car on est en train de perdre tout ce que l’on avait obtenu grâce à beaucoup de travail et d’efforts » résumait une gréviste près de la gare d’Atocha à Madrid. Et reprenant le thème de la grève générale elle ajoutait « il y a des coupables, il y a des solutions ». Symbole internationaliste, 1 500 Hennuyers belges sont allés manifester à Lille, avec les syndicalistes français.
Correspondant de la LCR (Belgique)
Italie : la jeunesse est dans la rue
L’Italie, jusqu’à présent, était restée aux marges des mobilisations, bloquée par la crise du système politique produite par l’effondrement du berlusconisme et par l’attente inquiète des mesures du gourvernement Monti. Le 14 novembre, la paix sociale semble avoir été rompue. Des centaines de milliers de personnes, surtout des jeunes et de très jeunes lycéens se sont servis (malgré la modération des revendications) de la grève générale appelée par le syndicat CGIL pour occuper la rue et, un peu dans toute l’Italie, pour s’affronter à la police qui a été déployée pour défendre les bâtiments du gouvernement.
À Rome, à Milan, à Turin, à Padoue et puis dans beaucoup de villes plus petites, des dizaines de milliers d’étudiants et de travailleurs ont manifesté contre le gouvernement Monti. La préoccupation de la Troïka a été jusqu’à présent d’éviter la contagion monétaire entre les différents pays, mais mercredi il y a clairement eu une contagion sociale.
50 000 à Rome !
La manifestation la plus dynamique et la plus importante a été celle de Rome, où depuis déjà des semaines les lycées ont été occupés par des lycéens et des enseignants, pour la première fois ensemble, contre la réduction des dépenses pour l’école publique. Rome a été littéralement envahie par des dizaines de milliers d’étudiants qui ont manifesté dès le matin dans tous les quartiers. Ils sont partis des lycées et de l’université pour se retrouver vers midi dans un seul cortège d’au moins 50 000 personnes qui, du centre de la ville, a essayé d’arriver (comme il avait été annoncé depuis des jours) jusqu’au Parlement où se discutait la loi financière, style grec, dictée par la Troïka.
Répression féroce
Mais la puissance de la mobilisation et le niveau de colère exprimé dans la rue par les nouvelles générations commencent à effrayer le gouvernement « technique » des banquiers. Il a répondu par une répression féroce en chargeant le cortège avec des engins blindés et des camionettes, le dispersant en se lançant à une véritable chasse à l’homme à coups de bâton. Il y a eu des arrestations de garçons et de filles très jeunes. Pour l’instant, l’unique résultat a été la multiplication des occupations de lycées et d’universités et la préparation de nouvelles manifestations déjà pour la semaine prochaine. Depuis les journées de Gênes en 2001, on n’avait pas assisté en Italie à une répression aussi violente contre une mobilisation de masse. Le gouvernement Monti commence à craindre la révolte sociale… Espérons que cette crainte soit fondée !
Flavia D’Angeli (Sinistra Critica)
Grèce : deux semaines de grosses mobilisations
Ces deux dernières semaines, les travailleurEs et les jeunes ont intensifié leurs mobilisations dans un contexte de plus en plus insupportable de misère et de répression. Manifestations, grèves, occupations : si la ‘’troïka interne’’ des 3 partis du gouvernement a réussi à imposer les ordres de la troïka du FMI, de la Banque et de la Commission européenne, la résistance sur le terrain reste forte, en dépit du manque de débouchés politiques.
Grève nationale de 48 heures contre les nouvelles mesures
On ne revient pas sur les nouvelles coupes imposées, ni sur les semblants de refus que certains députés du PASOK ou de DIMAR (centre gauche alliés à la droite du premier ministre Samaras) ont mis en scène. Le 7 novembre, les 100 000 manifestantEs réuniEs autour du Parlement, même chasséEs par une impressionnante pluie d’orage accompagnée d’une grêle de lacrymogènes, ont montré la puissance de la rue. Ces mesures ont d’ailleurs été adoptées à 3 voix de majorité seulement, et le PASOK a dû exclure 6 députés, dont un ancien secrétaire général.
