Ce 17 octobre 2012, les intervenants qui se succédaient à la tribune lors du rassemblement annuel auquel donne lieu ce sinistre anniversaire faisaient pour la plupart état de leur satisfaction. François Hollande venait quelques heures auparavant (histoire sans doute de ménager ses effets) de publier un communiqué reconnaissant la « sanglante répression » de la manifestation qui s’était déroulée rien moins que 51 ans plus tôt et rendant hommage à la mémoire des victimes.
Certainement mieux que rien et déjà de quoi énerver la droite. C’est ainsi qu’au nom des députés UMP Christian Jacob juge « intolérable » de « mettre en cause la police républicaine, et avec elle la République toute entière », ajoutant que « politiser les enjeux de mémoire est dangereux pour la cohésion nationale ». Hep, Pétain, tu peux revenir…
Un crime d’État
Pour nous, à l’inverse, le compte n’y est pas. Le massacre du 17 octobre n’est pas encore reconnu pour ce qu’il est : un crime d’État qui n’est pas uniquement le fait de policiers sympathisants de l’OAS (même s’il en était beaucoup) et impliquant, de « bas » en haut : le Préfet de police, Maurice Papon, qui allait transiter par un poste ministériel avant de se faire condamner à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, en raison de son rôle dans l’arrestation de juifs entre 1942 et 1944) ; le ministre de l’Intérieur, Roger Frey, futur président du Conseil constitutionnel ; le Premier ministre Michel Debré (père de l’actuel président du Conseil constitutionnel : décidément la République a de ces continuités, à rendre envieuses les monarchies les mieux établies !) ; et bien sûr le président de la République, un certain général De Gaulle. Aucune intention ne transparaît de rendre manifeste l’enchaînement implacable des responsabilités en ouvrant dès maintenant les archives.
Héritage de la colonisation
À ce propos, il ne s’agit pas que du 17 octobre. C’est sans nul doute un éclairage cru sur les horreurs, et non les prétendus « bienfaits », de la colonisation que jetterait une large ouverture des archives. Pour commencer, une telle disposition rendrait définitivement impossible une initiative aussi ahurissante que l’inauguration prévue le 20 novembre d’une stèle au général tortionnaire Bigeard encore présenté sur le site du ministère de la Défense comme « celui vers qui les regards se tournent naturellement dans les moments les plus difficiles » et dont il nous est dit que « des cuvettes de Ban Som et de Dien-Bien-Phu en Indochine aux djebels algériens ; de Madagascar au Sénégal, il n’avait de cesse de conduire ses “lézards verts” pour quelques parcelles de gloire ».
L’enjeu de la rupture avec une histoire de France fabriquée n’est pas que de « mémoire ». Il est pleinement actuel. L’appel au rassemblement du 17 octobre 2012 le rappelait opportunément : « Ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la Guerre d’Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières ».
François Brun
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 168 (01/11/12).
17 OCTOBRE 1961 : LA RUE CONTRE LE CRIME D’ÉTAT
Lundi soir, 2 500 à 3 000 personnes ont battu le pavé parisien pour la reconnaissance comme crime d’État du 17 octobre 1961, lorsque plus de 300 Algériens furent massacrés dans la capitale, alors que des milliers d’entre eux manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu imposé par l’État colonial. Il s’agit de la plus grande manifestation depuis la relance de la mobilisation en 1991. Une grande partie du cortège était composée de non-militants, signe de la vivacité de la blessure comme de la colère... et de leur actualité. Car c’est bien par le contexte politique actuel que s’explique cette affluence inédite. Le refus de la préfecture de voir le cortège passer sous ses fenêtres est le signe, en creux, de sa responsabilité pleine et entière comme représentante de l’État. Les mobilisations ont été nombreuses, partout sur le territoire.
Le NPA a été présent, comme chaque année, dans chacune d’entre elles. Pendant toute la manifestation parisienne, Philippe Poutou (candidat à la présidentielle), Olivier Besancenot et Christine Poupin (porte-parole) ont tenu la première ligne d’un cortège animé et fourni, avançant au cri de « De Gaulle, Debré, Papon et Frey, assassins du peuple algérien » ou « Rafle du Vel d’Hiv’, octobre 61, l’État français avait lâché ses chiens ».
Commission migrations-antiracisme
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 120 (20/10/11).