La faiblesse du gouvernement est criante, son illégitimité encore plus, et le joker que tente apparemment de jouer désormais Samaras, que personne ne croit quand il explique que c’était les dernières mesures d’austérité, c’est de foncer à droite toute, en provoquant sur le terrain du racisme. Il vient de lancer une bombe, en revenant sur les mesures qui permettaient d’accorder moins difficilement la nationalité grecque. Autant dire que c’est un SOS en direction des nazis de Chryssi Avgi (= Hordes d’horreur) et le ministre des flics est en pointe dans cette politique raciste, avec ses rafles d’immigréEs qu’il ose qualifier d’opération « Zeus hospitalier ».
Des manifs moins grosses, des mobilisations crescendo
Puis, le dimanche 11 novembre, il y eut peu de monde pour contrer le vote du budget, adopté y compris avec les voix des exclus du PASOK. On ne saurait mieux montrer qu’il n’y a rien à attendre désormais des élus restant ou juste exclus du PASOK, et si une gauche véritable doit s’adresser aux centaines de milliers d’ex ou encore électeurEs populaires du PASOK, il est clair qu’une alternative de gauche n’a rien à attendre de ces élus !
Pour le 14 novembre, on ne pouvait pas s’attendre à une grosse mobilisation du fait des consignes de la bureaucratie syndicale européenne et du coût pour chaque salarié de 48 heures de grève générale (et ainsi la confédération GSEE avait lancé un arrêt de travail de 3 heures). Certes la manifestation n’était pas ridicule dans ce contexte, avec pas loin de 10 000 personnes. Mais il n’empêche que c’est une occasion perdue de se lier aux mobilisations des travailleurs de toute l’Europe, et de lutter ainsi contre un nationalisme qui en dernier lieu pèse sur les luttes… mais aussi sur les orientations politiques à gauche, autour des questions de sortie de l’Europe ou de construction d’une autre Europe sociale et politique !
Enfin, le samedi 17 novembre avaient lieu les manifestations de commémoration du massacre des étudiants de Polytechnique par la junte militaire en 1973. Après les provocations des nazis proférant qu’il n’y avait eu alors aucun mort, les cortèges avaient bien sûr un fort contenu antifasciste, et des mobilisations devraient avoir lieu samedi prochain, peut-être le début d’un travail unitaire à côté des initiatives trop isolées comme la grosse manifestation motorisée des anarchistes le 15 novembre.
Pour clore provisoirement ce tour des luttes, il faut mentionner, entre autres mobilisations, celle des employés municipaux, avec occupations des mairies, contre les licenciements d’une première vague d’employés municipaux exigés par la troïka, et, comme à Salonique la privatisation de services municipaux pour lesquels l’Allemagne propose des sociétés privées. On comprend pourquoi le consul allemand est reparti enduit de café et de yaourts de la salle de congrès où bourgeois grecs et allemands voulaient tranquillement discuter de ce fromage, ambiance que les travailleurEs sont venuEs quelque peu troubler !
A. Sartzekis
Espagne : succès, limites et perspectives de la riposte sociale
L’élément le plus intéressant pour étudier le changement de période politique que nous vivons ne se trouve pas seulement dans les statistiques économiques ni dans les chiffres de la pauvreté, du chômage et de la perte de salaire réel mais il se trouve surtout dans la participation massive à la protestation sociale contre les mesures des différents gouvernements, avant le PSOE, et maintenant le PP.
La grève a été un succès et encore plus les énormes manifestations qui l’ont accompagnée à travers tout le pays. Des manifestations qui n’auraient pas eu cette ampleur s’il n’y avait pas eu d’appel à la grève générale, qui demeure une expression clé du conflit social.
Et elle a été un succès, bien que la peur des licenciements et du chômage (avec un chiffre alarmant de presque 6 millions de chômeurs) renforce la pression patronale. Malgré aussi l’hostilité et la brutalité policière.
Un énorme succès
La grève a été un succès malgré aussi l’orientation des directions syndicales majoritaires incapables d’engager un plan de lutte à long terme. Elles demeurent dans leur logique de paix sociale, de ce faux discours cynique des responsabilités partagées dans l’origine de la crise et, par conséquent, de la logique des sacrifices partagés pour en sortir. Cette désastreuse orientation a suscité le doute chez ceux qui avaient participé aux deux grèves générales précédentes. Après la première grève générale, les directions syndicales de CCOO (Commissions ouvrières, proches du PCE) et de l’UGT (proches du PSOE) ont signé une contre-réforme des retraites avec le précédent gouvernement PSOE, engendrant une énorme méfiance dans les secteurs qui avaient participé aux deux grèves générales précédentes, créant un sentiment d’indignation dans certains secteurs. Après la deuxième grève générale, le 29 mars dernier, il n’y a eu aucun plan pour impulser la lutte.
Une faiblesse de cette grève est qu’il n’y a pas encore eu de façon généralisée de phénomènes d’auto-organisation par en bas, qui puissent perdurer, en disputant la direction aux secteurs intermédiaires qui participent aux mobilisations. Ce doit être une des tâches des militants d’Izquierda Anticapitalista. Si nous ne le faisons pas, beaucoup de gens peuvent se démoraliser dans cette guerre à moyen terme, car les directions syndicales ne nous mènent nulle part.
La grève a de nouveau paralysé le transport et l’industrie. Et elle a reçu le soutien, mesuré mais en progrès, de petits commerçants. Nous avons eu des difficultés pour faire fermer les banques, les grands établissements commerciaux protégés par la police. Le secteur des employés publics progresse très lentement dans son niveau de conscience et d’organisation malgré les « mareas » (formes d’organisation par en bas qui ont marqué les mois précédents quelques résistances contre les baisses des budgets et les licenciements dans le secteur public).
Construire une perspective
On peut aussi remarquer la participation de la jeunesse, tant dans les piquets de grève que dans les mobilisations. Une nouvelle génération est en train de se politiser lentement, devenant très visible, non seulement dans les mobilisations étudiantes, mais aussi en devenant moteur dans toutes les initiatives, comme la grève générale.
Izquierda Anticapitalista doit lutter pour changer l’orientation des luttes. Il sera important d’obtenir des succès pour que la politisation d’une large fraction de la classe laborieuse aille au-delà du populisme, mais aussi et au-delà du spectre électoral de la gauche réformiste (PCE, Izquierda Unida) qui aujourd’hui continue à avoir un double discours et une double pratique : d’un côté, une rhétorique contre les coupes sombres avec la participation aux mobilisations, et de l’autre, la participation à des gouvernements régionaux qui appliquent des politiques d’austérité, comme en Andalousie.
Jesus Rodriguez (Izquierda Anticapitalista)
Portugal : une des plus grandes grèves de l’histoire
La semaine de lutte a commencé le 12 novembre avec l’arrivée d’Angela Merkel. Deux manifestations à Lisbonne – l’une organisée par la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP) et la seconde par les mouvements à l’origine de la manifestation citoyenne du 15 septembre – ont rassemblé des milliers de personnes protestant contre l’austérité et la dictature de la dette qui plonge le pays dans la récession.
La grève générale du 14 novembre a été appelée par la CGTP et s’est heurtée au refus du secrétaire général de l’Union générale de travailleurs (UGT), qui signera l’accord avec le gouvernement et les patrons. Pourtant, quelques syndicats de l’UGT ont appelé à la grève, plaçant leur secrétaire général dans la position ridicule d’avoir à justifier devant la presse, la veille du 14, qu’il ferait grève, puisque son syndicat était l’un de ceux qui y appelaient, tout en étant contre…
Même le privé !
Les chiffres de la grève en confirment le succès. En dépit des retenues sur salaires qui leur font perdre une journée, il y eut plus de grévistes que par le passé. Les transports et la fonction publique ont contribué à la paralysie de l’activité, mais l’élément nouveau est la participation du secteur privé. Les chantiers navals de la Lisnave ont vu 96 % de participation, l’usine Bosch 90 % et la centrale hydroélectrique d’Energias De Portugal (EDP) de Sines a fermé. Plusieurs usines de l’automobile, de la cellulose ou de la métallurgie ont enregistré des taux supérieurs à 60% de grévistes.
39 manifestations avaient été appelées dans le pays. Celle de Lisbonne a rassemblé des milliers de personnes, des syndicalistes, des étudiants et des militants d’autres mouvements sociaux. Elle s’est terminée devant l’Assemblée, où des heures plus tard, bien après que la CGTP ait démonté la tribune, une dizaine de jeunes masqués, isolés du reste des manifestants, ont passé plus d’une heure à lancer des pierres en direction de la police, sans que cette dernière ne tente de les en empêcher.
Juste avant la conférence de presse de bilan du dirigeant de la CGTP, le ministre a donné l’ordre à la police de charger violemment et indistinctement les milliers de manifestants, semant la panique et en blessant des dizaines, et procédant ensuite à une centaine d’interpellations aléatoires dans les rues. Les gardés à vue resteront des heures au poste sans accès à un avocat ou droit à un coup de fil. La majorité a été relâchée vers minuit, en échange de la signature d’un procès verbal vierge.
Violences policières
Comme il fallait s’y attendre, les images de violence ont dominé cette fin de grève. Elles ne sont cependant pas parvenues à éteindre l’extraordinaire mobilisation des travailleurs dans une période de crise grave. Comme le prouve la participation éloquente du privé, les raisons et l’opportunité de cette grève se sont attirées cette fois-ci la sympathie d’une grande partie de la population. En effet, le gouvernement va approuver un budget dans lequel personne n’a confiance, pas même sa propre base sociale. Il prévoit une brutale augmentation d’impôts pour les travailleurs et les retraités, l’équivalent de deux salaires, et limitera les prestations sociales, en réduisant le montant et la durée des indemnisations de licenciement, des allocations chômage et les aides aux plus pauvres et aux personnes âgées.
La mobilisation se poursuivra avec les manifestations des étudiants le 22 et des travailleurs le 27, soit le jour du vote du budget. Le gouvernement est amarré à la Troïka et à Merkel, le PS a un pied dans le mémorandum et l’autre dans l’opposition. Les syndicats et les forces politiques de gauche ont fait des propositions alternatives rompant avec le mémorandum de la Troïka et proposant de renégocier la dette, concentrant les ressources sur le soutien à l’emploi et à l’économie et non pas sur le paiement des intérêts de la dette, qui représentent dans ce budget une tranche supérieure à la dépense totale du secteur de l’éducation.
Luis Branco (Bloc de gauche)
Journée européenne de mobilisation : une Allemagne solidaire
En solidarité avec la journée européenne de mobilisation du 14 novembre, il y a eu des manifestations et des meetings dans une trentaine de villes allemandes. Dans un cadre collectif baptisé N14, ils furent organisés surtout par Attac, Die Linke, des courants d’extrême gauche, le mouvement Occupy, des syndicalistes, et dans quelques cas aussi par des structures syndicales.La confédération DGB avait envoyé un message de solidarité aux confédérations qui organisaient des grèves et a repris seulement assez tard l’appel de la CES pour le diffuser aux instances régionales et locales. Dans la plupart des villes, les initiatives des comités de préparation locaux furent regardés avec bienveillance par une bonne partie des permanentEs, et le matériel circulait. La participation aux manifestations fut modeste et inégale : 1 000 à Berlin, 800 à Brêmes, 500 à Cologne et Francfort-sur-le-Main, 350 à Hambourg, 300 à Düsseldorf et à Kassel, 180 à Bielefeld…
À Berlin, Bochum, Mannheim et Stuttgart, il y a eu des accords entre N14 et certains syndicats, dont le grand syndicat de la métallurgie IG Metall, pour organiser des activités communes ou sans concurrence ; et à chaque fois la participation aux activités syndicales fut moins nombreuse que celle aux manifestations et meetings des alliances N14. À Potsdam, le syndicat des policiers (GdP) choisit de faire de cette journée une journée de protestation pour de meilleures conditions de travail. Dans plusieurs villes, des activités sur la paix, l’écologie et les universités eurent lieu à la même date et faisaient le lien avec la journée syndicale européenne. Et à Cologne, l’IG Metall avait réussi à mobiliser 700 militants syndicaux à Genk en Belgique trois jours avant (cf. Tout est à nous ! n°170). À Francfort, la confédération syndicale DGB a organisé un meeting avec le président de la région Hessen-Thuringe du DGB, le président du SPD de Hessen, et le co-président de Die Linke-Hessen a également pu y prendre la parole.
La situation de la Grèce fut souvent au cœur des discussions, par exemple à Hambourg où, en particulier, le président du DGB dénonça la situation catastrophique qu’y subit la population. Donc pas de mobilisation forte, mais une solidarité et des convergences positives.
Correspondants Cologne et Francfort
France : une occasion manquée
Le 14 novembre, journée de grève générale en Europe. Mais en France, faute d’appel à la grève et de perspectives, la mobilisation a été faible. La riposte, ce n’était pas maintenant ! Dans l’État espagnol et au Portugal, des manifestantEs ont défilé, appuyés par des secteurs en grève comme l’industrie et les transports. Au Portugal, à deux semaines du vote du budget, cette journée de mobilisation, la plus grosse depuis la révolution des œillets commentent certains, était l’occasion de refuser de nouveau le budget de la rigueur 2013.
En Grèce, la grève générale a eu lieu les 6 et 7novembre contre les mesures d’austérité discutées au même moment au Parlement et le vote d’une loi facilitant la privatisation des sociétés publiques.
Une journée sans réel enjeu
Le degré des attaques contre les salariéEs et la puissance des mobilisations dans les pays du sud de l’Europe obligent les principales directions syndicales à se montrer plus offensives qu’ailleurs. En France, cette journée fut une occasion manquée de mettre en mouvement et de faire converger les différentes luttes de l’industrie avec d’autres secteurs notamment ceux du public.
Si cinq syndicats appelaient bien à relayer l’initiative de la CES, c’était pour en faire une journée de mobilisation sans aucun appel à la grève. D’emblée le ton était donc donné : cette journée ne serait pas une démonstration de force contre la politique du gouvernement qui brosse dans le sens du poil le patronat et s’apprête à faire payer l’addition aux salariéEs. En effet, à 6 jours du vote global du budget à l’Assemblée nationale, cette journée, dans la suite de celle du 9octobre aurait pu être l’occasion de commencer à mettre en avant les revendications d’interdiction des licenciements, du maintien des sites et des emplois, de l’augmentation des salaires en lien avec le refus de la rigueur incarnée dans le prochain budget 2013.
Pas de convergence
Des préavis sont tombés au compte-gouttes et souvent de manière confidentielle mais d’appel clair à la grève, il n’y en eut que très peu. Alors qu’au bout de six mois, le gouvernement est déjà fragilisé par une politique d’austérité, les directions des principaux syndicats se refusent à l’affrontement quand le patronat avance ses pions sur le « coût du travail » et le « choc de compétitivité ».
Dans quelques départements, des intersyndicales ont appelé aux manifs locales sans jamais pousser jusqu’à l’appel à la grève, et de fait, partout les cortèges furent assez minces : 1 000 à Rennes, 2 000 à Marseille, 2 500 à Lille, 3 000 à Bordeaux et environ 5 000 à Paris.
Le 9 octobre avait été une première occasion de faire converger ensemble pour une même action devant le Mondial de l’Automobile de nombreuses équipes des boîtes menacées de fermeture et de licenciements, à l’occasion de la journée de grève appelée par la CGT. Le 14aurait pu être un moment où public et privé se rassemblaient contre l’austérité et ses conséquences. Pour autant, il nous faut continuer à discuter de la nécessité de se mobiliser contre ce gouvernement qui défend chaque jour davantage les intérêts des patrons, des financiers et des actionnaires au détriment de la majorité d’entre nous.
Denise Sarraute
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 171 (22/11/12)..
Avant le 14 novembre
ROME : POUR VIRER MONTI
Vendredi 2 novembre 2012
Finalement, en Italie aussi des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue (50 000 d’après la police, 150 000 d’après les organisateurs) pour contester et combattre la polique du gouvernement Monti et les recettes de la Troika. Samedi 27 octobre s’est déroulé à Rome le « No Monti Day », un grand défilé qui a traversé la capitale pendant plus de deux heures et qui s’est terminé sur la Place San Giovanni, lieu des grands rendez-vous du mouvement ouvrier.
La banderole de tête qui faisait écho à celles du Portugal, de l’Espagne, de la Grèce, annonçait « Avec l’Europe qui se rebelle, chassons le gouvernement Monti ».
Une mobilisation ascendante ?
Jusqu’à présent dans notre pays la résistance a été très faible contre les politiques d’austérité du « gouvernement des techniciens », un gouvernement soutenu par le centre-droite et le centre-gauche et qui représente complètement les intérêts et les choix des institutions politiques et financières de la bourgeoisie européenne.
Jusqu’à présent il y a eu de nombreuses luttes, même très dures, pour la défense des emplois mais ce furent des luttes divisées et fragmentées sans que les organisations syndicales, y compris la CGIL, n’aient appelé à de réelles mobilisations et encore moins à une grève générale pour repousser la politique de massacre social du gouvernement.
Une journée de convergence réussie
La manifestation a été convoquée par une coalition de forces qui a constitué un comité spécifique pour construire ce « No Monti Day ». C’était un comité composé de syndicats de base, d’organisations politiques comme Rifondazione et Sinistra Critica qui s’opposent à ce gouvernement, par le comité No Debito, par les centres sociaux et par bien d’autres comités et mouvements. Toutes ces forces étaient bien présentes dans le défilé mais étaient présents aussi - ce qui représentait un élément fondamental de la manifestion – les acteurs de beaucoup de luttes et de conflits sociaux : les travailleurs d’usines en lutte comme l’Alcoa, Irisbus, Ilva et de vastes secteurs d’enseignants et de travailleurs de l’éducation et enfin une délégation nombreuse d’étudiants et de lycéens, ce qui a permit de populariser dans l’ensemble de la ville les raisons de cette mobilisation.
Ont participé aussi de nombreux mouvements locaux en défense de l’environnement.
Il régnait une forte volonté de construire un mouvement qui se relie et s’intègre pleinement à ce qui se passe dans tant d’endroits en Europe. Ceci s’est exprimé d’ailleurs dans l’écoute et l’attention qui fut prêtée aux nombreuses interventions de la tribune.
Une première mobilisation positive pour préparer la journée européenne de mobilisation du 14 novembre (la CGIL et la Fiom, le syndicat des travailleurs de la métallurgie de la CGIL, appelant ce jour-là à une grève générale de 4 heures).
Correspondant de Sinistra Critica (Italie)
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 168 (01/11/12).
GRÈCE : CHANTAGE ET RACKET
Jeudi 15 novembre 2012
Dans la nuit de dimanche 11 au lundi 12 novembre, 167 députés grecs sur 300, soutiens de la coalition au pouvoir (Nouvelle-Démocratie, le Pasok et la Gauche démocratique), ont voté de nouvelles coupes budgétaires de neuf milliards d’euros pour 2013 alors que la Grèce entre dans sa sixième année consécutive de récession.
Ils ont cédé une nouvelle fois au chantage de la troïka (UE, BCE et FMI). Fier de cette nouvelle capitulation, le Premier ministre, Antonis Samaras, a osé affirmé : « Le deuxième pas décisif a été fait, maintenant c’est l’heure de la croissance et de la reprise ». Quel cynisme ! Cette nouvelle capitulation répondait au chantage de la troïka qui menaçait de ne pas débloquer 31, 2 milliards d’euros de prêt.
Un pays asphyxié
Les fondés de pouvoir de la troïka ne peuvent le taire, « La Grèce est arrivée au bout de ses forces » selon les propos du leader du Pasok Evangélos Vénizélos qui a défendu tous les plans d’austérité. Mais il n’empêche, ils continuent de participer à l’étranglement de la Grèce, à subir et à faire subir au peuple grec le mépris de leurs usuriers. Leur empressement n’a en effet pas suffi à vaincre les réticences de ces derniers. La réunion à Bruxelles des ministres des Finances de la zone euro a considéré que le vote honteux du parlement n’était pas suffisant. Ils veulent connaître avant de débloquer les prêts les conclusions d’une « analyse de la soutenabilité de la dette » grecque réalisée par leurs propres experts qui ont mis le gouvernement grec sous tutelle. En clair, avant de sortir la Grèce de l’asphyxie financière ils veulent s’assurer qu’ils pourront continuer à piller le peuple grec.
Lagarde, toujours souriante, se réjouit : « la Grèce a fait son travail et fait preuve d’une réelle résolution, c’est maintenant aux créanciers de faire de même et le FMI jouera sans aucun doute, et comme toujours, son rôle » en ajoutant « Nous sommes là non pour une solution à la va-vite mais pour une solution réelle ».
Une solution réelle, c’est-à-dire de nouvelles attaques contre les travailleurs, le peuple à genou. Mais la résignation n’est pas à l’ordre du jour. Lors du vote du parlement, une nouvelle manifestation avait lieu place Syntagma, avant la journée de grève générale du 14 novembre.
Yvan Lemaitre
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 170 (15/11/12).